L’étau des taux 

19 mai 2025

L’étau des taux 

Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier

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Michel Saugné © LFDE

Depuis les annonces fracassantes du Liberation Day, la plupart des grandes classes d’actifs ont retracé les mouvements violents de début avril. Toutes ? Sauf deux : le dollar et les taux longs américains. Elles traduisent la défiance face au billet vert d’une part, et les craintes face à la soutenabilité de la dette américaine d’autre part. Le dollar est encore en nette baisse, qu’il soit regardé à travers la parité avec l’euro ou face à un panier de devises pondéré par les échanges commerciaux américains, alors que le taux à 30 ans américain tangente le seuil symbolique de 5% – seuil qui pourrait avoir provoqué le revirement de D. Trump avec l’ouverture d’une trêve.

Sur les marchés financiers, les grandes tendances voguent au gré de narratifs mouvants, celui de l’exceptionnalisme américain fin 2024, de la guerre commerciale en 2025. Demain, peut-être, celui de la soutenabilité de la dette américaine ?

Entre 2022 et 2024, avec un déficit annuel moyen de plus de 6% par rapport au PIB et une croissance vigoureuse de 2,7%, la croissance américaine semble dopée au déficit public, tel un cycliste de la fin des années 90. Un autre défi rôde, puisque que le fardeau des intérêts ne cesse de s’alourdir : d’1,5% pendant deux décennies en moyenne, il grimpe depuis le choc d’inflation post covid, et dépasse désormais les 3% du PIB.

En ce moment, au Congrès se négocient les contours du budget 2026, baptisé ‘‘Big Beautiful Bill’’ par Donald Trump. Du côté des dépenses, la tendance est l’amaigrissement : si les fonctions régaliennes – défense, police, justice – sont choyées, le parapluie de l’Etat providence semble voué au régime sec. Côté recettes, le tableau est moins limpide. Les impôts et taxes seront allégés pour les ménages et les entreprises avec l’espoir que la hausse des taxes douanières permette de financer ces allègements. Mais cette équation paraît difficilement résoluble. Certes, le niveau de taxes douanières perçues a été record en avril, mais il reste sans commune mesure avec les allègements fiscaux anticipés. 

Par ailleurs, les recettes sont étroitement liées à la vigueur de la croissance économique puisqu’elles sont indexées sur les bénéfices, les revenus ou la consommation. Si l’hypothèse d’une récession en 2025 semble moins probable désormais, celle d’un ralentissement l’est beaucoup plus, de quoi peser un peu plus sur les rentrées fiscales.

Avec une dette totale proche de 100% du PIB, un déficit structurel élevé qui pourrait déraper un peu plus, le risque que le projet de loi ‘‘Big Beautiful Bill’’ se transforme en une belle et grande facture n’est pas à écarter, resserrant un peu plus l’étau des taux et contraignant l’Etat fédéral à une gestion plus rigoureuse. 

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Opinion rédigée le 16mai 2025

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