Maurelle ROBE, Giulia TADDEI, Mélanie Florence BONINSEGNI, et Giuseppe CATENAZZO
Longtemps dominé par des influenceurs humains, le marketing d’influence connaît aujourd’hui une mutation avec l’émergence d’influenceurs virtuels, des avatars numériques créés par des algorithmes et pilotés par des agences ou par des marques. Des figures comme Miquela (@lilmiquela), Noonoouri (@noonoouri) ou Shudu (@shudu.gram) attirent des millions de followers et collaborent avec des enseignes prestigieuses telles que Balmain, Prada ou encore Samsung.
Or, le recours à ces figures artificielles affecte-t-il l’authenticité perçue des marques qui les utilisent ? Quelles en sont les conséquences sur la confiance des consommateurs et sur leurs décisions d’achat ? Une étude menée en 2024 s’est penchée sur ce phénomène en pleine expansion dans le marketing digital.
L’authenticité est aujourd’hui un facteur clé dans la relation entre les marques et les consommateurs. Selon une étude par Pozharliev, Rossi et De Angelis, publiée en 2022, 63 % des consommateurs font davantage confiance aux recommandations d’influenceurs qu’aux publicités traditionnelles. Or, si les influenceurs virtuels offrent un contrôle total du message par les marques, ils posent un dilemme : leur artificialité pourrait-elle nuire à la crédibilité des entreprises qui les utilisent ?
Les implications économiques sont considérables. Le marché du marketing d’influence est estimé à 15 milliards de dollars en 2023 (Statista), et les marques doivent trouver un équilibre entre innovation et authenticité pour maximiser l’engagement des consommateurs sans pour autant entraîner une crise de confiance.
Pour répondre à cette problématique, nous avons mené une étude préliminaire auprès d’un petit échantillon de consommateurs âgés de 21 à 45 ans, actifs sur les réseaux sociaux. Les résultats obtenus mettent en évidence un paradoxe intéressant. D’un côté, les influenceurs virtuels sont perçus comme un outil marketing innovant, offrant aux marques une image avant-gardiste et futuriste. Leur contrôle total par les entreprises garantit également une cohérence parfaite dans la communication et limite les risques liés aux polémiques ou aux comportements imprévisibles d’influenceurs humains.
De l’autre, l’un des principaux obstacles réside dans le manque d’authenticité perçue. Contrairement aux influenceurs humains qui partagent leur quotidien et interagissent de manière spontanée avec leur communauté, les influenceurs virtuels sont perçus comme des entités artificielles et fabriquées. Cette artificialité réduit la manière dont le public s’identifie à l’influenceur virtuel d’une marque, affaiblit les liens émotionnels avec celle-ci et, dans certains cas, diminue la crédibilité du message commercial.
L’étude révèle également que l’impact des influenceurs virtuels varie selon le type de produit promu. Pour les marques de produits/services technologiques ou dans le luxe, où l’innovation et l’avant-gardisme sont des valeurs clés, leur usage est perçu positivement. En revanche, dans des domaines où l’authenticité et l’expérience utilisateur sont fondamentales (cosmétiques, alimentation), leur efficacité est plus contestée.
Face à ces résultats, les entreprises doivent adopter une approche nuancée dans l’intégration des influenceurs virtuels à leur stratégie marketing.
D’abord, il est essentiel d’assurer une transparence totale. Les consommateurs doivent être informés de la nature virtuelle de l’influenceur afin d’éviter tout sentiment de tromperie. La crédibilité des campagnes repose en grande partie sur cette transparence.
Ensuite, les marques doivent privilégier une complémentarité entre influenceurs humains et virtuels. Une collaboration hybride, où un influenceur humain valide les recommandations d’un avatar numérique, pourrait renforcer la légitimité du message.
Par ailleurs, les marques doivent veiller à la cohérence entre l’identité de l’influenceur virtuel et les valeurs de l’entreprise. Un avatar trop générique ou détaché des attentes des consommateurs peut générer du scepticisme et limiter l’impact des campagnes.
Enfin, nos résultats suggèrent que les influenceurs virtuels sont particulièrement pertinents pour le storytelling de marque. Plutôt que d’être de simples ambassadeurs de produits, ils doivent être intégrés dans une narration immersive où leur personnalité fictive crée un univers engageant pour les consommateurs.
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