Photo Ogawa Chef Masa © Ogawa Miami
A l’ombre des palmiers de Miami, entre Lac et montagnes à Genève et au cœur de la capitale de la gastronomie, Le Monde Economique vous invite à embarquer dans un nouveau road trip culinaire pour une mise en bouche riche en promesses.
Par Sabah Kaddouri
Quand le taxi vous déposera près de la voie ferrée après avoir traversé un quartier peu éclairé, vous vous demanderez s’il n’y a pas erreur sur la localisation. Un doute qui parcourra sans doute votre chauffeur de taxi à l’instar du nôtre ! Une maisonnette indique pourtant qu’il y a bien une activité par ici, on imagine que c’est forcément le poste d’aiguillage des trains. On lève le malentendu en franchissant le palier. Le fameux adage que l’habit ne fait pas le moine prend toute sa signification une fois à l’intérieur… Un maître d’hôtel en tenue traditionnelle nippone vous accueille avec déférence, serviette chaude parfumée à la main. Alors que vous lui confiez vos effets pour le vestiaire, votre regard s’arrête sur la jolie calligraphie murale et ce cadre du célèbre Guide rouge. Ogawa Miami a reçu sa première distinction Michelin moins d’un an après son ouverture ! Dans cette adresse secrète, le bouche à oreille a traversé l’Atlantique pour atteindre les jurés de la bible gastronomique. Ogawa est l’œuvre d’un homme pas si inconnu dans la galaxie étoilée, Alvaro Perez Miranda. Une personnalité devenue prophète sur ses terres de Floride, et bien au-delà.
Fin connaisseur de la cuisine japonaise, il vénère et perpétue son héritage tel un samourai en costume trois pièces. Alvaro Perez Miranda a été désigné ambassadeur de bonne volonté par le gouvernement japonais qui le considère comme l’une de ses meilleures figures de proue. Un honneur qui fera bientôt le bonheur de vos papilles aussi intriguées par le lieu que par le personnage. Ainsi, au restaurant Ogawa, rien n’est laissé au hasard : de la décoration aux mets, en passant par le cérémonial culinaire, on vit une expérience sensorielle immersive comme si l’on était attablé au pays du Soleil Levant. Dans le quartier de Little River qui l’abrite en banlieue de Miami, on prend conscience d’une chose : a-t-on vraiment déjà mangé japonais ?

Vous passerez en revue vos précédentes expériences pour aboutir à un non sans appel. Dans un espace intimiste où se dressent dix couverts maximum, vous partagerez une proximité irréelle avec le Chef et copropriétaire Masayuki Komatsu. Vous êtes chez lui. Ogawa incarne l’essence même d’un repas patrimoine imbibé d’un savoir-faire séculaire obéissant à la sainte trinité nippone : Omotenashi (l’hospitalité), Komakai (le souci du détail) et le Sensai (l’équilibre subtil des saveurs). Le temps d’un voyage dans le temps, dans l’espace, le Chef Masayuki Komatsu saisit chaque ingrédient qu’il découpe, braise, mijote, juxtapose au millimètre près. Ses produits de saison et fruits de mer proviennent directement du marché aux poissons de Toyosu à Tokyo, ainsi que certaines spécialités de la préfecture d’Ibaraki. Une kyrielle de Nigiri généreusement garnis de caviar et de feuilles dorées provoquent déjà un feu d’artifice de saveurs en bouche !
Les créations qui viennent vous effleurent d’abord les narines, illuminant vos yeux, avant d’atteindre votre palais en fête. Anguilles de mer juvéniles et d’œufs de caille marinés au soja ; délicieux Calamars géants à la sauce shiso-miso ; Dorade à l’otoro d’une tendresse remarquable ; tranches de Bœuf Wagyu nappées de sauce oroshi et de fleurs de shiso ; mini-Crabes des neiges et œufs de hareng ; Tempuras de racine de lotus, d’igname sauvage et de langoustines, nappés d’une sauce onctueuse à base de carapaces de langoustines grillées. Dans une pièce de théâtre en plusieurs actes, on s’émerveille et observe le reflet de son bonheur dans les visages des autres convives. Tous conscients de vivre un grand moment gastronomique…

Changement de continent pour la ville-monde de Genève. La métropole fleure bon le chocolat, la douceur de vivre et le luxe inimitable. Il est aussi une adresse unique que l’on retrouve dans beaucoup de bucket lists… La Réserve Genève Hotel & Spa Resort fait aussi partie de la fierté de la Cité de Calvin qui abrite ce lieu d’exception aux allures de logde africain. Imaginez quatre hectares de verdure bordés par les Alpes et le turquoise du Lac Léman, des suites, villas et appartements décorés par Jacques Garcia entre exotisme et raffinement. De l’ocre, du bleu, du vert céladon tapissent le mobilier et les tissus, des perroquets habillent les luminaires tandis que des photographies racontant le récit de lointaines expéditions ornent les murs. A chaque regard, les réminiscences d’une Afrique hospitalière retranscrit à travers les clichés personnels du propriétaire des lieux, l’entrepreneur Michel Reybier. Et dans ce décor irréel, une table éveillant les convoitises. Le Tsé Fung nous projette en Extrême-Orient sans que l’on ait été préparé…

Dans ses habits de velours et de soie rouge et or, sublimé de laque noire, le Chef Frank Xu transporte ses invités dans l’atmosphère d’un hôtel palatial shanghaïen des années 1930. Dans la lignée de ses aïeux, le cuisinier étoilé défend avec intransigeance et virtuosité le répertoire gastronomique cantonnais honorant son rang de 3ème génération d’une dynastie de cordons bleus. On se hâte du ballet à venir. Votre guest et vous êtes d’ores et déjà mentalement très loin, gustativement sous tension. Graduellement, on nous fait entrer dans cet univers culinaire par d’appétissants amuse-bouche comme cette Crevette enroulée dans une feuille de tofu croustillante et du nori, garnie d’œufs de poisson et servie dans une coquille dorée. L’arrivée des entrées chaudes et froides fait monter la température interne, Soupe traditionnelle accompagnée de raviolis au poulet, de crevettes et champignons noirs, le tout pochés dans un bouillon cantonais et autres Dim sum aux langoustines ou Saint-Jacques, provoquent une émulsion de saveurs remuant des siècles d’histoires.
Confortablement assis dans cette salle majestueuse, les yeux rivés sur les créations culinaires qui vous parviennent, on se perd entre Genève et Shanghai. Sensibles à tous ce qui nous entoure, la vue du Lac, la collection précieuse de céramiques, d’objets en bambou, d’ikebana, d’œuvres d’art, les gestes précis des maîtres d’hôtel : on vit un moment hors du temps. Bientôt, les plats signatures parachèveront un moment déjà parfait. Rouleaux de riz rouge à la crevette, Poulet sauté au gingembre et cébette, Vapeur de Homard bleu dans son plat de vermicelles de riz et sauce à l’ail, Filet de bœuf sauté au poivre noir et à l’ail frit, Bœuf croustillant au sésame… Terre et mer, on passe volontiers d’un registre à l’autre avec délectation. Pour les nombreux convives venus spécialement déguster le Canard laqué à la pékinoise en deux services, on peut lire sur leurs visages la joie éprouvée, confortée d’ailleurs par différentes onomatopées !
Le chef Franck Xu travaille exclusivement avec les produits les plus nobles, issus des meilleurs producteurs et éleveurs locaux, un cahier des charges qui élève sa cuisine gourmet. On comprend pourquoi il faut réserver très amont sa table…
Son nom et son prénom sans autre fioriture. Le restaurant étoilé Frédéric Simonin illumine la rue Bayen dans le 17ème arrondissement de Paris depuis son inauguration en 2010. Il fait partie de ces Chefs qui font déplacer les épicuriens autant pour sa cuisine que pour sa personnalité. Chez lui, on vient chercher ces deux constantes : la promesse d’un repas exquis et la magie d’une atmosphère enchanteresse.

Meilleur Ouvrier de France (MOF), passé par le Pavillon Ledoyen, Le Meurice, Taillevent ou encore Joël Robuchon, Frédéric Simonin a cheminé vers l’excellence au gré des expériences et du dépassement de soi. Son côté légionnaire, garant de valeurs nobles et inébranlables, ont tracé sa voie vers un destin insoupçonné. Lui, se voyait défendre la patrie en s’engageant dans les rangs de l’armée ; tandis que la vie l’a menée vers l’ordre, la discipline et la camaraderie des cuisines. Ne le cataloguez pas pour autant ! Ce joyeux personnage porte aussi en lui le sceau de la légèreté en s’amusant comme un artiste en représentation à l’Olympia ou à Broadway.
Il aurait pu être artiste… Egoïstement, on le veut principalement dans le registre culinaire pour nous régaler de ses plats signatures. Parmi lesquels, ses Saint-Jacques cuisinées façon baudruche, baignées dans un jus de coquillage à la citronnelle accompagnées d’un trompe œil d’œufs de homard et d’herbes pastorales ; son Canard laqué au miel épicé poudré d’hibiscus, condiment betteraves fumées et acidulées, calisson et blettes farcies d’olives sarriette, sauce salmis. Ses créations ont une résonance poétique également dans l’assiette avec des pétales de fleurs multicolores qui égayent chaque plat. Un spectacle visuel nous plongeant dans la bonne humeur. Dans le monde merveilleux de Frédéric Simonin, aucun ingrédient ne prend le dessus : il y a une heureuse affinité entre viande, légumes, épices, jus. Sa cuisine soigneusement adaptée à la saisonnalité, alterne entre inspirations, marronniers et madeleine de Proust. Optez soit pour l’expérience en 5 temps ou la dégustation en 8 temps, l’un comme l’autre vous deviendrez convertis à l’adresse.
Le côté « appartement parisien » dans lequel le Chef nous reçoit contribue à diffuser un sentiment de maisonnée où il fait bon vivre. Lorsqu’il n’est pas quelque part dans le globe à orchestrer un dîner d’Etat ou mobilisé bénévolement pour l’une des ONGs qu’il soutient, Frédéric Simonin transmet sa belle énergie communicative dans son restaurant. Inconditionnels, locaux et touristes de tous horizons composent sa clientèle fidèle. Il est l’une des toques, aussi, que l’on veut écouter se raconter. Son parcours cabossé l’ayant accidentellement mené derrière les fourneaux nous inspire. « En entrant dans la cuisine d’un restaurant, j’ai trouvé mon terrain de jeu. J’ai transformé un parcours chaotique en métier d’exception. Je veux donner des émotions à mes convives, qu’ils se souviennent longtemps de ce qu’ils ont ressenti à ma table. Je cuisine avec le cœur et avec humilité car un Chef doit perpétuellement se remettre en question. Je leur dois un bon produit de qualité, un travail de justesse, un supplément d’âme. Dès lors que j’endosse mon habit de cuisinier, je ne suis plus la même personne : je suis habité. », confie ce retrougrand passionné, porte-étendard de la gastronomie française.
Retrouvez l’ensemble de nos articles Inside