Etat et Capitalisme, une autre voie est-elle possible?

30 avril 2012

Etat et Capitalisme, une autre voie est-elle possible?

Nous vivons une époque formidable, en tous cas au niveau théorique! Effectivement, pour un économiste, un politologue ou tout autre expert qui réfléchit sur l’évolution de notre société, celle-ci est en pleine phase de turbulences, de grands changements, d’évolutions rapides, qu’elles soient économiques, sociétales, ou encore politiques.

Par contre, nous sentons bien que cette période est très difficile pour une large partie de la population, dans cette société pleine d’incertitudes, de crises, qui sont synonymes d’angoisses et de paupérisation.

Rapidement dit, nous sommes passés d’un affrontement entre le communisme et le capitalisme, à la fois sur le terrain économique, politique et militaire, mais aussi sur le plan idéologique, à un choc autant entre un capitalisme industriel et un capitalisme financier et entre ce qu’appelle Wolfgang Streek , directeur de l’institut Max-Planck pour l’étude des sociétés, une «lutte acharnée entre investisseurs financiers mondiaux et Etats-nations souverains».

Le capitalisme s’est transformé durant tout le vingtième siècle, en s’adaptant aux différentes crises qu’ont connues nos sociétés, par exemple en intégrant des solutions keynésiennes. Aujourd’hui, ce capitalisme s’est scindé en deux, entre d’une part un capitalisme industriel, héritier justement des crises et des solutions apportées le siècle dernier, et un capitalisme financier où la maximisation du profit est l’objectif ultime de ses acteurs, qui se traduit notamment par la reprise en main opérée par les agences de notation sur les Etats, la pression exercée par les actionnaires et les fonds de pensions sur les entreprises et les difficultés toujours plus grandes pour les PME dans l’obtention de crédits bancaires.

Mon propos ici n’est pas de poursuivre cette réflexion théorique, mais de montrer qu’une réflexion doit avoir lieu dans nos sociétés, et plus particulièrement en Suisse, sur les conséquences de cette dialectique décrite ci-dessus, mais aussi surtout d’encourager les économistes et autres experts à entrer dans le champs des réalités, et de proposer des mesures concrètes: nous devons imaginer de nouvelles activités à l’Etat, qui doit sortir de ces fonctions régaliennes traditionnelles, pour venir en aide à ce que j’ai appelé le capitalisme industriel.

L’Etat doit se substituer aux banques qui ne remplissent plus leurs rôles, dans les activités de crédit, notamment aux PME. Les fonds de private equity et autres investisseurs étant souvent dans une autre logique que celle de jeunes entreprises, il est important que l’Etat remplisse un rôle d’initiateur dans l’encouragement à l’innovation et à l’entrepreneuriat grâce à des mesures d’incitation fiscale, mais aussi de mise à la disposition de locaux et autres structures, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, malgré le discours.

De même, l’Etat, en tant qu’instrument de notre société, doit sortir de la servitude qui le tient au capitalisme financier dans son financement quotidien. A ce niveau il est important qu’un nouveau lien entre citoyens et Etat se crée, notamment dans une participation plus grande des citoyens à l’emprunt étatique, ce qui conduira aussi, sans doute, à une meilleure gouvernance.

Ce ne sont que quelques idées mais le champ est vaste dans la réflexion, nous devons sortir des concepts éculés, tels que «les conditions cadres de l’économie»; il nous faut être plus imaginatif et ne pas avoir peur de bousculer les idées préconçues. Par exemple, je pense que la logique d’affrontement entre le petit patronat et les employés-ouvriers n’a plus de sens au niveau idéologique, et de même l’antagonisme politique entre le moins d’Etat et le plus d’Etat doit se renouveler et aboutir à un espace de réflexion sur un Etat différent, moderne, anticipateur et capable d’audaces.

Manuel Donze – Chroniqueur pour le magazine Le Monde Economique et Fondateur des coffrets cadeaux Ohbox.ch

 

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