Conformité transfrontalière : pourquoi est-elle cruciale et comment évolue-t-elle ?

23 juin 2025

Conformité transfrontalière : pourquoi est-elle cruciale et comment évolue-t-elle ?

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Par Thais Pantoja, Business Analyst, Indigita SA

Dans un monde financier de plus en plus interconnecté, la conformité transfrontalière est devenue l’un des enjeux les plus stratégiques et complexes pour les banques et les gérants de fortune externes (EAM). Mais que signifie-t-elle exactement, et pourquoi parle-t-on tant de sa digitalisation ?

Cet article propose un aperçu clair et concret pour les professionnels souhaitant mieux comprendre les défis et les opportunités liés à la conformité transfrontalière aujourd’hui.

Qu’est-ce que la conformité transfrontalière ?

La conformité transfrontalière désigne le cadre légal et opérationnel régissant les interactions entre les institutions financières et les clients domiciliés à l’étranger. Cela concerne tout contact avec un client étranger, qu’il soit initié par la banque (sollicitation active) ou par le client (sollicitation inverse).
Dans tous les cas, les banques et EAM doivent se conformer à la fois aux lois de leur propre pays et à celles du pays de résidence du client.

Une complexité inhérente

Le principal défi réside dans l’absence d’un cadre réglementaire international unique. Les réglementations varient fortement d’un pays à l’autre : une interaction peut être autorisée dans une juridiction et interdite dans une autre.

Parmi les domaines les plus réglementés :

  • Les exigences en matière de licence et de comportement légal
  • La commercialisation de produits financiers
  • La protection des investisseurs (ex. : MiFID II, LSFin)
  • L’adéquation fiscale des produits
  • La protection des données clients (ex. : RGPD, nLPD)

En Suisse, la FINMA soulignait déjà en 2010 l’importance de la conformité transfrontalière, en insistant sur la conduite des institutions et leur gestion des risques dans ce domaine.

Les risques d’une non-conformité

Le non-respect des règles transfrontalières peut avoir des conséquences lourdes :

  • Sanctions réglementaires et amendes
  • Perte de confiance des clients et atteinte à la réputation
  • Restrictions d’accès à certains marchés
  • Litiges civils ou fiscaux
  • Responsabilité personnelle des banquiers et dirigeants

Traditionnellement, les établissements s’appuyaient sur des documents réglementaires statiques, des validations fragmentées et des contrôles manuels après transaction. Ce modèle montre ses limites dans un environnement multi-juridictionnel, en temps réel et à fort volume.

Une tendance à la digitalisation

Pour gérer cette complexité et réduire les risques, le secteur évolue vers des frameworks de conformité transfrontalière digitalisés. L’objectif : intégrer la logique réglementaire directement dans les systèmes bancaires et automatiser les contrôles tout au long du cycle de vie client.

Concrètement, cela implique :

  • Des règles réglementaires digitalisées et contextualisées, remplaçant les PDF par des moteurs de règles dynamiques
  • Des intégrations via API avec les plateformes d’onboarding, de conseil et de trading
  • Des tableaux de bord et indicateurs de risque (KRI) pour suivre en temps réel l’exposition aux marchés et les activités des chargés de relation
  • Des autorisations de déplacement automatisées, basées sur des formations spécifiques aux juridictions concernées
  • Des outils de formation digitaux, permettant d’assigner, suivre et relier les formations aux droits d’accès dans les systèmes

Résultat : une conformité plus efficace, moins d’erreurs humaines, et une traçabilité renforcée.

Un cadre de gouvernance solide

La technologie ne suffit pas à elle seule. Une conformité transfrontalière efficace repose sur une gouvernance structurée, permettant d’intégrer les règles à tous les niveaux de l’organisation — de la stratégie à l’exécution opérationnelle.

Un modèle en quatre piliers, basé sur les meilleures pratiques du secteur :

  1. Orientation stratégique : Le Conseil d’administration définit la stratégie transfrontalière (marchés cibles, services offerts, niveau de risque acceptable).
  2. Mise en œuvre opérationnelle : Les équipes conformité et métiers traduisent la stratégie en outils concrets : digitalisation des règles, workflows d’approbation, intégration des formations.
  3. Surveillance et contrôle : Les indicateurs clés de risque (KRI), les tableaux de bord et le statut des formations sont suivis en temps réel pour garantir la conformité des équipes en contact avec la clientèle.
  4. Révision annuelle : La gouvernance doit rester proactive. Une revue régulière des marchés, des règles et de l’efficacité des formations permet une adaptation continue.

Ce modèle garantit que les outils digitaux sont soutenus par une stratégie claire, une gouvernance robuste et une amélioration constante.

Et l’intelligence artificielle ?

L’IA commence à transformer la manière dont les équipes conformité gèrent la complexité. Elle pourrait notamment offrir :

  • Des assistants intelligents, capables de répondre à des questions comme : « Puis-je proposer ce fonds à un client en Espagne ? »
  • La détection de signaux d’alerte lors d’interactions à risque
  • Une formation personnalisée, en fonction de l’exposition aux marchés

Cela dit, les outils d’IA généralistes comme ChatGPT ne sont pas encore adaptés aux environnements réglementés : ils ne tiennent pas compte des spécificités locales, ne sont pas auditables, et peuvent poser des problèmes de conformité (ex. : RGPD).
L’avenir repose sur des outils d’IA supervisés, intégrés aux systèmes bancaires, entraînés sur des contenus juridiques validés et sécurisés.

En conclusion

La conformité transfrontalière est devenue un pilier stratégique pour permettre aux institutions financières de se développer à l’international tout en maîtrisant leurs risques réglementaires.

Pour rester compétitives et conformes, les institutions doivent passer de modèles statiques à des infrastructures de conformité digitalisées, en temps réel et intelligentes.
Ce changement implique bien plus que de la technologie : il exige une gouvernance forte, des formations ciblées, et une culture d’entreprise qui perçoit la conformité non comme un frein, mais comme un véritable levier de croissance.

Indigita SA

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