« Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS », un bon compromis ?

13 mai 2015

« Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS », un bon compromis ?

« Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS », un bon compromis ?

La votation sur l’initiative populaire « Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale) » aura lieu le 14 juin 2015. Le Conseil fédéral et le Parlement recommandent de la rejeter.

Actuellement, l’impôt sur les successions et les donations relève de la compétence des cantons. Tous les cantons prélèvent un tel impôt, à l’exception notable du canton de Schwyz.[1]Le canton de Lucerne ne prélève qu’un impôt sur les successions, mais les donations faites dans les cinq années précédant le décès du défunt sont considérées comme des successions.[2]

La plupart des cantons prélèvent un impôt sur les parts successorales, à savoir un impôt perçu sur la part successorale reçue par chaque héritier. Ce système a le mérite de permettre de fixer le taux de l’impôt conformément au degré de parenté entre le défunt et le bénéficiaire. Seuls les cantons des Grisons et de Soleure prélèvent un impôt sur la masse successorale, soit un impôt perçu sur la masse successorale dans son intégralité avant tout partage.[3]Les taux d’imposition varient de canton en canton.

Les époux et les partenaires enregistrés se trouvent exonérés dans tous les cantons.[4] Quant aux descendants, ils sont également exonérés dans la plupart des cantons, à l’exception des cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures, de Neuchâtel et de Vaud.[5] En 2012, l’imposition des successions et des donations a rapporté 898 millions de francs en total (783 millions aux cantons et 115 millions aux communes).[6]

Déposée le 15 février 2013, l’initiative prévoit une modification de la Constitution afin d’instaurer un impôt sur les successions et les donations au niveau fédéral, à la place des impôts cantonaux existants, à un taux fixe de 20%. Les cantons seraient par contre responsables d’effectuer la taxation et la perception. Il s’agit d’un impôt sur la masse successorale, ce qui signifie que l’impôt grèverait tous les héritiers et donataires de la même façon, qu’ils soient des descendants ou des personnes tierces.

L’impôt serait uniquement dû sur les sommes de successions et de donations supérieures ou égales à deux millions de francs. Seraient exonérés les cadeaux d’un montant maximal de 20 000 francs par an et par donataire. Les conjoints ou les partenaires enregistrés ainsi que les personnes morales exonérées d’impôt ne seraient pas soumis à ce prélèvement. Les entreprises ou les exploitations agricoles faisant partie de la succession ou de la donation bénéficieraient des allègements, à condition qu’elles soient reprises par les héritiers ou donataires pendant, au moins, une durée de dix ans. Deux tiers des recettes de l’impôt seraient destinés au financement de l’AVS. Le tiers restant serait conservé par les cantons.

Si acceptées par le peuple, les nouvelles dispositions constitutionnelles déploieraient leurs effets à partir du 1er janvier 2017. Cependant, les donations faites dans les cinq ans précédant le décès du défunt, soient les donations faites à compter du 1er janvier 2012, seraient imposées rétroactivement.

Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative pour plusieurs raisons, parmi lesquelles nous pouvons citer les suivantes:

  • 1.Comme l’initiative prévoit un impôt sur la masse successorale, il ne serait plus possible de prendre en compte les liens de parenté. Il en découle que pour les descendants, l’initiative entraînerait une nouvelle charge fiscale ou une charge fiscale plus élevée. Or, ce résultat irait à l’encontre de la décision de la plupart des cantons qui exonèrent les descendants et de la volonté de la majorité de la population qui souhaite que l’on protège et soutienne le noyau familial (parents et enfants).[7]
  • 2.Le Conseil fédéral estime le produit potentiel du nouvel impôt fédéral aux trois milliards de francs.[8]Néanmoins, suite aux allègements, dont les modalités ne sont pas encore connues, ce montant ne serait, fort probablement, pas atteint. Les recettes des cantons provenant de l’impôt fédéral sur les successions et les donations risquent ainsi de se situer au-dessous du montant actuel des impôts cantonaux.[9]
  • 3.Les recettes provenant de ce nouvel impôt fédéral ne seraient pas suffisantes pour résoudre le problème de l’AVS.[10]Il conviendrait plutôt de prévoir un mode de financement durable. Le Conseil fédéral propose plusieurs solutions sur ce point, telle qu’une hausse de la TVA de 1,5 pour cent au maximum.[11]
  • 4.Afin de bénéficier des allègements prévus pour les entreprises, les héritiers doivent poursuivre l’exploitation pendant dix ans. Si ce délai n’est pas respecté, les héritiers sont soumis à une imposition subséquente. Une charge fiscale latente pèserait ainsi sur les héritiers pendant une période relativement longue.[12]
  • 5.L’impôt sur les successions et les donations alourdirait la charge fiscale des personnes fortunées, qui s’acquittent également d’un impôt sur la fortune –à souligner que dans la plupart des Etats membres de l’OCDE la fortune n’est pas ou plus imposée–. Cette charge fiscale considérable peut inciter les personnes fortunées à quitter la Suisse pour des pays à fiscalité plus avantageuse.[13] La compétitivité fiscale de la Suisse à l’échelle internationale s’en verrait ainsi affaiblie.
  • 6.La rétroactivité prévue par l’initiative est disproportionnée.[14]

La votation du 14 juin démontrera si l’initiative constitue un bon compromis aux yeux des contribuables. Si la majorité estime que « oui », un nouvel impôt fédéral entrera en vigueur. Attention à la rétroactivité !

[1] Feuille d’information: Initiative « Imposer les successions de plusieurs millions pour annoncer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale) », p. 1 (ci-après Feuille d’information). Disponible en ligne: http://www.efd.admin.ch/dokumentation/gesetzgebung/00573/02785/index.html?lang=fr.

[2] Idem.

[3] Idem, p. 2.

[4] Idem.

[5] Idem.

[6] Idem.

[7] Répliques aux arguments du comité d’initiative « Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale) », p. 3 (ci-après Répliques). Disponible en ligne : http://www.efd.admin.ch/dokumentation/gesetzgebung/00573/02785/index.html?lang=fr.

[8] Feuille d’information,
p. 3.

[9] Idem.

[10] Répliques, p. 2.

[11] Idem.

[12] Répliques, p. 2.

[13] Répliques, p. 2.

[14] Questions et réponses : Initiative « Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale) », p. 3. Disponible en ligne : http://www.efd.admin.ch/dokumentation/gesetzgebung/00573/02785/index.html?lang=fr.


 

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