FRANCOPHONIE ECONOMIQUE : MYTHE OU REALITE

13 novembre 2015

FRANCOPHONIE ECONOMIQUE : MYTHE OU REALITE

Si pour certains la francophonie économique est déjà à l’œuvre, pour d’autres par contre, cette idée n’est pas encore opérationnelle. Il faut bâtir les liens d’un marché économique francophone. Ce à quoi s’attèle la nouvelle secrétaire de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), Michaelle Jean.

La francophonie c’est le partage d’une langue et d’une culture, mais, c’est aussi un terrain de jeu économique. Face à une économie mondialisée, les Africains francophones ont considéré qu’il était important de se fédérer, avec une langue commune, un droit commercial commun, une monnaie unique, le CFA, le socle était posé. C’est en 2008, au Québec que le concept de Francophonie économique voit le jour. Pour Etienne Giros, président du Cian, le conseil des investisseurs français en Afrique, les francophones n’ont pas attendu qu’on la nomme pour la pratiquer. Dans la réalité, nous pratiquons déjà la francophonie économique sans le savoir, comme monsieur Jourdain pratiquait la prose en l’ignorant, la francophonie est déjà à l’œuvre. Pour certains observateurs, la francophonie économique est pratiquement sur tous les continents. En 2010, les pays membres et observateurs de l’OIF représentaient 14% de la population mondiale, 14% du revenu national brut (RNB) mondial et 20% des échanges mondiaux de marchandises. Ils comptent aujourd’hui 900 millions d’habitants, dont 220 millions de locuteurs en français. En 2050, leur population devrait atteindre 1,5 milliards à 2 milliards de personnes, dont 700 millions de locuteurs de français. A cette échéance, 85% de francophones et 90% de jeunes locuteurs âgés de 15 à 29 ans vivront en Afrique. L’espace francophone rassemble des territoires répartis sur tous les continents avec des niveaux de développement très hétérogènes et une extraordinaire diversité culturelle. Les échanges commerciaux francophones représentent 20% du commerce mondial et chaque pays membre partage un quart de sa production avec ses partenaires francophones, mais c’est en Afrique francophone que se situe le plus important flux d’affaires et la France représente près de 5% des importations locales. Ce sont majoritairement des grands groupes qui s’y implantent. Ils doivent s’associer avec des partenaires africains pour le développement d’un tissu industriel de transformation ou de PME africaines. Il faut que les PME françaises prennent le risque d’aller en Afrique qui est le relais de croissance des 30 années à venir et qu’elles le fassent maintenant car il y aura peut-être beaucoup moins de places et d’opportunités dans 15 ans d’après certains experts.

Une vieille dame bureaucratique

La francophonie économique suscite des interrogations et tous les acteurs ne sont pas aussi convaincus qu’Etienne Giros. Pour Guy Gweth, spécialiste en intelligence économique, tout reste à faire car la francophonie économique en est encore à son stade conceptuel. Il va falloir faire beaucoup d’efforts, car la francophonie en tant qu’institution est une vieille dame extrêmement bureaucratique, politisée et sous influence française. Pour pouvoir refléter la nouvelle dynamique telle qu’elle est aujourd’hui au sein même des pays francophones, il est important de lui en donner les moyens et de passer de la phase opérationnelle. Le paysage des affaires a changé en Afrique et les cartes ont été redistribuées avec l’arrivée des Chinois. Les pays émergents et, en premier la Chine, première puissance économique, sont devenus incontournables dans les échanges mondiaux y compris dans les pays francophones d’Afrique. Cependantl la France reste un partenaire privilégié selon Lionel Zinsou, président du Fonds d’investissement PAI Partners et devenu entre temps premier ministre au Bénin. La Chine et les pays émergents ont vu bien avant l’Europe la croissance africaine et son potentiel dans les 20 dernières années. Les pays européens ont toutefois un siècle d’antériorité et ils ont encore beaucoup d’actifs dans le monde africain francophone ainsi que dans les pays lusophones et anglophones ».

Une nécessaire orientation de la francophonie économique

Si la francophonie économique existe bel et bien, il faut lui donner une nouvelle orientation et impulsion. C’est ce que tente de faire la nouvelle secrétaire Michaelle Jean depuis son arrivée à la tête de cette institution. De par son histoire et sa langue, l’espace francophone constitue déjà un espace de relations économiques et commerciales privilégiées. Ainsi, en organisant le 2ème forum économique de la francophonie, Mme Jean voudrait accélérer la mise en œuvre de la stratégie économique adoptée à Dakar en 2014 en transformant idées et propositions en actions avec l’implication des acteurs publics et privés. L’espace francophone doit composer avec l’accélération de l’urbanisation et l’émergence de nouvelles problématiques migratoires au sein des espaces régionaux et placer l’épanouissement de l’individu au cœur du processus du développement économique durable. Pour cela, les relations entre la langue française, les valeurs de solidarité qu’elle porte et l’économie doivent être clairement définies, affirmées et développées. Pour la Secrétaire générale de l’OIF lorsque les entrepreneurs circulent, c’est parce qu’ils ont envie d’examiner d’autres marches et de négocier des entrepreneuriats. Mme Jean émet l’hypothèse que l’OIF puisse se porter garante de certains projets d’entrepreneurs. Mais il faudra du temps pour que les pays francophones acceptent une unification de leur politique économique et l’ouverture de leurs marchés pour bâtir une zone économique commune. Il existe de nombreux écueils pour parvenir à cet objectif comme par exemple la mobilité des hommes d’affaires et des étudiants francophones. D’un côté, les hommes d’affaires occidentaux se déplacent comme ils veulent en Afrique alors que les africains, il est difficile de se render en occident. On peut ajouter la difficile conciliation entre les nécessités nationales et les besoins régionaux, le rôle du franc CFA et le rôle des banques centrales (Beac et Bcdeao), le franc CFA ayant des atouts et des inconvénients. Quant aux banques centrales, elles ont une philosophie trop financière alors que c’est l’économie qui doit commander la monnaie. Elles doivent être plus présentes dans l’économie, dans le financement du développement que dans la spéculation. Nos banques centrales doivent aider les banques commerciales dans le financement du secteur agricole en Afrique. L’idée de libérer une partie des réserves des banques centrales de l’Afrique de l’ouest (BCDEAO) et celle de l’Afrique centrale (BEAC) déposées à la banque de France doit également être prise en considération pour le financement des projets.

Comme on peut le constater pour parvenir à une véritable francophonie économique, le chemin semble encore long. Comme a dit le président Gabonais, Ali Ondimba Bongo: « c’est bien beau de parler de la francophonie, mais les jeunesse se demandent qu’est-ce ça met dans l’assiette. » En d’autres termes, Il faut que la francophonie apporte des choses concrètes.

 

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