L’Afrique du Sud pourrait être exclue de l’AGOA, ce traité de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Afrique. Washington et Pretoria se sont engagés dans un bras de fer concernant l’importation de viande en provenance des Etats-Unis. Barack Obama avait donné à l’Afrique du sud jusqu’au 4 janvier 2016 pour lever les barrières commerciales. Dans le cas contraire, elle risque l’exclusion de ce traité de préférence commerciale.
Au cœur du problème, l’importation des volailles, de porcs et de bœufs américains. L’Afrique du Sud bloque l’importation de ces produits depuis des années, en imposant des mesures antidumping. Il y a un an, Pretoria a été amenée jusqu’à interdire totalement l’importation des poulets, suite à une épidémie de grippe aviaire. L’autre pierre d’achoppement est la régulation sanitaire relative aux viandes bovines. Si Pretoria a levé en aout dernier, la barrière destinée à protéger son marché de l’encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle, les importations américaines doivent encore franchir un dernier cap avant d’entrer en Afrique du Sud. En effet, le cheptel américain est constitué de bovins importés du Canada et du Mexique que Pretoria veut voir retirés des lots dirigés vers son territoire. Washington accuse l’Afrique du Sud de protéger son marché et rappelle que ces restrictions sont contraires à l’esprit de libre-échange de l’Agoa. Mais à Pretoria, on rétorque que les Etats-Unis déversent sur le continent africain des produits agricoles qui ne sont pas conformes aux normes sanitaires sud-africaines. L’Afrique du sud exige que la volaille américaine soit certifiée exempte de salmonelle (une bactérie qui est détruite à la cuisson). Même les représentants du secteur de l’industrie agroalimentaire partagent largement la position gouvernementale sud africaine. Voici la position de Kevin Lowell, directeur général de l’Association sud-africaine des éleveurs de volaille : « nous avons de bonnes raisons de ne pas accepter les conditions américaines. Nos volailles contiennent moins de salmonelles que les leurs. Notre position est basée sur des faits scientifiques. Notre industrie locale aurait été déçue si notre pays avait reculé et revu ses standards à la baisse » « Personne ne mange de la volaille crue », rétorque un dirigeant américain qui exprime la position des USA, selon laquelle ces normes ne sont pas basées sur des principes scientifiques.
L’ultimatum dépassé.
Le 5 novembre dernier, un ultimatum de 60 jours avait été accordé à l’Afrique du sud pour lever ses restrictions aux importations agricoles américaines au risque de se voir retirer du régime préférentiel de l’AGOA, un accord qui exonère de taxes certaines exportations africaines à l’entrée des ports américains. En effet l’AGOA a été renouvelé en juin dernier, et exempte de taxes l’entrée aux Etats-Unis de plus de 7000 produits provenant de 39 pays de l’Afrique subsaharienne. 1/5 des exportations sud-africaines vers les USA bénéficiaient de ce régime. Les agrumes sud-africains devraient être particulièrement affectés. Ils ont généré 60 millions de dollars entre janvier et Octobre 2015 contre 51,9 millions de dollars, un an plutôt. Les producteurs sud-africains ont exprimé leur inquiétude et pensent ne pas être en mesure de concurrencer les Péruviens, les Uruguayens et les Chiliens si l’AGOA venait à être suspendu. Les USA sont le 3e partenaire commercial de l’Afrique du Sud derrière la Chine et l’Allemagne. En 2014, les échanges entre les deux pays s’élevaient entre 15,5 milliards de dollars. Pour le professeur Koakou Koffi, enseignant à l’université Witwatersrand de Johannesburg, l’attitude de Pretoria s’explique du fait que le gouvernement sud-africain voudrait diversifier ses partenaires commerciaux, avec entre autre la Chine. Pour les autorités sud-africaines, les produits américains sont chers tandis que la Chine a baissé le prix de ses produits. Les produits chinois, au départ étaient jugés de mauvaise qualité et peu durables. Aujourd’hui, selon cet expert, les produits chinois commencent à être de bonne qualité et concurrencent même les produits américains. Pour de nombreux observateurs, Pékin se frotte les mains et ne souhaite pas un compromis entre sud-africains et Américains. Un accord a cependant été trouvé la semaine dernière sur la quantité des exportations américaines et le président américain donne à l »Afrique du Sud jusqu’au 15 mars 2016 pour appliquer cette décision.