Des scénarios pour l’approvisionnement électrique du futur. Par Basile Golaz

14 juin 2012

Des scénarios pour l’approvisionnement électrique du futur. Par Basile Golaz

L’Association des entreprises électriques suisses (AES), épaulée par 50 spécialistes de la branche, a présenté ce mardi 12 juin trois scénarios pour l’approvisionnement électrique du futur. Ces scénarios représentent entre 118 et 150 milliards de francs d’investissements échelonnés jusqu’en 2050, et ils prennent tous en compte le non-remplacement des centrales nucléaires vouées à disparaître d’ici 2035. Ces calculs seraient pour la première fois suffisamment détaillés pour garantir que, d’un point de vue technique, les trois scénarios sont réalisables et permettent un approvisionnement électrique fiable pour chaque heure de l’année.

Les entreprises de la branche électrique suisse espèrent ainsi établir des bases de discussions concrètes afin de connaître les conditions-cadres futures qui devront être données par des décisions politiques claires et durables le plus rapidement possible. Ses conclusions montrent qu’un approvisionnement électrique sans centrales à gaz et sans importations d’énergie non renouvelable n’est possible qu’avec de grands efforts en matière d’économies d’électricité et des mesures drastiques nécessitant une très forte implication politique et sociale.

Scénario n° 1 à 118 milliards : Construction de 7 à 8 centrales à gaz

Ce premier scénario se base sur un renforcement des prescriptions en matière d’efficience électrique et de promotion des énergies renouvelables, mais s’attend à ce que le besoin d’électricité continue d’augmenter (de 25 % d’ici à 2050). La sortie du nucléaire serait possible au moyen de 7 à 8 centrales à gaz à cycle combiné et d’installations de couplage chaleur-force. De plus, un quart de l’énergie devra continuer à être importé. Les coûts totaux pour la production d’électricité et les réseaux d’ici à 2050 s’élèveraient à 118 milliards de francs.

Scénario n° 2 à 135 milliards : Construction de 4 à 5 centrales à gaz, incitations fiscales et énergies renouvelables

Ce deuxième scénario implique une forte volonté d’économiser l’énergie passant par une incitation au moyen d’impôts à la consommation. 70 % de l’énergie serait produite à partir de sources renouvelables d’ici à 2050, par exemple au moyen de 1000 éoliennes, 8 grandes centrales hydrauliques de type Rheinfelden et 7000 grandes installations photovoltaïques telles que celle sur le Stade de Suisse. 4 à 5 centrales à gaz seraient néanmoins nécessaires, avec des installations de couplage chaleur-force. Les investissements nécessaires d’ici à 2050 s’élèveraient à 135 milliards de francs.

Scénario n° 3 à 150 milliards : Incitations fiscales et énergies renouvelables uniquement

Ce troisième scénario nécessiterait le changement le plus radical, avec une consommation d’électricité reculant de 7 % grâce, entre autres, à des taxes d’incitation assez élevées. Les investissements dans les énergies renouvelables deviendraient conséquents, avec par exemple 1250 éoliennes, 10 grandes centrales hydrauliques de type Rheinfelden et une surface d’installations photovoltaïques correspondant à 11’500 fois la taille de celle sur le Stade de Suisse. L’ensemble des coûts passerait à 150 milliards de francs. Par contre, ce scénario ne nécessiterait aucune centrale à gaz à cycle combiné et seule de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables serait importée.

Dans ces trois scénarios, une grande partie de l’électricité proviendra d’installations décentralisées avec une production fortement fluctuante. Le réseau électrique devra donc être « intelligent » afin de gérer ces fluctuations en interagissant avec les producteurs et les consommateurs. En d’autres termes, la nécessité du « Smart Grid » est ici mise en évidence. Il ressort également de ce rapport que l’urgence est à la simplification des procédures pour l’extension des réseaux existants et la mise en place d’infrastructures de production d’énergies renouvelables.

On notera aussi que ces scénarios divergent passablement des « Perspectives énergétiques 2050 » du Conseil fédéral présentées par Doris Leuthard le 18 avril. Le deuxième scénario restant le plus proche de la feuille de route du Conseil fédéral. Le conseil fédéral mise davantage sur des économies d’énergies permettant une stabilisation de la demande d’électricité dès 2020 alors que l’AES l’envisage pour 2035 avec davantage d’importations de courant étranger. Les différences proviennent ensuite d’analyses différentes au niveau des potentiels de la géothermie profonde, de l’éolien, du solaire, et du pompage-turbinage hydraulique.

Il est particulièrement intéressant de noter que le dernier scénario, basé sur les seules énergies renouvelables, ne représenterait qu’un surcout inférieur à 30 % par rapport au premier scénario basé sur la construction de nombreuses centrales à gaz, grosses émettrices de CO2. Le dernier scénario aurait en outre l’avantage de garantir l’indépendance énergétique de la Suisse à long terme grâce à ses propres ressources renouvelables en comparaison avec les deux premiers scénarios reposant sur des énergies fossiles que notre pays ne possède pas. Et personne ne peut aujourd’hui prétendre connaître avec certitude le prix de ces énergies fossiles à l’horizon 2050, voué à une très forte augmentation alors que le prix des énergies renouvelables va se réduire avec leur démocratisation.

Basile Golaz collabore avec Le MONDE ECONOMIQUE en qualité d’expert sur des thématiques liées à l’ingénierie et au Cleantech

 

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