Le marché du vin mousseux suisse : un essor discret mais prometteur

17 juin 2025

Le marché du vin mousseux suisse : un essor discret mais prometteur

Par Sylvain Rosset

Le marché du vin mousseux en Suisse connaît une croissance notable depuis une vingtaine d’années, contrastant avec la tendance à la baisse observée pour les vins tranquilles. Alors que les importations de vins effervescents, notamment italiens, dominent largement le marché, les vins mousseux suisses peinent encore à se faire une place significative. Pourtant, leur part de marché, bien que modeste, montre une progression encourageante.

Situation actuelle du marché

En Suisse, les vins mousseux représentent environ 12 % des volumes de vin vendus en grande distribution, avec une part de marché en croissance constante. Cependant, les vins mousseux suisses ne représentent que 5 % de ce volume, soit 591 000 litres en 2023, contre 95 % pour les vins mousseux importés. Les importations italiennes, en particulier le Prosecco, dominent le marché avec 56 % des parts de volume, suivies des vins français, dont le Champagne, qui représente 12 % des ventes. Les vins mousseux suisses, bien que minoritaires, affichent une croissance plus rapide (+17,7 % entre 2019 et 2023) que leurs concurrents étrangers (+10,1 %).

Les importations de vins mousseux en Suisse ont plus que doublé depuis 1988, avec une augmentation de 152 %. Les vins italiens, en particulier, ont connu une croissance spectaculaire, leur volume ayant été multiplié par 50 au cours des 35 dernières années. En 2023, les vins mousseux italiens représentaient 63 % des importations, contre seulement 22,9 % pour les vins français. Cette domination s’explique en partie par des prix plus attractifs : le Prosecco est vendu en moyenne à 12,44 CHF/litre, contre 41,61 CHF/litre pour le Champagne. Cette différence de prix, combinée à une qualité constante, a permis au Prosecco de s’imposer comme une option privilégiée pour les consommateurs suisses, notamment pour les occasions informelles et les apéritifs. Le succès du Prosecco en Suisse s’inscrit dans une tendance plus large, celle de la popularité des apéritifs légers et rafraîchissants, comme le Spritz. Ce cocktail, à base de Prosecco, d’eau gazeuse et d’un trait d’amer, est devenu un incontournable des soirées estivales et des moments de convivialité. Les consommateurs apprécient son côté festif, facile à boire et abordable, ce qui en fait un produit idéal pour les apéritifs ou les occasions décontractées. Cette tendance reflète une évolution des habitudes de consommation, où les vins mousseux italiens, et particulièrement le Prosecco, s’intègrent parfaitement dans un mode de vie moderne. Ainsi, le Prosecco ne se contente pas de dominer le marché des vins mousseux en Suisse, il incarne également une culture de l’apéritif en plein essor.

Malgré cette concurrence, les vins mousseux suisses se distinguent par un prix moyen plus élevé (18,59 CHF/litre) que celui du Prosecco (12,44 CHF/litre), tout en restant bien en deçà du Champagne (41,61 CHF/litre). Cette différence de prix reflète une volonté de se positionner sur un segment de qualité, bien que les volumes restent modestes. Selon une étude menée par l’OSMV, près de 90 % des consommateurs suisses boivent au moins un verre de vin mousseux par an, et 36 % privilégient l’achat de produits suisses lorsque cela est possible. Les jeunes générations, en particulier, semblent ouvertes à la découverte de nouveaux produits, notamment les vins mousseux à base de Chasselas. Selon un sondage réalisé en 2024, 52 % des 18-35 ans se disent intéressés par cette catégorie de vins. Par ailleurs, les produits alternatifs, tels que les vins mousseux sans alcool ou à faible teneur en alcool (NoLo), connaissent une croissance significative. Les ventes de ces produits ont augmenté de 16,8 % entre 2019 et 2023, reflétant une demande croissante pour des options plus légères et adaptées à un mode de vie moderne.

Défis et perspectives

Malgré leur potentiel, les vins mousseux suisses font face à plusieurs défis. Leur part de marché reste faible face à la domination des importations, notamment italiennes. Les producteurs locaux doivent également composer avec des coûts de production élevés, qui se répercutent sur les prix de vente. Pour se démarquer, ils misent sur la qualité et l’authenticité, en mettant en avant leurs cépages locaux et leurs méthodes de production traditionnelles.

Les perspectives d’avenir pour le marché du vin mousseux suisse sont néanmoins prometteuses. La demande est en hausse, et les consommateurs sont prêts à payer un peu plus cher pour des vins mousseux suisses. Le développement de nouveaux produits, tels que les cocktails à base de vins mousseux ou les « wine seltzers », pourrait également ouvrir de nouvelles opportunités pour ce secteur. Les producteurs suisses ont tout à gagner en misant sur la qualité, l’innovation et la promotion de leurs spécificités régionales. Comme le soulignent les auteurs de l’étude, « le vin mousseux suisse intéresse, et près de la moitié du panel se dit prête à payer un prix plus élevé pour des produits d’origine suisse plutôt qu’étrangers ». Une tendance qui pourrait bien propulser ce secteur vers de nouveaux sommets.

Les données présentées dans cet article sont issues de l’étude  “Opportunités de développement des vins mousseux suisses”,menée par Alexandre Mondoux, Candice Devaud, Roxane Fenal, Marie Blackford et Olivier Viret. Cette recherche a été réalisée sous l’égide de l’OSMV Changins en collaboration avec Agroscope  et le Canton de Vaud.

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