Front uni contre les Etats-Unis

8 septembre 2025

Front uni contre les Etats-Unis

Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier

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Michel Saugné © LFDE

Menacés dans leur statut de première puissance mondiale par la montée séculaire de la Chine, les États-Unis ont élu un président leur promettant de restaurer l’ordre ancien : Make America Great Again. Mais, par une cruelle ironie du sort, les mesures prises par la nouvelle administration américaine concourent précisément à précipiter ce déclin en termes relatifs. Au lieu, en effet, de s’efforcer de maintenir leur influence mondiale en conservant les autres pays sous leur dépendance et en consolidant l’ordre ancien qui leur était favorable, Washington s’emploie aujourd’hui à dresser méthodiquement le reste du monde contre lui, alliés historiques comme concurrents traditionnels. Larry Summers, ancien secrétaire américain au Trésor, résumait ainsi le paradoxe actuel sur Bloomberg Television : « La maxime classique de la politique étrangère est de rassembler ses amis et de diviser ses adversaires. Or nous avons engagé des politiques qui ont réussi à unir nos adversaires et à diviser nos amis. »

Un exemple emblématique de ce processus s’est manifesté en Chine, lors du 25ᵉ sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui s’est tenu du 31 août au 1ᵉʳ septembre 2025 à Tianjin. Les 27 pays participants, en particulier les 10 membres associés au sens strict – parmi lesquels, outre la Chine, figurent notamment l’Inde, la Russie, l’Iran et le Pakistan, représentant 3,5 milliards d’humains, soit un quart du PIB mondial – ont affiché un front uni contre les récents assauts commerciaux américains. Malgré – ou en raison – des droits de douane prohibitifs que la plupart de ces pays subissent désormais, l’Organisation prend systématiquement le contrepied de la posture américaine. Elle met ainsi en avant l’adoption d’une stratégie de coopération lisible sur dix ans (au lieu de revirements incessants) ; la création d’une banque de développement destinée à financer de nouvelles infrastructures durables (par contraste avec la remise en question du plan d’infrastructures promu par J. Biden) ; la coopération interétatique dans les domaines de la transition énergétique (au lieu des reculs américains sur l’éolien, le solaire ou le Traité de Paris) ; des mesures de cohésion sociale (au lieu de la remise en question des dispositifs sociaux) ; un soutien affirmé à l’enseignement supérieur (au lieu des coupes dans les budgets universitaires affectant les plus prestigieuses universités américaines) ; la défense de l’OMC, implicitement au profit des membres de l’OCS, en premier lieu des chinois, principaux exportateurs (au lieu du piétinement des règles du commerce international) ; une plaidoirie en faveur d’un renforcement de la gouvernance mondiale (au lieu de la remise en question de certaines agences de l’ONU), etc. Il n’est pas jusqu’à la promotion de la coopération médicale qui ne vienne accentuer le contraste avec les mesures controversées de l’administration américaine en matière de politique sanitaire.

S’affichant comme un contrepoids à l’offensive de déstabilisation américaine, faut-il dès lors s’étonner si la Chine mène les actions mondiales cette année, et si sa devise progresse contre le dollar ? Au 4 septembre, en effet, le MSCI China progresse de 29% (en dollar) depuis le début de l’année, contre 11,5% pour le S&P 500, et le yuan de plus de 2%. Si les capitaux sont attirés par la croissance et la visibilité, n’est-il pas d’une certaine façon logique qu’ils se dirigent aujourd’hui davantage vers l’Est que vers l’Ouest, en plein tempête politique ? Tant il est vrai, comme le rappelait le Président chinois citant Lao-Tseu, que « Celui qui suit la Voie gagne l’adhésion de tous ».

 

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Opinion rédigée le 5.9.2025

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