Baromètre des banques 2016 ‒ recentrage sur le métier de base

7 janvier 2016

Baromètre des banques  2016 ‒ recentrage sur le métier de base

Après s’être concentrées pendant des années sur la résolution des problèmes hérités du passé et la mise en œuvre de nouvelles réglementations, les banques suisses se focalisent à nouveau sur leur réorientation stratégique et le développement de leur activité de base. La transformation des modèles d’affaires se révèle être particulièrement difficile dans un contexte économique caractérisé par la complexité, la volatilité et l’incertitude. Comme le montre le baromètre des banques EY 2016, les entreprises ne parviendront pas toutes à s’adapter au changement structurel : il faut donc s’attendre à une diminution du nombre de banques et à une nouvelle rationalisation des réseaux de succursales.

Partenariats dans le secteur non bancaire – nouveaux marchés et internationalisation – outsourcing et offshoring : tels sont les trois thèmes que les banques citent le plus souvent lorsqu’on les interroge sur leurs tâches centrales actuelles. L’accent est mis sur la réorientation stratégique, l’augmentation profitable des rendements et l’amélioration de l’efficacité. Pour les 120 établissements (sans les deux grandes banques) interrogés dans le cadre du baromètre des banques EY 2016, la mise en conformité avec les exigences réglementaires est passée de la première à la sixième place.

« Pour survivre sur le long terme, le respect des exigences réglementaires et la mise en œuvre de mesures destinées à améliorer l’efficacité ne suffisent pas. Il est indispensable d’optimiser durablement la création de valeur. Ainsi, la priorité est à nouveau accordée à l’essentiel, à savoir les besoins des clients », souligne Patrick Schwaller, Managing Partner FSO Assurance chez EY Suisse.

Besoins accrus de personnel à court terme

Les banques ont à nouveau dégagé des résultats satisfaisants dans un contexte économique difficile. Parmi les entreprises interrogées, 81 % (88 % en 2015) jugent la marche de leurs affaires opérationnelles positive ou assez positive. Elles envisagent en revanche l’avenir avec un peu plus de retenue : seules 75 % (84 % en 2015) d’entre elles s’attendent à des résultats en hausse au cours des douze mois à venir. Les banques reconnaissent que le processus de transformation structurelle ne peut se faire sans coûts, mais qu’il exige des investissements ciblés. Cela se reflète dans les besoins accrus de personnel : 33 % (24 % en 2015) des banques souhaitent créer de nouveaux postes au cours des douze mois à venir, ce qui constitue le taux le plus élevé des cinq dernières années.

Cependant : « La tendance à l’augmentation des effectifs ne se maintiendra pas longtemps. Au contraire, le sourcing et les programmes structurels en vue de l’amélioration de l’efficacité conduiront à moyen terme à la délocalisation d’emplois ou à des suppressions de postes du fait de l’automatisation croissante des tâches », explique Olaf Toepfer, Partner et responsable Banking & Capital Markets chez EY Suisse. Les banques encouragent l’industrialisation et le sourcing des processus d’affaires ; 89 % (92 %) d’entre elles estiment que ce thème va gagner en importance ces prochaines années.

Potentiel de numérisation inexploité

Dans de nombreuses branches, la numérisation est le principal moteur du changement. Les banques ont, elles aussi, identifié le potentiel à long terme offert par cette nouvelle technologie, mais pour l’heure, seul un tiers des établissements interrogés a défini une stratégie en matière de numérisation. Et seuls 27 % des sondés pensent que le secteur financier connaîtra des changements radicaux du fait de l’évolution technologique. Selon une majorité de 67 %, la numérisation ne sera finalement utilisée que sous la forme de canaux de distribution supplémentaires.

« Les banques ont identifié le potentiel à long terme de la numérisation, mais ne sont visiblement pas pleinement conscientes des avantages que cette technologie peut apporter concrètement à l’industrie financière en termes de création de valeur. Et bon nombre de banques n’ont probablement pas encore suffisamment d’imagination, d’idées et d’esprit d’initiative pour s’intéresser aux innovations structurelles au cœur de la chaîne de création de valeur », estime Marco Amato, Partner Wealth & Asset Management chez EY Suisse.

Concurrence étrangère comme nouvelle menace

Les banques commencent à prendre au sérieux la concurrence étrangère: pour la première fois depuis la réalisation de cette étude, la majorité des établissements interrogés (56 %, contre 44 % l’année précédente) pense que leur position sur le marché sera menacée par des prestataires externes. Cette menace ne provient pas en première ligne des start-ups de la branche des techniques financières, mais au contraire des grandes entreprises technologiques et de télécommunication. Ces dernières disposent non seulement des infrastructures et du savoir-faire requis pour pouvoir valoriser de manière profitable le volume croissant de la matière première que constituent les données et informations, mais également des moyens financiers leur permettant de surmonter les barrières d’accès à l’industrie financière réglementée.

« Les entreprises interrogées pensent que ces nouveaux acteurs du marché vont gagner du terrain dans des segments importants du secteur bancaire. Cela pousse les banques à défendre l’interface client et à l’utiliser de façon plus innovante. Outre la définition de stratégies numériques intelligentes, il s’agira vraisemblablement aussi d’améliorer l’expérience client dans les filiales bancaires », commente Patrick Schwaller.

Accélération du changement structurel

Le processus de consolidation en cours dans l’industrie financière helvétique s’accélère. 86 % (79 % en 2015) des sondés s’attendent à une nette diminution du nombre d’établissements bancaires en Suisse d’ici 2020. Le réseau de filiales sera également réduit : 85 % (76 % en 2015) des banques s’attendent à une baisse significative du nombre de leurs succursales.

« Depuis 2010, plus de 60 établissements ont disparu du paysage bancaire helvétique et plus de 200 filiales ont été fermées. Il faut s’attendre à ce que des dizaines d’autres banques ne survivent pas aux changements structurels faute de moyens pour poursuivre leur développement. L’élimination des problèmes hérités du passé s’accompagne d’une diminution des incertitudes en termes de reprises. Il en résultera une nouvelle accélération du processus de consolidation au cours des deux années à venir », affirme Olaf Toepfer.

Taux d’intérêt négatifs

Les décisions monétaires et en matière de taux d’intérêt de la Banque nationale suisse mettent les banques sous pression. Les taux d’intérêt négatifs constituent le plus grand défi : ils pèsent sur les marges et compliquent la gestion des bilans bancaires. Dans le contexte actuel, il est par ailleurs plus difficile d’interpréter de manière fiable les modèles financiers développés pour une constellation de taux positifs. Enfin, les taux d’intérêt négatifs limitent les possibilités d’investissement et incitent les clients à conclure moins de transactions.

« Les taux d’intérêt négatifs donnent de faux signaux pour la gestion du capital et des liquidités, ce qui conduit au bout du compte à une allocation inappropriée, dont les conséquences à long terme sont difficiles à évaluer du point de vue actuel », met en garde Patrick Schwaller. Nonobstant ces défis, 70 % des banques pensent s’abstenir de répercuter ces taux d’intérêt négatifs sur leur clientèle privée.

« A raison : une éventuelle répercussion aurait vraisemblablement des effets négatifs non souhaités », ajoute-t-il.

Risque accru pour les crédits aux P
ME

L’abolition du cours plancher de l’euro a également un impact croissant sur le risque de crédit des banques. Pas moins de 45 % d’entre elles attendent au cours des douze prochains mois une augmentation des correctifs de valeurs et des provisions dans les affaires avec la clientèle entreprises. De nombreuses banques estiment que la place économique continuera d’être pénalisée par le franc fort et que les PME tournées vers l’exportation auront de plus en plus de difficultés à assurer le service de leurs crédits. Cependant, les banques n’envisagent pas de limiter l’octroi de crédits aux PME.

Entrée en vigueur retardée de l’échange automatique de renseignements

L’échange automatique de renseignements (EAR) est pour bientôt. Le calendrier pour l’introduction de l’EAR est serré, dans la mesure où les données des clients concernant l’année 2017 devront déjà être communiquées aux autorités étrangères participantes. Pourtant, un quart des banques interrogées n’a pas encore lancé de projet dans ce sens. Les établissements concernés font valoir qu’ils sont freinés non seulement par les coûts de cette mesure, mais également par l’absence à ce jour de directives d’application et d’interprétations claires.

Pas de reflux de capitaux significatifs

La tendance vers une plus grande transparence fiscale se poursuit. Cependant, 66 % (69 %) des banques affirment n’avoir pas enregistré de reflux de capitaux significatifs ; cette proportion n’est que de 53 % parmi les banques privées.

« De nombreuses banques sont en mesure de compenser largement les reflux de capitaux par l’entrée de nouveaux fonds. La place bancaire suisse parvient toujours à attirer de nouveaux fonds en quantités substantielles. Précisément en période de forte volatilité, la sécurité et la stabilité caractéristiques de la place financière sont très demandées », précise Marco Amato.

A propos de l’étude

Le baromètre des banques EY repose sur un sondage réalisé auprès de 120 dirigeants (principaux dirigeants) de différentes banques dans toute la Suisse, sans les deux grandes banques. Parmi les établissements interrogés, 39 % sont des banques privées, 29 % des banques régionales, 20 % des banques étrangères et 12 % des banques cantonales. 76 % des établissements sont basés en Suisse alémanique, 20 % en Suisse romande et 4 % au Tessin. L’enquête téléphonique a été réalisée en novembre 2015 par un institut de sondage indépendant (Valid Research, Bielefeld) pour le compte d’EY.

 

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