Gouvernance intergénérationnelle : un défi clé pour les PME en 2025

29 septembre 2025

Gouvernance intergénérationnelle : un défi clé pour les PME en 2025

Par *Ivan Reusse, Directeur Leadership Development chez Grant Alexander

Le choc des générations au cœur des entreprises

Lors de mon précédent article j’ai abordé la question de la gouvernance dans sa globalité.

Aujourd’hui, je souhaiterai vous parler d’une dimension particulière.

La gouvernance des PME est entrée dans une zone de turbulence. Non seulement les patrons doivent faire face à la digitalisation, aux pressions ESG ou à la pénurie de talents, mais ils voient aussi émerger un autre défi, plus silencieux mais tout aussi structurant : les différences générationnelles. Dans une PME de 50, 100 ou 200 employés, ces écarts de culture et de valeurs se ressentent encore plus fortement que dans une multinationale, car les structures sont plus petites et les décisions plus visibles. La question n’est plus de savoir si ce sujet concerne les PME, mais comment elles vont l’intégrer dans leur gouvernance.

Des attentes qui divergent

Chaque génération aborde l’entreprise et la gouvernance avec son prisme propre.

• Les dirigeants expérimentés, souvent issus des générations baby-boomers ou X, valorisent la stabilité, la loyauté, le respect de la hiérarchie et une vision de long terme ancrée dans la continuité. Ils privilégient l’expérience, les relations de confiance et une certaine prudence dans la prise de risque.

• Les plus jeunes générations, Y et Z, recherchent quant à elles davantage de sens, de transparence, de participation et de flexibilité. Elles veulent comprendre les décisions, donner leur avis et voir leur entreprise incarner des valeurs fortes en matière de durabilité, d’équité et de modernité.

Dans une PME, cette différence se traduit directement au quotidien. Quand un patron pense stabilité financière et prudence, un collaborateur plus jeune peut s’impatienter et réclamer innovation, digitalisation ou engagement social.

Éclairage pratique : ce que disent les managers

Les témoignages recueillis dans le cadre de formations au leadership inclusif confirment ces différences. Plusieurs managers relèvent que la mixité intergénérationnelle enrichit les décisions stratégiques et favorise l’entraide au quotidien. Certains parlent même de véritables « chocs générationnels », où baby-boomers et génération Z n’ont pas la même vision du travail ni de l’équilibre vie privée/vie professionnelle. Mais ils soulignent aussi que le respect, le dialogue — parfois même l’humour partagé — transforment ces écarts en leviers positifs.

Un exemple concret revient souvent : l’organisation de réunions intergénérationnelles. Ces moments, parfois tendus, deviennent très constructifs lorsque chacun est invité à exprimer sa vision du travail. Les plus jeunes attendent de la flexibilité et de la rapidité, tandis que les plus seniors apportent une profondeur d’analyse et une prudence précieuse. En croisant ces perspectives, la PME trouve souvent des solutions plus équilibrées et réalistes.

Les limites d’une gouvernance figée

Si la gouvernance d’une PME reste entre les mains de dirigeants expérimentés sans intégration des nouvelles générations, le risque est réel. Les décisions peuvent manquer de résonance avec les attentes actuelles du marché ou des collaborateurs. Le décalage se manifeste souvent par :

• Une perte d’attractivité auprès des jeunes talents, qui préfèrent rejoindre des structures perçues comme plus modernes.

• Des tensions internes, où les idées innovantes semblent systématiquement freinées.

• Une difficulté à préparer la succession, notamment dans les entreprises familiales où les héritiers hésitent à reprendre le flambeau faute de place réelle dans la gouvernance.

Une gouvernance figée peut donc devenir un frein au développement, voire à la survie, de la PME.

Construire une gouvernance inclusive et agile

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des pistes concrètes pour transformer ces différences générationnelles en atouts.

• Diversifier les boards : ouvrir le conseil d’administration ou le comité consultatif à des profils plus jeunes, issus du digital, de la durabilité ou de l’innovation. Pas seulement comme symbole, mais comme contributeurs actifs.

• Encourager le mentorat croisé : les seniors transmettent leur expérience et leur réseau, tandis que les plus jeunes partagent leurs connaissances technologiques ou leur sensibilité aux enjeux ESG.

• Créer des espaces de dialogue intergénérationnels : ateliers, comités ad hoc, rencontres informelles. Dans une PME, quelques heures par trimestre suffisent à ouvrir des discussions franches et constructives.

• Digitaliser les pratiques de gouvernance : utiliser des plateformes collaboratives pour préparer les conseils, partager les documents et recueillir les avis, afin d’impliquer plus largement les différentes générations.

Ce n’est pas une question d’âge, mais d’état d’esprit : la gouvernance intergénérationnelle fonctionne quand chacun accepte de confronter ses repères à ceux des autres, dans un cadre clair et respectueux.

Conclusion : une opportunité pour les PME

La gouvernance intergénérationnelle ne doit pas être perçue comme une contrainte supplémentaire. C’est une opportunité unique pour renforcer la résilience et l’attractivité des PME. Celles qui sauront conjuguer la sagesse de l’expérience avec l’énergie et les valeurs des nouvelles générations seront mieux armées pour affronter l’incertitude.

En 2025, gouverner une PME, ce n’est pas choisir entre tradition et modernité, mais réussir à faire dialoguer les générations. Les patrons qui ouvrent leurs conseils et leurs décisions à cette diversité trouveront non seulement de nouvelles idées, mais aussi un engagement plus fort de leurs équipes. Le message est clair : n’attendez pas d’être confrontés à un départ massif de baby-boomers ou à une fuite des jeunes talents pour agir. La complémentarité des générations est dès aujourd’hui l’un des meilleurs gages de pérennité pour les PME suisses.

Alors Mesdames et Messieurs issus des gouvernances PME, qu’en dites-vous ?

*À propos de l’auteurSociologue et économiste de formation, Ivan Reusse bénéficie d’un parcours de 18 ans au sein de multinationales, où il a dirigé des opérations industrielles dans les secteurs de la parfumerie puis de la pharmaceutique, avec une expertise marquée de la région EMEA. Il s’est ensuite orienté vers le conseil en stratégie, et occupe aujourd’hui le poste de Directeur Suisse du département Leadership Development chez Grant Alexander, un groupe de Conseil et de services RH, qui accompagne les entreprises dans le Recrutement par approche directe, et le Développement du leadership. Animé par une passion profonde pour la complexité du facteur humain et les dynamiques stratégiques des organisations, il accompagne les dirigeants dans le développement de leur leadership et la transformation de leurs structures.

Retrouvez l’ensemble de nos articles Gestion d’Entreprises

 

Recommandé pour vous