Payer cher, une bonne idée ?

6 octobre 2025

Payer cher, une bonne idée ?

Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier

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Michel Saugné © LFDE

Les records enregistrés presque chaque jour par les actions mondiales, et plus encore les progressions stratosphériques de certains titres emblématiques tels que NVIDIA (+1411 % sur 3 ans en dollars soit 147 % par an[1]), ne peuvent qu’amener la reine des questions boursières : sommes-nous dans une bulle, notamment sur le marché américain ? Ou plus sobrement : le marché actions est-il excessivement cher ?

Réponse : oui, mais pas sans raisons. « Oui », car en termes de prix des actions rapportés à leurs bénéfices attendus sur l’année à venir, le niveau actuel de l’indice S&P 500, autour de 22 fois les bénéfices selon le consensus Bloomberg, se situe bien au-delà de la moyenne de long terme, autour de 16. Il est vrai qu’une large part de cette surcote provient des valeurs américaines les plus brillantes. L’indice qui les regroupe, appelé « Magnificent 7 »[2], s’échange à 37 fois les bénéfices. NVIDIA atteint même 48. Mais la croissance bénéficiaire de ce groupe est exceptionnelle, et leurs perspectives étincelantes, ce qui peut justifier une surcote considérable.

Autre façon d’estimer l’opportunité d’investir en actions : la « prime de risque actions ». Elle représente le surcroît de rendement attendu des actions par rapport aux obligations d’État. Actuellement, elle est proche de 0 ! Car non seulement les indices actions sont chers, mais en outre les obligations américaines offrent un rendement nominal appréciable : 3,60 % à 1 an[3].

En Europe, la réponse est bien différente. Les actions se paient certes un peu plus cher que leur moyenne de long terme — autour de 15 fois les bénéfices attendus par action pour l’Euro Stoxx 50, contre une moyenne proche de 13 — mais la situation n’a rien d’extrême.

Cependant, la deuxième partie de la réponse importe tout autant : « pas sans raison ». En effet, d’un point de vue boursier tout au moins, les bonnes nouvelles en provenance des États-Unis sont légion. Selon le consensus Bloomberg, la croissance du PIB attendue en 2025 et 2026 est continuellement revue à la hausse depuis l’été. Elle est désormais située autour de 1,8 %, en grande partie grâce au secteur technologique. Les indices classiques de sentiment des industriels se trouvent eux aussi en phase d’expansion, à la seule exception de l’ISM manufacturier. L’indice de confiance des PME, supérieur à 100, est élevé. À cela s’ajoute un coût du pétrole très abordable, en moyenne proche de 65 dollars depuis un an. Et un dollar qui s’affaiblit, favorisant les entreprises exportatrices. Enfin, malgré les hausses de prix dues aux droits de douanes, la consommation globale se porte bien, mis à part pour la population à faible revenu.

Dans ce tableau presque idyllique, deux taches sombres se distinguent néanmoins. Tout d’abord l’emploi, dont le dynamisme s’est nettement affaibli, voire inversé. Et le secteur immobilier, toujours atone, en raison notamment des taux d’intérêt hypothécaires très élevés. Mais l’emploi connaît une situation particulière. Si les créations de postes sont certes faibles, voire négatives, la demande de travail l’est tout autant. Il en résulte un taux de chômage qui ne monte que légèrement, à un niveau très modéré : 4,3 %[4]. Quant à l’immobilier, la Réserve fédérale ayant récemment baissé ses taux, on peut s’attendre à ce qu’il retrouve de l’élan.

La question de la bulle de valorisation n’a donc pas de réponse simple ni rapide. Cependant, un bref tour d’horizon des métriques habituelles laisse à penser que si le marché est certes cher, il l’est pour de bonnes raisons. De ce point de vue, sa valorisation ne semble pas particulièrement inquiétante, du moins tant que les tendances économiques actuelles perdurent.

[1] Données au 02/10/25[2] « Magnificent 7 » : Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia, Tesla[3] Donnée au 03/10/2025[4] Données d’août 2025 

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Opinion rédigée le 3.10.2025

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