Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier
Le 2 avril dernier, Donald Trump tenait son tant attendu « Liberation Day » et, tableau cartonné à l’appui, dévoilait des droits de douanes « réciproques » exorbitants à l’encontre de l’ensemble de ses partenaires commerciaux. Les marchés financiers plongeaient dans le sillage de ces annonces qui menaçaient de balayer l’équilibre commercial mondial. Un mois plus tard, lorsque l’on regarde les marchés actions américains, c’est comme si cet épisode n’avait jamais existé. Le S&P 500 a quasiment effacé l’intégralité de sa baisse et le Nasdaq est même plus haut que sa clôture du 2 avril.
La raison à cet optimisme des marchés tient en une phrase : « le pire est passé ». Il faut dire que depuis le Liberation Day, les revirements de Donald Trump ont été nombreux : pause de 90 jours sur les droits de douanes réciproques pour tous les pays, excepté la Chine, exemption temporaire pour les produits électroniques, aménagements pour l’industrie automobile… Surtout, l’administration américaine a, depuis plusieurs semaines, sensiblement adouci son discours envers la Chine, seul pays subissant encore les tarifs réciproques et à avoir répliqué coup pour coup aux attaques américaines. De ce point de vue, et bien qu’il faille prendre mille précautions lorsque l’on essaie d’anticiper la géopolitique, a fortiori lorsqu’elle est menée par Donald Trump, on peut considérer que le pic de l’escalade a été atteint et dépassé.
Pour autant, et contrairement au message envoyé par les marchés, nous sommes bien loin d’être revenus à la situation d’avant le 2 avril. Malgré les diverses pauses et exemptions, les droits de douane moyens aux Etats-Unis dépassent à présent les 20%, contre 2,4% en 2024. Pendant que Scott Bessent, le Secrétaire au Trésor, annonce des centaines de discussions entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux, et même si des accords de principe pourraient être plus rapides, une étude d’Apollo Global Management[1] nous rappelle que les accords commerciaux prennent du temps : 18 mois en moyenne pour les accords conclus par les Etats-Unis ces dernières décennies.
Pendant ce temps, les acteurs économiques, entreprises en tête, restent dans le flou le plus complet, avec des conséquences très concrètes à la clé. Les réservations de cargos naviguant entre la Chine et les Etats-Unis ont chuté de 40% par rapport à l’année dernière. Malgré les stocks importants constitués en prévision, les grandes enseignes de distribution, comme Walmart ou Target, constatent un risque important de pénuries à court terme. Et, en témoignent toutes les enquêtes menées auprès des entreprises, leur confiance est en chute libre ; tout comme celle des ménages, qui s’inquiètent des conséquences tant sur les prix que sur l’emploi… et ont commencé à restreindre leurs dépenses discrétionnaires, notamment de loisir, comme l’illustre la baisse marquée de la fréquentation des restaurants.
Ainsi, si les marchés financiers ont « acheté » la fin de l’escalade, nous sommes pour autant très loin d’un retour à la normale. D’une part, tous les actifs n’ont pas suivi la trajectoire des marchés actions. Le dollar est toujours nettement plus bas qu’avant le Liberation Day et l’or, bien plus haut. D’autre part, quand bien même Donald Trump reviendrait en arrière sur l’essentiel de ses annonces, des dégâts réels ont déjà été causés à l’économie et chaque jour qui passe avec les tarifs douaniers en place en cause de nouveaux. Le Président américain est adepte de l’expérimentation politique et de la stratégie du « ballon d’essai ». Il semble toutefois avoir oublié, et les marchés avec lui, un point essentiel : les dégâts économiques d’une politique erratique ne s’annulent pas aussi facilement qu’un décret présidentiel.
[1] The Daily Spark – Trade Negotiations Take Time, 20/04/2025
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Opinion rédigée le 2 mai 2025
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