On s’attendait à un combat féroce. Une affiche de rêve, un choc historique entre deux poids lourds de l’économie mondiale : d’un côté, Donald Trump, le champion de l’Amérique d’abord ; de l’autre, l’Union européenne, forte de son marché commun et de ses ambitions de puissance stratégique. Mais à la place d’un affrontement équilibré et spectaculaire, le match a tourné court. L’Europe a à peine levé les poings. Elle a encaissé, reculé… puis baissé la garde. L’accord commercial annoncé dimanche entre Donald Trump et Ursula von der Leyen ne ressemble en rien à un compromis. Ce qui était présenté comme une négociation entre égaux s’est transformé en une capitulation européenne face aux exigences américaines. L’Union européenne, première puissance économique mondiale avec les États-Unis, vient d’accepter un accord qui ressemble davantage à un diktat qu’à un partenariat équilibré.
Subir plutôt que résister
Après des mois de menaces d’imposer des tarifs douaniers de 30%, l’administration Trump a obtenu ce qu’elle voulait : un accord fixant les droits de douane à 15% sur la plupart des produits européens, y compris les automobiles, évitant ainsi une guerre commerciale qui aurait pu paralyser l’économie mondiale. Mais cette « victoire » diplomatique cache une réalité plus sombre pour l’Europe : celle d’un continent qui abdique progressivement sa souveraineté économique. L’ampleur des concessions européennes dépasse largement le simple cadre tarifaire. L’Union européenne s’est engagée à acheter 750 milliards de dollars d’énergie américaine sur trois ans, un montant colossal qui illustre la dépendance énergétique croissante de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Plus troublant encore, le bloc des 27 pays a accepté d’augmenter ses investissements outre-Atlantique de plus de 600 milliards de dollars par rapport aux niveaux actuels, principalement dans les secteurs pharmaceutique et automobile. Ces transferts massifs de capitaux européens vers l’économie américaine soulèvent des questions fondamentales sur la stratégie économique européenne.
La dimension militaire de l’accord révèle une autre facette de cette soumission. L’engagement européen à acquérir davantage de matériel militaire américain renforce une dépendance déjà problématique dans le domaine de la défense. Cette décision intervient paradoxalement au moment où l’Europe affiche ses ambitions d’autonomie stratégique et de souveraineté technologique. Comment concilier ces objectifs avec une dépendance accrue envers l’industrie de défense américaine ? Boeing figure parmi les grands gagnants de cet accord, les pays européens s’étant engagés à commander davantage d’appareils de la compagnie américaine. Cette promesse d’achats privilégiés questionne les principes de concurrence libre et non faussée que l’Europe prétend défendre. Elle fragilise également la position d’Airbus, fleuron de l’industrie aéronautique européenne, dans un marché déjà tendu par la concurrence transatlantique.
L’analyse des réactions révèle l’ampleur de la surprise suscitée par les concessions européennes. Certains observateurs du dossier ne cachent pas leur stupéfaction : « Nous sommes très surpris de voir l’Union européenne céder aux exigences de Trump. On aurait pensé que l’UE serait la plus encline à exercer des représailles. Et pourtant, elle ne l’a pas fait. Elle a vraiment cédé à la plupart des exigences de Trump. » Cette capitulation tranche avec le discours habituel de Bruxelles sur la défense des intérêts européens et la réciprocité dans les échanges commerciaux. La forme même de cet accord soulève des interrogations sur sa solidité. Comme de nombreux accords préliminaires annoncés par Trump, celui-ci reste flou dans ses détails. Les gouvernements européens semblent manquer de clarté sur ce qu’ils ont exactement accepté, et l’on ignore encore quels taux de droits de douane s’appliqueront précisément à quels produits. Cette imprécision rappelle les méthodes trumpiennes : annoncer des victoires spectaculaires dont la substance reste à définir. L’accord laisse également en suspens des questions cruciales. Les droits de douane de 50% imposés sur l’acier et l’aluminium à l’échelle mondiale ne font pas partie de l’accord. Cette exclusion démontre que Trump garde des leviers de pression pour d’éventuelles négociations futures.
L’Europe semble avoir oublié qu’elle représente la première destination des exportations américaines et le premier investisseur étranger aux États-Unis. Cette position de force économique aurait dû lui permettre de négocier d’égal à égal avec Washington. Au lieu de cela, elle a choisi la voie de la facilité, préférant subir plutôt que résister. Dommage. Les dirigeants européens doivent désormais tirer les leçons de cette humiliation diplomatique. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention sur l’autonomie stratégique, mais à la construction d’une véritable puissance économique capable de tenir tête aux États-Unis. Cela implique une révision profonde de la politique commerciale européenne, un renforcement de l’indépendance énergétique et une montée en puissance de l’industrie de défense européenne. Sans ces transformations, l’Europe restera condamnée à subir les caprices de Washington, transformant le rêve d’une Europe puissance en une douloureuse chimère.