Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier
Un 5e Premier ministre en moins d’un an et demi – et un avenir politique toujours aussi flou –, une trajectoire budgétaire qui ne s’améliore pas, un CAC 40 en queue de peloton des indices européens cette année, un taux à 10 ans proche d’être le plus élevé de tous les grands pays de la zone euro… la France n’a, à priori, guère de raison de susciter l’appétit des investisseurs. Pourtant, ces derniers pourraient se rappeler la célèbre maxime de Sir John Templeton : « Les marchés haussiers naissent dans le pessimisme, se développent dans le scepticisme, mûrissent dans l’optimisme et meurent dans l’euphorie».
On peut se demander si la dernière partie de la maxime ne s’appliquera pas bientôt aux marchés américains ; la première partie, en revanche, pourrait fort bien concerner les valeurs françaises. D’un point de vue simplement tactique d’abord. En Bourse, la fin d’année est souvent propice à un relatif rattrapage des perdants des premiers trimestres. Alors que l’IBEX 35, l’indice espagnol, frise les +35% depuis le début de l’année, que la Bourse de Milan dépasse les +25% et que le DAX allemand approche les +20%, les investisseurs pourraient être tentés de rechercher un second souffle sur les actions européennes, via les marchés les plus délaissés, comme la France, où le CAC 40 ne progresse que de 9%.
Mais surtout, la France dispose de nombreux atouts, souvent occultés par le marasme ambiant. Au niveau des entreprises d’une part. Si le CAC 40 est à la traîne derrière ses homologues européens, plombé notamment par les déboires des géants du luxe, le CAC Small, l’indice des petites valeurs, caracole loin devant ses comparables, à +52% depuis le début de l’année. Certes, cette envolée est notamment due à l’explosion de plus de 700% de la biotech Abivax depuis l’annonce, le 23 juillet, du succès de son traitement contre la rectocolite hémorragique. Mais derrière cette entreprise, ce ne sont pas moins de 8 autres titres de l’indice dont la valeur a plus que doublé depuis le début de l’année. L’innovation à la française connaît toujours d’étincelants succès. Les investisseurs étrangers ne s’y trompent d’ailleurs pas. Depuis 2014, plus de 1 600 entreprises tricolores sont passées sous pavillon américain. Si l’on peut regretter la fuite de nos pépites, cela n’en valide pas moins la qualité de la créativité française, même dans un contexte économique, politique et réglementaire moins que porteur.
D’autre part, d’un point de vue plus macroéconomique, la France dispose d’une importante réserve de carburant pour relancer sa croissance. En effet, le taux d’épargne, c’est-à-dire le pourcentage du revenu disponible qui n’est pas consacré à la consommation, est à son plus haut niveau historique dans l’Hexagone (exceptées les périodes de confinement pendant la pandémie). Autrement dit, les Français n’ont jamais autant épargné et aussi peu consommé. Cela n’est pas surprenant : la succession de crises des dernières années – Covid, guerre en Ukraine, poussée inflationniste – et la crise politique des derniers mois ont plombé le moral des consommateurs. Or, lorsque celui-ci chute, la conséquence est toujours la même : un comportement épargne/consommation qui favorise de plus en plus en l’épargne de précaution au détriment de la consommation.
S’il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour la dynamique économique à court terme, c’est un motif d’espoir à plus long terme. Une amélioration notable de la confiance des consommateurs, qui passera certainement, entre autres, par un renouveau politique majeur, pourrait mener à une inversion du comportement épargne/consommation. Un « simple » retour du taux d’épargne, aujourd’hui de 18,6%, au niveau moyen de 14% qui prévalait avant pré-Covid constituerait un accélérateur de consommation – et donc de croissance – particulièrement puissant. Sans même parler de dépenser une partie de l’épargne accumulée ces dernières années.
En d’autres termes, la France a les moyens de s’offrir une réelle embellie économique. Il faudra, pour cela, lui redonner confiance, et débloquer certains freins qui briment sa créativité, pourtant toujours bouillonnante. Peut-être s’agit-il d’un vœu pieux. Mais en Bourse, c’est souvent quand personne n’y croit que l’on réalise les meilleures affaires.
NB : Les performances mentionnées sont exprimées dividendes nets réinvestis, au 11.09.2025. Source : Bloomberg.
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Opinion rédigée le 12.9.2025
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