Dessaler pour boire à volonté, la bonne idée ?

7 décembre 2021

Dessaler pour boire à volonté, la bonne idée ?

Le constat est implacable. La planète qu’on dit bleue parce qu’elle est couverte à plus de 70% par les océans pourrait voir naître des conflits pour l’accès à l’eau douce, qu’elle soit potable ou non, en particulier pour les usages domestiques et l’irrigation. L’eau douce représente moins de 2,5% de la totalité de l’eau sur Terre dont 1% à l’état liquide. Cependant, l’eau potable accessible représente une part encore plus faible et constitue donc un bien précieux.

Pour garantir une fourniture conséquente et fiable, le dessalement d’eau puisée dans les océans (35g de sel par litre) est une alternative en plein développement pour laquelle certains états ont d’ores et déjà enclenché une politique industrielle ambitieuse. Le Qatar par exemple, petit état du golfe persique, disposant de ressources en combustibles fossiles conséquentes, alimente sa population en eau dessalée à 99%. On le devine, l’énergie nécessaire pour dessaler est la question cruciale.

Problématique de l’accès à l’eau potable

L’accès à l’eau potable (non contaminée, à domicile ou à moins de 30min aller-retour, selon la définition de l’OMS) s’améliore d’année en année. On estime aujourd’hui qu’il est possible pour 90% de la population mondiale (et 70% pour une fourniture à domicile). Cependant, la situation reste critique pour plusieurs centaines de millions de personnes, principalement en Asie et en Afrique. La croissance démographique est forte dans la zone subsaharienne mais ces territoires sont éloignés du littoral si bien que le dessalement ne règlera rien pour ces populations.

L’enjeu humanitaire et sanitaire est fort, l’eau pouvant contenir de nombreuses formes de pollution (substances chimiques, bactéries pathogènes, métaux lourds, parasites…). La consommation d’eau de puits contaminés ou d’eau stagnante est un véritable danger pour des millions de personnes. Cependant, le dessalement, s’il est en plein essor (environ 100 millions de m3 d’eau produits par jour), ne représente pour l’instant qu’1% de l’eau potable consommée chaque année. Les investissements industriels et technologiques qu’il requiert le réservent pour le moment aux Etats disposant de ressources énergétiques suffisantes et à faible coût.

Dessaler l’eau de mer : exemple des zones côtières et du Moyen-Orient

Aujourd’hui, les principaux pays équipés d’unités de dessalement se situent sur le pourtour du Golfe persique (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis…), sur le bassin méditerranéen (Israël, Algérie…) ainsi que les états riches confrontés à des sécheresses chroniques (USA, Australie…). En Israël, par exemple, les principales sources d’eau douce sont le petit fleuve Jourdain ainsi que le plateau du Golan. Or, les tensions et les conflits locaux sont de nature à mettre en danger l’approvisionnement d’eau pour Israël. En à peine plus de 10 ans, le pays a construit plusieurs unités de production qui couvrent aujourd’hui 80% des besoins de la population. La plus grande usine de dessalement au monde, Sorek, produit 624000 m3/jour.

Aux Etats-Unis, l’enjeu est de taille pour les zones du Sud comme la Floride mais surtout pour la Californie, confrontée à des sécheresses récurrentes et ne pouvant se permettre de puiser à outrance dans le fleuve Colorado. Plusieurs usines sont en production ou en projet, tout comme chez le voisin mexicain. Des unités de taille plus modeste assurent la survie de certaines communautés insulaires comme à Malte ou dans les îles des Caraïbes ou du Pacifique.

Des techniques à améliorer, des inconvénients à contourner

Si le volume des océans est immense, la tâche n’est pas simple pour arriver à fournir une eau propre à la consommation sans alourdir la facture énergétique et les rejets de gaz à effet de serre. En effet, pour dissocier l’eau douce des sels minéraux, il existe globalement deux techniques : la distillation et la filtration par osmose inverse. Il est nécessaire de procéder à une mise sous pression ou de chauffer l’eau à traiter, ce qui nécessite forcément une source d’énergie, ce qui est le cas des pétro-dynasties du Moyen-Orient. Tout l’enjeu des améliorations techniques réside dans l’économie d’énergie et l’efficacité des matériaux utilisés. Plusieurs innovations majeures dans la fabrication de membranes vont permettre d’assurer rentabilité et pérennité des systèmes de production d’eau potable.

Cependant, la fabrication d’eau douce possède un certain nombre d’inconvénients qui pèsent sur le milieu naturel. Les rejets de saumure (eau contenant une forte concentration en sels) dans les océans, les fleuves côtiers ou les zones de mangrove constituent des pollutions majeures pour les écosystèmes naturels. Il est urgent de traiter cette question qui inquiète de nombreux scientifiques en privilégiant la technique de l’osmose inverse, moins productrice de saumure et en trouvant une utilisation durable à ces eaux salées.

Avec la hausse démographique, les perturbations en cours liées au dérèglement climatique, l’urbanisation toujours plus importante, une part grandissante de la population se trouve confrontée à des situations de stress hydrique (besoin supérieur à l’eau accessible). Le dessalement parait être une solution adaptée à certaines zones du globe, d’autant que les innovations technologiques font chuter les coûts de production mais il faudra régler la question des saumures pour ne pas créer de désastres écologiques majeurs.

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