Par *Ivan Reusse, Directeur Leadership Development chez Grant Alexander
Dans un contexte économique tendu, où chaque décision peut peser lourd sur la trajectoire d’une PME, une idée s’impose peu à peu dans le monde du management : la qualité d’un leader ne se mesure plus seulement à sa vision ou à sa rapidité d’exécution, mais à sa capacité à décider avec moins d’angles morts. C’est là que le leadership inclusif prend tout son sens.
Contrairement aux clichés qui l’associent à des débats identitaires, le leadership inclusif n’a rien d’une démarche militante. Il ne s’agit pas d’imposer des visions culturelles ou sociétales, ni d’intégrer toutes les opinions dans toutes les décisions. Il s’agit avant tout de reconnaître un fait simple, aujourd’hui largement documenté : la plupart de nos décisions sont influencées par des biais inconscients, et ceux-ci peuvent nous faire commettre des erreurs de jugement — parfois coûteuses.
Les travaux utilisés dans nos formations chez Grant Alexander rappellent que 95% des décisions sont prises de manière inconsciente. Sous pression, avec peu de temps et beaucoup d’enjeux, nos raccourcis mentaux prennent le dessus. C’est humain, mais cela devient problématique lorsqu’il s’agit de recruter, d’évaluer un collaborateur, de répartir une charge de travail ou de sélectionner un projet stratégique.
Les références simplistes réduisent souvent l’inclusion à ses dimensions visibles : multiculturalité, genre, générations. Or, la diversité réelle va bien au-delà de ce que l’on voit. Elle inclut la diversité visible, invisible, professionnelle et contextuelle.
Un leadership inclusif bien compris ne demande donc pas d’être gentil, encore moins de tout accepter. Il demande une compétence beaucoup plus stratégique : voir ce que vous ne voyez pas encore.
Nos biais sont nombreux : similarité, confirmation, disponibilité, effet halo, récence, statu quo.
Ils forment une mécanique invisible qui oriente nos jugements, souvent sans même que nous nous en rendions compte.
Quelques exemples concrets croisés dans de nombreuses PME :
– faire plus confiance à un collaborateur qui nous ressemble ;
– privilégier la personne qui parle le plus, plutôt que celle qui a l’analyse la plus fine ;
– surévaluer un collaborateur sur la base d’un seul point fort (effet halo) ;
– maintenir une organisation inefficace simplement parce qu’elle existe déjà (biais du statu quo).
Ces biais ne sont pas des faiblesses morales ; ils sont des limites cognitives. Le rôle du leader n’est donc pas de les éliminer — c’est impossible — mais de les neutraliser suffisamment pour éviter qu’ils décident à sa place.
Un leader inclusif n’a pas besoin de révolutionner sa manière de manager. Quelques micro-gestes suffisent pour améliorer la qualité des décisions :
– Vérifier une croyance : “Qu’est-ce que je tiens pour vrai sans preuve ?”
– Clarifier les critères avant de trancher.
– Donner la parole à la voix absente.
– Poser une question qui ouvre : “Qu’est-ce que je ne vois pas encore ?”
Dans une PME, les décisions sont rapides, les équipes réduites, et les conséquences immédiates. Le leadership inclusif offre trois bénéfices essentiels :
– prendre de meilleures décisions ;
– stabiliser les équipes ;
– améliorer la coopération entre profils techniques, administratifs et opérationnels.
Un leader inclusif n’est pas un leader parfait.
C’est un leader qui évite que ses biais décident pour lui.
Pour une PME, c’est souvent là que commence la différence entre une culture robuste et une organisation fragile.
*À propos de l’auteur: Sociologue et économiste de formation, Ivan Reusse bénéficie d’un parcours de 18 ans au sein de multinationales, où il a dirigé des opérations industrielles dans les secteurs de la parfumerie puis de la pharmaceutique, avec une expertise marquée de la région EMEA. Il s’est ensuite orienté vers le conseil en stratégie, et occupe aujourd’hui le poste de Directeur Suisse du département Leadership Development chez Grant Alexander, un groupe de Conseil et de services RH, qui accompagne les entreprises dans le Recrutement par approche directe, et le Développement du leadership. Animé par une passion profonde pour la complexité du facteur humain et les dynamiques stratégiques des organisations, il accompagne les dirigeants dans le développement de leur leadership et la transformation de leurs structures.
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