Du 30 novembre jusqu’au 11 Décembre 2015, les pays du monde entier sont réunis à Paris pour faire face au dérèglement climatique. De toutes les régions du monde, le continent africain est le plus affecté par le réchauffement de la planète. Il en est pourtant le dernier responsable.
La lutte contre le réchauffement climatique et, plus largement, la préservation de l’environnement, c’est un peu l’histoire du fumeur: il sait que c’est nocif, voire mortel, et que continuer à fumer est suicidaire, mais les effets négatifs promis semblent lointains, alors il procrastine… La crise actuelle a pourtant été anticipée par les scientifiques dès les années 1970. Une étude remarquable du géochimiste américain de l’Université de Columbia, Wallace Broeker, publié en 1975, prévoit déjà un réchauffement climatique. Il a décrit l’impact des activités humaines sur l’atmosphère et a estimé la concentration de CO2 dans le temps. Chercheurs internationaux et experts sont presque tous unanimes: la limite de concentration de CO2, au-delà de laquelle nous risquons des bouleversements majeurs (canicules, inondations, fonte des glaces, hausse du niveau de la mer, acidification des océans, etc) a été franchie autour de…1990. Ce n’est plus de l’inconscience, mais ce sera un crime si les pays pollueurs n’agissent pas vite afin d’éviter la catastrophe.
La situation du continent noir
Les scénarios catastrophes parlant de l’Afrique aux prises avec le réchauffement climatique d’ici cinquante ans ou plusieurs siècles sont multiples. Mais il n’est pas nécessaire de regarder aussi loin. Au Sahel, 500 millions d’hectares sont déjà dégradés à cause de la désertification, qui est l’une des conséquences du réchauffement de la planète. Cette progression du désert et autres effets négatifs du dérèglement climatique (effacement des saisons, salinisation des sols, multiplication des épisodes extrêmes tels que les tempêtes) entraînent leur cortège de conséquences économiques et sociales: migrations vers les villes, insécurité alimentaire, guerre, crise migratoire, réfugiés climatiques, terrorisme. Le changement climatique n’est pas seulement une affaire environnementale, mais va provoquer une réaction en chaine qui aboutira à l’aggravation de la pauvreté alors que l’Afrique est supposée être promise à une décennie de croissance soutenue. Le lac Tchad est en voie de disparition. De 90’000 m2, il ya quelques années, alors que les spécialistes parlent aujourd’hui de 25’000 m2. L’Afrique paye donc un lourd tribut pour ce réchauffement climatique qu’elle n’a pas créé. L’Afrique est en effet responsable de moins de 4% des émissions de gaz à effet de serre, qui proviennent notamment de la production d’énergie et des transports, de l’agriculture et l’agro-industrie. Sur les 20 pays les plus vulnérables aux bouleversements du climat, 15 sont africains (Tchad, Niger, RD Congo, Centrafrique, Soudan du Sud, Nigeria). L’explication est d’abord d’ordre géographique. La montée attendue du niveau des mers par exemple, touchera plus fortement les zones situées autour des tropiques. Selon le rapport « Africa’s Adaptation Gap » du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), quelque 10 millions de tanzaniens, de Mozambicains, de Camerounais et d’Egyptiens, dont les pays sont les plus concernés par ce problème, pourraient être contraints de se réfugier à l’intérieur des terres à la fin du siècle si la température de la planète augmente de 4,8°C avec pour conséquence l’amplification des catastrophes naturelles. De plus, l’Afrique est pénalisée par son manque de moyens pour faire face à cette évolution.
Les négociations de Paris
A Paris, les principaux pollueurs tentent de s’entendre pour réduire leurs émissions de gaz afin de limiter à 2c° l’emballement du thermomètre mondial. Cet objectif, même s’il est essentiel, ne suffit pas aux négociateurs africains. Les négociateurs africains militent pour que les pays développés contribuent à protéger le continent des bouleversements annoncés (ce que désigne le terme d’adaption) quelles que soient les décisions prises en matière de réduction des émissions. Car même avec un réchauffement de 2c° maximum, la moitié de la population africaine souffrira de l’insécurité alimentaire en 2050, particulièrement dans les pays du sahel, mais aussi en Ethiopie, au Maroc ou en Afrique australe, souligne le rapport du PNUE. La facture déjà colossale, se chiffre entre 7 et 15 milliards de dollars par an entre aujourd’hui et 2020, selon le même rapport du PNUE. Les besoins s’élèveront à 50 milliards de dollars par an en 2050 avec une augmentation de 2° et à 100 milliards par an si les températures augmentent de 4°. En ce qui concerne le financement, il est retenu la somme de 100 milliards jusqu’en 2020 et, pour l’adaptation, 16% selon une étude de l’OCDE alors que l’Afrique voudrait que cela soit doublé. L’Afrique reçoit une part minime de ces financements bien que plus de 75% d’entre eux bénéficient à l’effort d’atténuation des émissions, en participant aux projets d’énergies renouvelables, comme le solaire, l’éolien ou la biomasse. Les négociateurs africains souhaitent sauver le bassin du Congo, deuxième poumon mondial et le lac Tchad. Ils demandent aussi le transfert des technologies économiquement viables à travers le fonds vert lancé par l’ONU. Enfin, ils exigent un accord juridique contraignant à l’issue des négociations, mais Barak Obama a déjà fait savoir que les Etats-Unis ne signeront pas un accord contraignant.
Il faut agir ici et maintenant.
La communauté internationale sait ce qu’il convient de faire et comment: « investir et prévoir ». Il faut agir maintenant, perdre du temps serait suicidaire. Agir sur nos villes (existantes et futures) pour les rendre plus propres, plus productives et plus modernes, avec des énergies moins fossiles et plus de renouvelables et, enfin, sur les terres et les forêts, que nous devons préserver à tout prix. Les bonnes décisions peuvent avoir des effets rapides et efficaces. Les exemples concluants sont multiples. La Californie s’est lancée dans un programme drastique d’énergies renouvelables. En 2020, elle retrouvera un niveau d’émission de gaz à effet de serre proche de celui de 1990 alors que son économie aura doublé. L’Ethiopie connait une croissance soutenue mais un bilan carbone neutre. Le brésil a réduit son taux de déforestation de 70% en dix ans. L’Inde, grâce à l’énergie solaire, va apporter d’ici à cinq ans l’électricité à plus de 400 millions de personnes qui en sont aujourd’hui privées. Il est démontré que l’on peut réduire nos émissions de CO2. Nous pouvons faire des cent prochaines années les meilleures ou les pires de l’histoire. La communauté internationale pourrait aussi profiter de cette crise pour créer une vie meilleure pour tous, un avenir plus durable, plus prospère et plus juste socialement. Ce que résume l’économiste britannique Nicholas Stern, spécialiste de la question, par une formule qui décrit ce que nous pourrions accomplir: better growth, better climate, better world » (« une meilleure croissance, un meilleur climat, un meilleur monde »).