LE CONCEPT DE CROISSANCE INCLUSIVE – AU CŒUR DE L’EDITION 2017 DU FORUM DE DAVOS

20 février 2017

LE CONCEPT DE CROISSANCE INCLUSIVE –  AU CŒUR DE L’EDITION 2017 DU FORUM DE DAVOS

L’édition 2017 du Forum de Davos a constaté une croissance économique très encourageante dans le monde (3,1% pour 2016 avec une attente de 3,4% en 2017) mais elle a en même temps souligné le caractère non suffisamment équitable de la redistribution des bénéfices obtenus. L’embellie durable ne profite pas à tous – c’est ce qu’a confirmé l’étude « Croissance inclusive et développement » présentée en amont du Forum de Davos.

Le revenu médian annuel a diminué de 2,4% (soit de 284 dollars) dans 26 pays développés. Les inégalités ont non seulement persisté mais elles se sont creusées encore davantage : entre 2009 et 2012, les 1% les plus riches aux Etats-Unis ont vu leur richesse augmenter de 31% alors que pour les 99% restants, ce taux de croissance était de seulement 0,5% (source des chiffres : France Culture). Et que dire d’un état des choses qui voit 8 personnes posséder autant que la moitié de la population mondiale ? Cette équation ou, bien plutôt flagrante inéquation, n’a plus le caractère anecdotique voire conspirationniste qu’on pouvait encore lui trouver dans un premier temps : elle vient d’être rapportée à l’édition actuelle de Davos, citée comme le résultat le plus fâcheux d’une mondialisation qui au lieu d’assurer une extension des bénéfices à un nombre toujours plus large de personnes dans le monde, finit par les concentrer aux mains de quelques-uns.

Une table ronde organisée à Davos s’est spécialement penchée sur cette problématique abordant ainsi définitivement l’un des sujets majeurs de l’édition 2017 du Forum annuel – la croissance inclusive (les autres thèmes étant la recherche d’une réponse aux attentes de la société civile, la préparation à un monde qui demain comptera 9 milliards d’individus, la limitation des effets disruptifs des innovations). Que faire pour rendre la croissance engendrée par l’économie globalisée attirante pour des millions d’individus dans le monde ?

« Croissance et équité peuvent aller de pair », postule le rapport de Davos qui préconise le réajustement du modèle de redistribution de biens, y compris par des mesures qui jusqu’hier encore pouvaient paraître irréalistes. Parmi elles – l’idée d’un negative income tax, ce revenu universel controversé qui, entre moqueries et mépris essuyés, et après son clair rejet au référendum en Suisse, a subrepticement fait son chemin escarpé et est parvenu jusqu’au sommet de Davos. Le concept y est maintenant officiellement proposé comme remède aux aléas engendrés dans la société tant par le processus de mondialisation que par la percée des nouvelles technologies. Intéressant hasard du calendrier : au moment même où Davos envisageait l’instauration d’un revenu universel, en France Benoît Hamon gagnait le premier tour de la primaire de gauche pour la présidentielle du mois d’avril, avec comme argument-clé de sa campagne l’introduction d’un revenu de base inconditionnel. Certes, entre ce que propose le nouveau champion de la gauche traditionnelle française et ce qui est envisagé par le Forum économique mondial il y a de notables différences, le premier parlant d’un revenu véritablement « universel » et le second limitant ce revenu aux seules personnes en situation précaire. Pourtant, dans l’essentiel, le discours est le même et, prenant en compte tant les propositions de Hamon que celles de Davos, on peut considérer ce début de 2017 comme le moment de véritable consécration officielle de l’idée d’un revenu « universel ».

Parlant de réajustement du modèle de croissance et de redistribution, le Forum économique mondial fait en même preuve d’un effort de réajustement de ses propres priorités. Cette grande manifestation annuelle donnait d’elle-même depuis toujours l’image d’un rassemblement privilégié, dans la ville la plus élevée de l’Europe et au milieu des neiges les plus blanches et les plus poudreuses, de la « crème » de l’élite mondiale. Mais maintenant, dans un contexte de méfiance grandissante et de ressentiments « anti- establishment », cette image trop « crème de la crème » devient quelque peu déplacée. D’où probablement l’ambition de Davos de donner un nouveau message de lui-même, un message plus acceptable dans les conditions actuelles – celui d’une élite à l’œuvre, à l’avant-garde de changements dramatiques et bénéfiques pour tous, à la tête d’une mondialisation heureuse et inclusive.

Certains observateurs se demandent déjà si l’on n’assiste pas à une récupération (bien paradoxale !) par Davos du discours altermondialiste, d’une tentative de devancer les critiques anti- élite par la prise de positions lucides et déterminées et de décisions concrètes. On attendra les éditions suivantes du Forum pour voir si c’est vraiment le cas et si une telle tendance se confirme.

Alors, à l’année prochaine, à Davos !

 

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