Banque éthique : et si la transparence devenait l’arme la plus puissante contre le blanchiment ?

22 septembre 2025

Banque éthique : et si la transparence devenait l’arme la plus puissante contre le blanchiment ?

Par Nakisa Abeditameh

Nakisa Abeditameh ©

Chaque fois que nous déposons de l’argent à la banque, nous faisons un acte de foi. Nous croyons que nos économies seront protégées, utilisées de manière sûre, et que l’institution qui les détient joue son rôle avec intégrité. Pourtant, derrière cette confiance se cache une réalité dérangeante : une part immense de l’argent qui circule dans l’économie mondiale provient de sources illicites. On estime que chaque année, entre deux et cinq pour cent du PIB mondial est blanchi. Cela représente des centaines, parfois des milliers de milliards qui traversent discrètement les circuits financiers. Cet argent nourrit la corruption, finance parfois le crime organisé, et surtout, érode un capital encore plus précieux que les bilans bancaires : la confiance.

Cette confiance, pourtant, est fragile. Les scandales successifs des dernières années l’ont largement abîmée. On se souvient de grandes banques internationales épinglées pour avoir fermé les yeux sur des flux douteux, des institutions historiques sanctionnées pour avoir servi de canal à des transactions plus que suspectes. Pour le client ordinaire, c’est une gifle. Car dans le même temps, il faut justifier chaque virement de quelques milliers d’euros, fournir justificatif sur justificatif pour ouvrir un compte, quand des milliards passent ailleurs, presque sans résistance. Le paradoxe est violent : on contrôle les petits épargnants avec zèle, mais les grands flux échappent trop souvent à la vigilance.

C’est précisément dans cet espace de défiance qu’émerge une alternative : la banque éthique. Sa promesse paraît simple, presque naïve : pratiquer une transparence totale, financer uniquement des projets durables, refuser les secteurs incompréhensibles. À première vue, on pourrait y voir un discours marketing taillé pour séduire les consciences inquiètes. Mais en entrant dans une telle institution, on ressent quelque chose de différent. Pas de slogans sur les profits records, pas d’obsession pour les marges. On parle d’énergies renouvelables, de fermes biologiques, d’écoles locales. L’épargne d’un client n’alimente pas des produits financiers dérivés complexes, mais des projets concrets, visibles, ancrés dans la société.

J’ai souvent eu cette impression étrange en tant que cliente : dans une grande banque, on est un numéro parmi des millions. Dans une banque éthique, on se sent au contraire partie prenante d’une aventure collective. On sait, au moins, que son argent ne va pas accroître des activités contraires à ses valeurs. Ce n’est plus seulement un solde affiché sur un compte, c’est une contribution à une économie plus propre, plus lisible.

Bien sûr, il ne faut pas se bercer d’illusions. Les banques éthiques ne sont pas des forteresses parfaites, ni des solutions magiques. Leur taille reste modeste face aux géants mondiaux. Leur exigence a un coût, et leurs services ne sont pas toujoursaussi compétitifs. Il y a aussi un risque réel de « fausse éthique », quand certaines institutions adoptent un vocabulaire vertueux sans transformer véritablement leurs pratiques. Mais malgré ces limites, leur existence a une portée considérable. Elles prouvent qu’une autre manière de faire de la banque est possible.

Et c’est peut-être cela, la clé : montrer qu’il existe un choix. Car au fond, le pouvoir n’est pas uniquement entre les mains des régulateurs ou des dirigeants des grandes banques. Il réside aussi dans nos décisions quotidiennes. Là où nous plaçons notre argent est un vote silencieux, mais puissant. Si davantage de citoyens choisissent des banques qui placent la transparence au cœur de leur modèle, le reste du secteur sera contraint de suivre. Car aucune institution, aussi grande soit-elle, ne peut ignorer longtemps la demande des clients.

La lutte contre le blanchiment d’argent ne se gagnera pas en un jour, et elle ne dépendra pas d’une seule catégorie d’acteurs. Mais elle peut s’appuyer sur une nouvelle dynamique, où l’éthique cesse d’être un luxe marginal pour devenir une exigence centrale. Le blanchiment, par nature, se nourrit de l’ombre et du silence. La transparence, elle, est la lumière qui peut l’affaiblir. Les banques éthiques nous rappellent qu’il est possible de rallumer cette lumière, même dans un secteur souvent jugé confus.

Reste une question simple, mais décisive : voulons-nous que notre argent stagne dans des institutions qui tolèrent l’ombre, ou qu’il serve à bâtir une économie où la confiance n’est plus l’exception, mais la règle ?

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