Photo T. Morgado ©

Par Tamara Morgado

Quand j’ai commencé ma carrière comme juriste d’entreprise dans une PME informatique à Paris, j’avais 25 ans. Par la force des choses, j’ai rapidement mêlé ressources humaines et droit, travaillant en binôme direct avec le dirigeant. C’était un homme visionnaire, qui comprenait déjà que mon profil hybride avait toute sa place dans une stratégie d’entreprise.

À l’époque pourtant, j’ai ressenti le besoin de revenir à ce que je considérais comme « le vrai métier » pour lequel je m’étais formée pendant six ans : être avocate. Je suis donc retournée au barreau et me suis installée à Genève.

Vingt ans plus tard, je suis convaincue que ce croisement entre droit et gestion des talents est une force trop peu exploitée dans les entreprises. Dans un contexte où les talents sont difficiles à retenir et où les attentes des collaborateurs évoluent, celles qui intègrent le juridique dans leur réflexion stratégique prennent une longueur d’avance. Le droit n’est pas un frein, mais un allié puissant dans la gestion des talents.

Aujourd’hui, dans les entreprises les plus performantes, les RH ne sont plus de simples gestionnaires de processus. Au cœur de la dynamique humaine, ils deviennent de véritables partenaires de la stratégie.

Quand RH et juristes travaillent main dans la main, ils découvrent que les règles bien posées ne freinent pas : elles libèrent, et le droit devient alors un véritable levier d’agilité.

Des règles qui libèrent

Les règles ne sont pas des freins. Elles posent un cadre. Et ce cadre, bien compris, libère.

Lorsque les collaborateurs savent à quoi s’en tenir, ils se sentent en sécurité. Le droit devient alors un socle de confiance, un outil d’équité et un pilier de la culture d’entreprise.

Cela fait près de dix ans que j’anime des formations juridiques pour des équipes RH, managériales et dirigeantes. Le constat est toujours le même : une fois les règles clarifiées et incarnées, les tensions diminuent, la collaboration s’améliore, la prise de décision gagne en justesse.

À l’inverse, le flou génère des incompréhensions, des frustrations… et souvent des conflits évitables. C’est humain : personne ne veut se « faire avoir ».

Dans un marché du travail instable, ce qui fait rester un collaborateur, ce n’est pas seulement un projet ou un salaire. C’est la sensation d’être traité de façon juste, dans un environnement clair, cohérent et aligné avec ses valeurs.

Un cadre juridique solide ne doit pas être vécu comme une série de restrictions, mais comme une promesse de stabilité et de respect mutuel. Il protège les individus autant que l’organisation. Et c’est précisément cette protection équilibrée qui donne envie de s’engager dans la durée.

Le droit n’est pas une limite, c’est une maîtrise. Un RH qui comprend le cadre juridique n’agit pas par peur du risque, mais avec assurance. Le juridique devient alors un levier d’agilité.

Le droit, levier d’agilité

Ce qui freine l’innovation, ce n’est pas le droit. C’est la peur de mal faire, l’ignorance des règles, ou la croyance que tout est figé.

À l’inverse, une organisation qui connaît les marges de manœuvre que lui offre la loi agit avec plus d’assurance. Elle expérimente, ajuste, communique mieux. Le juridique devient un partenaire de l’agilité.

Un cadre bien pensé permet d’expérimenter en sécurité, de créer des dispositifs RH sur mesure, d’encadrer la flexibilité et d’instaurer un climat de travail plus serein.

L’avenir des RH passe par une collaboration étroite avec les juristes et les experts en conformité. Pas pour alourdir les processus, mais pour mieux piloter les enjeux humains dans un cadre sécurisé.

Ce qui est en jeu, ce n’est pas la conformité pour la conformité. C’est la capacité à bâtir un cadre de travail clair, équitable et durable – un véritable avantage stratégique dans un monde du travail en mutation.

Repenser la place du droit dans les ressources humaines, c’est aussi redonner du sens aux règles, non comme des limites à contourner, mais comme des repères partagés, capables de soutenir l’engagement, la confiance et la transformation.

Chaque mois, dans cette chronique, je partagerai mes réflexions et questionnements sur la gestion des talents. Car recruter et accompagner les talents, c’est avant tout comprendre l’humain, pour construire l’entreprise de demain.

Retrouvez l’ensemble de nos Chroniques