Alessia Ferronato, la fibre du combat

4 juin 2025

Alessia Ferronato, la fibre du combat

Photo Alessia Ferronato ©

Il y a des histoires d’entrepreneurs qui commencent dans un garage, d’autres sur les bancs d’une école de commerce. Celle d’Alessia Ferronato, elle, débute bien plus tôt : à l’âge de 11 ans. C’est à ce moment-là qu’elle apprend qu’elle devra vivre avec trois maladies auto-immunes : un diabète de type 1, une maladie de la thyroïde et la maladie cœliaque. Des mots lourds pour une enfant, mais qui, chez elle, ne provoquent ni peur ni repli. Ils déclenchent une force tranquille, un esprit de battante, une maturité précoce.

Un parcours forgé par l’adversité

Née aux Pays-Bas, Alessia grandit entre l’Espagne et la Suisse (d’abord alémanique et ensuite romande), au gré des créations de filiales de son père, lui-même entrepreneur. « J’ai été plongée dans l’univers de l’entreprise dès mon plus jeune âge », raconte-t-elle. Sur des photos de famille, on la voit bébé dans les bras de son père lors de team buildings. Ce mode de vie nomade, aux repères sans cesse renouvelés, forge une personnalité ouverte, adaptable, capable de se réinventer rapidement.

Mais à 11 ans, un tournant brutal bouleverse son quotidien : en quelques mois, trois maladies auto-immunes sont diagnostiquées. Du jour au lendemain, Alessia doit gérer seule ses injections d’insuline, surveiller son taux de sucre, suivre un régime strict et jongler avec une multitude de traitements. « Je n’avais pas le droit à l’erreur. Une unité d’insuline en trop ou en moins pouvait tout changer. » Cette responsabilité précoce la pousse à grandir vite, très vite. Là où d’autres auraient flanché, elle puise une force intérieure remarquable. Refusant de voir ses rêves s’effondrer, elle choisit de se battre. À 15 ans, elle prépare en autodidacte des examens fédéraux pour intégrer le gymnase, en dehors du parcours scolaire classique, dans le but d’accéder à l’université. Une démarche atypique, à l’image de son parcours. Diplôme de maturité en poche, elle s’oriente vers des études mêlant psychologie du travail et économie, entre Lausanne, Amsterdam et l’Australie. Elle obtient des diplômes en psychologie du travail et en économie, notamment à l’Université de Lausanne et d’Amsterdam. Son objectif : comprendre les comportements humains, qu’il s’agisse des consommateurs, des équipes ou des dirigeants.

De retour en Suisse, elle débute dans des départements de ressources humaines avant de rejoindre le groupe familial. Rapidement, elle devient Chief of Staff de son père, l’accompagnant dans toutes les sphères de l’entreprise. « Travailler à ses côtés, c’était une immersion totale. J’ai appris chaque département, voyagé dans le monde entier… Une école incomparable. » Mais Alessia ne veut pas se contenter de perpétuer l’héritage familial.

L’entrepreneuriat comme mission

En 2020, Alessia Ferronato cofonde avec son père une nouvelle marque : Ferronato. L’idée ? Exploiter un tissu métallisé breveté par l’entreprise familiale – utilisé depuis les années 90 dans l’aérospatial pour le blindage électromagnétique – et l’adapter au grand public. À l’heure où nos téléphones écoutent nos conversations et où nos vies numériques deviennent des mines d’or pour les algorithmes, Alessia imagine des solutions pour se déconnecter en conscience. Pochettes pour téléphones et ordinateurs les rendant intraçables, produits de bien-être électromagnétique… tout est pensé pour conjuguer technologie, santé et éthique. Car pour elle, l’entrepreneuriat n’a de sens que s’il sert une mission. « Je ne suis pas là pour faire du superflu », affirme-t-elle. Avec son parcours de santé en toile de fond, Alessia ne se contente pas de créer des objets : elle veut générer un impact durable et tangible, améliorer la qualité de vie, protéger ce qui compte — la santé, la vie privée.

Chaque projet qu’elle initie, chaque décision qu’elle prend, s’inscrit dans cette dynamique. Ses collaborateurs la décrivent comme « courageuse, ambitieuse et infatigable », capable d’insuffler un élan collectif sans jamais perdre le cap. Son rythme de vie est intense, à l’image de ses responsabilités. Pourtant, elle veille à préserver un équilibre. « C’est dans la nature que je me ressource », confie-t-elle. Que ce soit lors de longues randonnées en Suisse ou de baignades revigorantes au Moyen-Orient, Alessia retrouve dans ces instants de connexion avec les éléments une forme de paix intérieure. Même si, avec lucidité, elle admet : « Le cerveau d’un entrepreneur ne déconnecte jamais vraiment. » Ce tiraillement constant entre passion et besoin de recul, Alessia Ferronato l’embrasse pleinement, convaincue que c’est dans cette tension que naissent les plus belles idées.

Alessia Ferronato est certes une héritière mais son histoire rappelle que les leaders les plus inspirants sont souvent ceux qui osent allier vulnérabilité et ambition. Et dans un monde en quête de sens, son message résonne fort : l’entreprise doit servir une mission plus grande qu’elle-même.

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