Interview de Roselyne Delaye: Si je devais résumer notre approche, je choisirais les mots rigueur et bienveillance,

10 février 2019

Interview de Roselyne Delaye: Si je devais résumer notre approche, je choisirais les mots rigueur et bienveillance,

Interview de Roselyne Delaye – Directrice IMSG

Monde Economique Selon un récent sondage, 6 jeunes diplômés sur 10 considèrent que les compétences qu’ils ont acquises ne « correspondent jamais ou rarement » aux attentes des entreprises. Comment expliquez-vous un tel décalage ?

Roselyne Delaye En réalité, l’accélération exponentielle de ces dernières années met à mal les structures d’enseignement traditionnelles qui peinent à s’adapter aux nouveaux enjeux. Les changements, qu’ils soient sociétaux ou technologiques, nous imposent une rupture du paradigme de l’éducation, d’une rare brutalité, que nous sommes contraints d’accepter si nous voulons poursuivre notre mission éducative professionnalisante. Il devient alors essentiel de déconstruire nos préconstruits afin de repenser l’avenir au travers d’un nouveau format d’enseignements reposant davantage sur les soft skills qui prennent une place de plus en plus prépondérante dans les entreprises. C’est ce qui explique, en partie, ce sentiment de frustration de la part de nos jeunes diplômés qui n’ont été que trop peu sensibilisés aux postures à adopter dans l’environnement professionnel lors de sa découverte.

 Monde Economique Le système éducatif qui date du XXème siècle semble aujourd’hui obsolète face aux enjeux du monde d’aujourd’hui. Quelle est votre vision de l’école du futur ?

Roselyne Delaye Une récente étude nous montre clairement que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore. C’est là un constat qu’il nous faut prendre très au sérieux en notre qualité d’acteur dans l’enseignement. L’école du futur doit préparer à accueillir la chance en développant chez les jeunes une capacité supérieure à capter et interpréter les différents signaux faibles et ainsi saisir chaque opportunité qui se présente. Cela passe, comme je vous le disais, par le développement des soft skills, ces compétences périphériques qui peuvent faire la différence. C’est pourquoi nous avons rendu obligatoire l’opéra, les cours de danses de salon et la culture générale qui représente pour nous un enseignement incontournable. Fiches de lecture, de personnalités et revues de presse doivent permettre à nos étudiants d’appréhender le monde globalement afin d’agir localement. Bien entendu, notre projet repose également, et surtout, sur la dualité école-entreprise qui vient renforcer la compréhension des acquis académiques par une application directe dans les entreprises au sein desquelles nos étudiants travaillent.

 Monde Economique Avec un ADN orienté vers l’employabilité, les business Schools mettent aujourd’hui à la disposition des entreprises une large offre de formations et de parcours pour mieux répondre aux besoins de l’économie. Comment se définit le projet pédagogique de l’IMSG ?

 Roselyne Delaye Le projet de l’IMSG se définit avant tout par la création de valeur et cette dernière ne peut être dissociée de l’entreprise. C’est pourquoi nos étudiants sont au contact de nombreux chefs d’entreprises, avec une présence marquée et remarquée, je l’espère, au sein du Cercle des Dirigeants d’Entreprises, mais également en ayant à réfléchir sur des projets « commandés » par les entreprises elles-mêmes, à l’image d’une junior entreprise. Les attitudes et comportements au sein de l’IMSG sont également des éléments-clés de notre pédagogie : ponctualité, tenue vestimentaire, certes, mais également un long travail d’apprentissage de la méthode PBL (Problem Based Learning) qui se veut inductive (entendons par là qu’elle doit partir du terrain et mobiliser la théorie) et donc beaucoup plus proche de la réalité de l’entreprise. Nous veillons à ce que nos étudiants et futurs diplômés deviennent le plus rapidement possible autonomes dans la recherche de solution(s), sans pour autant négliger les standards universitaires. Un indicateur non négligeable que celui des étudiants de Bachelor et Master ayant d’ores et déjà créé leur entreprise nous renforce dans notre idée que le pragmatisme doit demeurer la pierre angulaire de notre projet pédagogique. Un autre point nous montre que notre positionnement de Business School genevoise est un choix pertinent en termes de réponse économique. En effet, près de 70% de nos étudiants sont suisses et créent leur entreprise en Suisse.

Monde Economique L’adéquation entre l’activité professionnelle et le niveau de formation est un indicateur de la qualité de l’intégration sur le marché du travail des diplômés d’une haute école. Comment l’IMSG prépare-t-elle l’insertion professionnelle de ses étudiants ?

 Roselyne Delaye Il est indéniable que le régime de l’alternance école-entreprise est un formidable intégrateur dans l’entreprise qui voit en ces jeunes, plus aguerris que ceux qui suivraient un cursus traditionnel, les futurs talents et compétences qui serviront leur compétitivité. Dès la première année, les vendredis et samedi sont consacrés à l’activité en entreprise. En dernière année de Bachelor et en Master, c’est 70% du temps qui est consacré au développement de l’expérience en entreprise, pour celles et ceux qui remplissent les conditions, bien entendu. Notre réseau d’entreprises répond très favorablement à cette offre puisque nous avons quasiment la totalité de nos étudiants de 3ème année de Bachelor ainsi que de Masters en entreprise. A l’issue du cursus, près de 93% des diplômés sont en emploi, les autres préférant poursuivre leurs études, souvent à l’étranger, avant de revenir en Suisse.

Monde Economique Une étude du cabinet Accenture révèle que si la formation fonctionne, la part des emplois risquant de disparaître du fait des nouvelles technologies ne sera que de 4 % aux États-Unis, 6 % au Royaume-Uni (contre 20 % autrement) et 10 % en Allemagne. Quel cursus pour les métiers de demain ?

 Roselyne Delaye Si des métiers doivent disparaître, d’autres seront créés, c’est une évidence. Il ne faut donc pas être pessimiste. Je pense que des choses fabuleuses vont se passer sur le plan de l’emploi. Il faut donc être à l’écoute du marché et de ses évolutions et surtout anticiper car nous sommes sur des cycles plutôt longs en matière de formation. Maintenant, les pronostics donnent gagnants les métiers liés au cyber, aux datas et à l’intelligence artificielle. Notre rôle est de faire évoluer les programmes en établissant un diagnostic précis des besoins futurs en compétences. C’est là, sans doute, la plus grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés, même si nos collègues du Campus Biotech, qui travaillent sur le Brain Project ou la gestion des émotions, nous orientent d’ores et déjà sur des pistes plus que sérieuses.

Monde Economique Nés avec Internet, les diplômés d’aujourd’hui découvrent les entreprises de plus en plus en décalage avec ce qu’ils connaissent. Ils cherchent du « être » pas de l’«avoir ». Comment les écoles d’enseignement supérieur peuvent-elles contribuer à cette quête de sens?

 Roselyne Delaye Par l’exemplarité, par la rigueur et la qualité du lien intergénérationnel. J’entends par là que nous devons retisser un lien de confiance avec les étudiants mais sans pour autant balayer la discipline et les règles qui régissent notre école. Si je devais résumer notre approche, je choisirais les mots rigueur et bienveillance, car ils qualifient à merveille notre action quotidienne auprès de nos étudiants. C’est incontestablement pour pouvoir respecter ces deux engagements que nous avons volontairement limité nos effectifs à 15 apprenants par classe.

 

Texte de présentation de l’IMSG

L’International Management School Geneva est la résultante de près de 20 ans d’expérience dans l’enseignement supérieur et d’observation des différents systèmes éducatifs. Elle a été créée à l’initiative de chefs d’entreprises et d’universitaires afin de répondre aux attentes du bassin économique genevois. C’est la raison pour laquelle son projet pédagogique repose sur la dualité école-entreprise ainsi que sur l’acquisition de comportements et attitudes qui se veulent en adéquation avec les demandes des entreprises. L’IMSG propose des diplômes professionnalisant de BACHELOR et de MASTER dans les domaines de la gestion, du management, du trading, du marketing et du Business/Diplomacy. Les dirigeants et managers ne sont pas laissés pour compte ; pour ces derniers, un Executive DBA vient parfaire l’offre de formation. Avec ce programme doctoral, l’expérience managériale significative des auditeurs, leur permet de modéliser leurs pratiques et de développer un domaine d’expertise qu’ils pourront présenter au travers d’une thèse soutenue devant un jury composé de professionnels et d’universitaires. Tous les diplômes de l’IMSG sont accessibles par la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE).

Une organisation bicéphale pour une approche globale de l’éducation

 Cette organisation à deux têtes montre le caractère abouti du projet où chacun des acteurs aura décidé d’investir et de se sacrifier individuellement mais également collectivement pour l’aventure genevoise. L’un, en acceptant de diminuer son activité de directeur de la recherche d’un groupe leader de l’enseignement supérieur et l’autre en choisissant de changer d’orientation professionnelle en quittant l’univers du marketing et de l’industrie pharmaceutique pour celui de l’éducation. Un challenge que le duo a décidé de relever ensemble. Cela démontre, par ailleurs, que, contrairement aux apparences, un couple à la ville peut tout à fait se retrouver sur un même lieu de travail avec une autre histoire commune à construire. C’est un peu une continuité et, si cela peut apparaître comme étant difficile à gérer et demande une capacité de cloisonner, la situation rassure parents et futurs étudiants.

Ils retrouvent ainsi une forme de « cocon familial » bienveillant mais également rigoureux, propice à la construction, au développement ainsi qu’à la recherche de sens et d’équilibre des jeunes adultes. Ne serait-ce justement pas là notre vocation première ? Le débat reste ouvert.

 

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