Clarifier la finance durable avec l’investissement d’impact ?

18 avril 2024

Clarifier la finance durable avec l’investissement d’impact ?

Par Damien Reggio

La finance durable porte de plus en plus de noms : finance de transition, finance responsable, investissement ESG (Economie Social Environnemental), investissements de valeurs… Quid de l’investissement d’impact ? Est-ce un terme de plus à ajouter à la vaste « soupe verte » dans laquelle nous nageons ou propose-t-il une autre approche ?

La complexité de la finance durable

L’un des traits distinctifs de la finance, souvent reproché, est sa complexité qui la rend inaccessible pour ceux qui n’ont pas accès aux conseils d’experts. Il en va de même pour la finance durable qui multiplie aujourd’hui ses offres pour toucher une génération demandeuse de produits verts et satisfaire les régulateurs. Le choix de l’investisseur n’en est pas simplifié pour autant, bien au contraire. La question de la durabilité était déjà en elle-même un obstacle assez conséquent avant que les mécanismes financiers ne s’activent. Néanmoins, animés par une envie de changement, il nous faut faire un choix.

Un enjeu de confiance

Dans le cadre financier, on est peut-être le détenteur de l’actif, mais rarement son utilisateur. En conséquence, on fait confiance à ce qui nous est rapporté sur l’utilisation de notre argent, cela se traduit généralement en rapports de durabilité ou d’impact, de KPI[1]s atteints ou de PAI[2] réduits. C’est ici que la soupe s’épaissit, car contrairement aux rendements financiers aux paramètres bien définis, les variables et mesures de durabilité sont laissées à la discrétion de ceux qui les construisent. De plus, les organismes de vérification ne peuvent que vérifier la correspondance de ces chiffres par rapport aux normes et législations en vigueur, non leur utilisation effective.

Un problème de définition

Le modèle d’analyse utilisé pour décider de ce qui relève de l’investissement durable est également propre à chaque investisseur et au choix qui s’offre à lui. Voici la deuxième couche de saveurs de cette soupe : les organismes de certifications et de déclarations. Le secteur est relativement jeune, et cela se traduit par un manque de coopération entre les différentes parties prenantes qui ont toutes une approche différentiée de la durabilité et de son évaluation. L’une des initiatives fréquemment utilisée aujourd’hui est celle de l’Impact Management Project (devenu Impact Management Norms). Sa pertinence, malgré son ancienneté (2016), vient de sa simplicité et de son adaptabilité à toutes les thèses dites d’impact, allant ainsi à l’encontre de la tendance qui cherche à standardiser les mesures.

Un (seul) dénominateur commun ?

Parmi les différentes approches, on trouve un dénominateur commun : les Objectifs de Développement Durable (SDG en anglais) qui ont évolués en un outil de résultat, loin du cadre de réflexion qu’ils représentaient à leur création. Cependant, dans le monde de l’impact en particulier, la plupart des gérants ont également développé leur propre vision de la durabilité parallèlement aux ODD. Ainsi, sur 753 fonds d’impact privés interrogés en 2023 (source : Tameo PAIF), l’outil majoritairement utilisé pour mesurer l’impact est développé en interne. Cela permet de rapporter et contrôler l’impact des investissements choisis plus efficacement, mais limite la comparaison avec les autres investissements.

L’attribution de l’impact

En se concentrant sur le résultat attendu, l’impact inclus une analyse du poids de l’investissement dans la réalisation du projet financé. Par son approche, il cherche à orienter les capitaux vers des opportunités qui reflètent l’engagement de l’investisseur à s’attaquer à une problématique particulière. Dans le cadre d’un fonds d’investissement, le problème d’attribution est double : pour connaitre l’impact d’un investisseur, il faut le rapporter à sa participation dans le fonds, puis à la participation du fonds dans l’entreprise financée. Cette double analyse, pourtant essentielle du côté investisseur, n’est malheureusement pas la norme dans l’industrie qui parfois s’attribue l’intégralité des résultats d’entreprises dans lesquelles elle n’a qu’une participation minoritaire.

Une question de vision

Alors que l’investissement d’impact se propage dans toutes les classes d’actifs, il est essentiel de ne pas le réduire en une étiquette de plus. Penser en termes d’impact permet une simplification des prises de décision et d’ouvrir de nouvelles opportunités. La vision de l’investisseur de son impact est un facteur décisif du changement des investissements vers la durabilité. Malgré une normalisation laborieuse, l’impact simplifie la question de la durabilité par son approche granulaire, inclusive des communautés et de leur environnement ; il rend accessible des problèmes complexes.

Sources :

https://tameo.solutions/private-asset-impact-fund-report#report-download

https://www.hbs.edu/impact-investments/Shared%20Documents/What%20Do%20Impact%20Investors%20Do%20Differently.pdf

https://finance.ec.europa.eu/document/download/ff44591e-9d83-4027-a079-f3fe23bbaf41_en?filename=240129-sf-platform-report-market-practices-compendium-report_en.pdf

https://impactfrontiers.org/norms


[1] Key Performance Indicators: Indicateurs principaux de résultats positif d’un ou plusieurs investissements

[2] Principal Adverse Indicators: Indicateurs principaux des effets néfastes d’un ou plusieurs investissements

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