T+1 en Europe – De la conformité à l’avantage concurrentiel

7 septembre 2025

T+1 en Europe – De la conformité à l’avantage concurrentiel

Photo Gloria Tabbah © REYL

Par Gloria Tabbah, Directrice des opérations,  Market insight de REYL Intesa Sanpolo 

En mai 2024, les marchés nord-américains (NA) ont réduit leur cycle de règlement de T+2 à T+1 pour les actions, les obligations, les ETF, certains fonds communs de placement et les sociétés en commandite négociées en bourse. Cette réforme, menée par la SEC, visait à réduire le risque systémique en raccourcissant l’exposition des contreparties.

La transition a touché quelque 7’000 titres sur les marchés boursiers nord-américains, représentant un volume quotidien de 550 à 600 milliards de dollars américains. À titre de comparaison, les marchés boursiers européens traitent quotidiennement 300 à 400 milliards d’euros, dans un environnement beaucoup plus fragmenté.

Cette réforme a permis à l’Amérique du Nord de prendre une longueur d’avance sur l’Europe, l’écart entre la compétitivité et l’attractivité de ces marchés s’étant creusé. 

Afin de faire face à cette situation, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a publié son rapport T+1 sur la réduction du cycle de règlement des titres dans l’Union européenne, en alignement avec le Royaume-Uni et la Suisse. Cela devrait permettre de garantir un marché financier plus intégré et plus efficient, en évitant la fragmentation entre les États membres. La nouvelle règle devrait entrer en vigueur le 11 octobre 2027, permettant une transition en douceur et une préparation adéquate.

Défis et opportunités pour l’Europe et la Suisse

L’Europe présente un environnement plus complexe que l’Amérique du Nord en matière de services post-négociation, avec plus de 30 dépositaires centraux de titres (DCT), 41 places de marché, plusieurs devises et fuseaux horaires. Par conséquent, la mise en place du T+1 sera plus complexe à coordonner. 

De plus, la définition actuelle du cadre réglementaire rend difficile l’évaluation de l’impact global des changements, alors que les négociations se poursuivent au sein de l’Union européenne pour finaliser l’accord. 

La transition nord-américaine montre cependant qu’une réduction des délais d’exécution tout au long de la chaîne a des répercussions opérationnelles sur les activités de rapprochement des transactions, de réconciliation et de règlement ainsi que sur les opérations sur titres. En réduisant la période de résolution, il n’y a plus de délai d’un jour pour corriger les erreurs de négociation ou les incohérences dans les confirmations. 

Avec le T+1, chaque erreur de règlement est plus coûteuse et le temps nécessaire pour la détecter est réduit de moitié. La transition peut entraîner un risque accru d’échec de règlement et de sanctions financières. En Europe, où le taux d’erreur de règlement est de 2 à 3 % (30 à 40 milliards d’euros à risque), le passage au T+1 accentuera à la fois les risques et les sanctions prévues par la loi sur les dépositaires centraux de titres (CSDR). La gestion de la liquidité peut également être affectée en raison des délais serrés lorsque des problèmes opérationnels surviennent. 

Principaux avantages pour les clients

L’expérience nord-américaine montre que la rapidité offre à la fois résilience et pression. Pour l’Europe et la Suisse, les enjeux sont plus importants en raison de la fragmentation du marché et de la complexité transfrontalière. Cependant, le passage à T+1 ne doit pas être considéré uniquement comme une charge réglementaire, mais comme une opportunité d’apporter une réelle valeur ajoutée aux clients de la banque privée.

En effet, le passage à T+1 apporte plusieurs avantages concrets. Il garantit un accès plus rapide aux liquidités, car le produit des ventes de titres est disponible un jour plus tôt. Ceci permet aux clients de réinvestir plus rapidement dans des opportunités telles que les introductions en bourse, les placements privés ou les émissions d’obligations, renforçant leur capacité à agir sur des marchés volatils. Par ailleurs, la réduction des délais de règlement peut accroître la flexibilité du portefeuille en immobilisant moins de capitaux dans des transactions en attente, ce qui permet aux clients de mobiliser leur patrimoine de manière plus souple entre les différentes classes d’actifs et de devises.

Le cycle plus court réduit également le risque de contrepartie et le risque opérationnel, offrant ainsi aux clients une garantie plus solide que leurs actifs restent protégés tout au long du processus transactionnel. Parallèlement, la tendance à l’automatisation et au traitement direct (STP) réduira progressivement les coûts indirects des transactions, un gain qui profitera en fin de compte aux clients à mesure que les banques rationaliseront leurs opérations. Enfin, en s’alignant sur les marchés NA et en adoptant les meilleures pratiques mondiales, les banques suisses peuvent démontrer que leurs clients bénéficient des normes internationales les plus avancées, renforçant ainsi la position de la Suisse en tant que place financière de confiance pour la gestion de fortune transfrontalière.

Pour les banques privées suisses, qui gèrent plus de 2’500 milliards de dollars d’actifs transfrontaliers, une amélioration de seulement 0,1 % de l’efficacité des règlements se traduit par des milliards de dollars libérés pour être réinvestis. Cette convergence entre délais de règlement plus stricts et réformes réglementaires plus importantes fait de l’excellence opérationnelle un facteur stratégique.

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