Photo Danièle Felley ©
Une enfance en marge du monde, une trajectoire qu’elle a façonnée à la force du cœur. Danièle Felley ne ressemble en rien aux récits lisses de celles et ceux à qui tout sourit. Elle fait partie de ces personnes qu’on regarde parfois avec admiration, sans percevoir les cicatrices.
« J’ai beaucoup de chance », dit-elle. Mais derrière cette formule modeste se cache une vérité plus âpre : la chance, elle ne l’a pas reçue, elle l’a conquise.
Danièle Felley naît dans un foyer où l’amour côtoie la douleur. Fille unique d’un père malade — dialysé trois fois par semaine pendant quatorze ans, greffé à 2 reprises, mais chaque fois, le corps rejette ce qu’on espérait salvateur… Elle grandit dans l’ombre de ces traitements éprouvants… et d’une dette familiale abyssale contractée pour les soins de son père (deux millions de francs), d’une maison vendue aux enchères, et de la honte qui colle à la peau des enfants différents.
« J’étais le vilain petit canard », confie-t-elle, les yeux brillants d’une émotion toujours vive.
Pas une icône mais une battante. Danièle Felley ne rêvait pas de gloire, mais d’incarner une héroïne. Une Angélique, Marquise des Anges — femme du XVIIe siècle, belle, forte, trahie par tous mais toujours debout. Transposée à notre époque ? Elle se voyait avocate, pour défendre les plus vulnérables. Mais la vie, elle, avait d’autres projets. À 17 ans, son père s’éteint. Sa mère refait sa vie. Danièle s’en va. Elle quitte le cocon brisé, abandonne ses ambitions juridiques, ses illusions, et entre dans le réel, sans filet.
Les débuts sont rudes : sans diplôme, sans boussole. Elle frôle l’enrôlement dans des mouvements sectaires, enchaîne les petits boulots, jusqu’au jour où elle pousse la porte du Credit Suisse, comme caissière. « J’aimais les gens, c’était mon seul capital. » Et c’est là que tout bascule. Des regards bienveillants se posent sur elle. Des mains se tendent. Elle parle avec sincérité, on la remarque, on lui fait confiance. Elle grimpe, apprend, étudie la finance le soir, décroche son diplôme fédéral d’experte en finance. Et un jour, elle devient l’une des premières femmes à porter le titre de Director au Credit Suisse. Elle, qui n’avait pas fait l’université. Elle, qui venait « de nulle part ».
Sa carrière se poursuit dans l’assurance vie, où elle dirige jusqu’à 300 personnes. Mais le monde des multinationales l’épuise : trop de politique, trop de luttes internes, trop de coups bas.
Alors, pour vivre à son rythme, elle crée sa propre entreprise de conseil en LPP. Une niche, un savoir rare, une vocation inattendue. « Quand les gens ne comprennent pas, moi je suis là. Je deviens utile. » Son utilité. Sa victoire.
Ses amis la décrivent comme « solaire ». Pas parce que tout a toujours été facile, mais parce qu’elle a choisi que sa lumière serait plus forte que ses blessures. Et c’est peut-être là sa plus grande leçon : on ne guérit pas en effaçant son passé, mais en l’utilisant pour éclairer le chemin des autres. Quand elle entre dans une pièce, l’énergie change. Quelque chose s’ouvre, comme si soudain, tout devenait possible.
Ce mot — solaire — elle l’a fait sien, au point de l’inscrire au cœur même de son entreprise : un tournesol en guise de signature, pour rappeler qu’on peut traverser les tempêtes et choisir, toujours, de se tourner vers la lumière. Ce n’est pas un simple symbole. C’est sa boussole : grandir malgré les orages, rester debout quand le vent se lève.
Elle trouve sa paix dans la forêt, les sentiers escarpés, les respirations profondes, loin du tumulte des bureaux et des salles de réunion. Le bruit du monde, elle l’éteint en marchant aux côtés de son chien, complice silencieux de ses méditations. Là, au contact de la terre, elle se reconnecte à l’essentiel, à cette part indomptable d’elle-même qui lui rappelle que la liberté ne se négocie pas — elle se conquiert. Encore et toujours.
Aujourd’hui, Danièle Felley respire vraiment. Elle a compris que l’ambition seule ne suffit pas à combler une vie. Sa maxime ? « On a tous deux vies. La deuxième commence quand on comprend qu’il n’y en a qu’une ». Un mantra qui résonne comme un appel à l’instant présent. «J’ai passé ma vie à courir après des titres, à regretter le passé ou à craindre l’avenir. Aujourd’hui, je savoure ce que j’ai : un chien, un ciel bleu et la joie de transmettre mon savoir. » Son histoire, celle d’une femme partie de « nulle part » pour bâtir une carrière hors norme, nous enseigne une leçon précieuse : même dans les épreuves les plus sombres, des éclats de lumière peuvent jaillir. Chez Danièle Felley, chaque victoire porte l’empreinte de l’authenticité, une invitation à embrasser la vie avec courage, gratitude et bienveillance.
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