Photos Arnaud Cachin, directeur régional du BNI – Suisse romande et Tessin © BNI
Jamais les entrepreneurs n’ont été aussi connectés… et aussi seuls. Ce paradoxe moderne résume l’échec caché du réseautage digital : des milliers de contacts LinkedIn, mais peu de véritables alliés ; des échanges virtuels à profusion, mais peu de collaborations concrètes. Dans ce paysage relationnel apparemment riche mais souvent stérile, certains clubs de réseautage tirent leur épingle du jeu. Alors que 83% des professionnels déclarent se sentir seuls dans leur parcours entrepreneurial (étude Salesforce 2023), le succès croissant de ces clubs d’affaires démontre que le besoin de relations authentiques n’a jamais été aussi fort. Rencontre avec Arnaud Cachin, directeur régional du BNI (Suisse romande et Tessin)
Monde Économique: Dans un monde où les connexions humaines sont plus que jamais essentielles, quelle est, selon vous, la place du networking dans la réussite des entrepreneurs aujourd’hui et comment cette dynamique a-t-elle évolué ces dernières années ?
Arnaud Cachin: Aujourd’hui, la réussite ne se mesure pas seulement à la qualité d’un produit ou d’un service, mais à la capacité de s’insérer dans des écosystèmes de confiance. Les entrepreneurs l’ont compris : isolé, même le meilleur expert échoue ; connecté, un projet moyen peut se transformer en succès grâce aux bonnes recommandations. La dynamique a radicalement changé ces dernières années. Hier, le networking se limitait à des échanges de cartes lors de salons professionnels. Aujourd’hui, il s’agit d’une stratégie presque structurée car les entrepreneurs cherchent désormais des réseaux résilients, capables de transformer des contacts en opportunités concrètes.
Monde Économique: Le réseautage professionnel est encore perçu par certains comme une simple chasse aux cartes de visite. Pourtant, le BNI affiche des résultats tangibles : 324 millions de francs générés pour ses membres cette année en Suisse. Comment expliquez-vous ce paradoxe entre la superficialité attribuée aux réseaux et l’impact concret du vôtre ?
Arnaud Cachin: C’est tout l’enjeu ! La plupart des réseaux échouent parce qu’ils confondent quantité et qualité. Au BNI, nous avons remplacé la logique du ‘qui connaît qui’ par celle du ‘qui fait confiance à qui’. Un exemple : lors d’une recommandation, nos membres ne se contentent pas d’un email en copie, ils téléphonent personnellement à leur contact pour présenter leur pair et garantir la pertinence de la mise en relation. Cette rigueur transforme des échanges a priori transactionnels en véritables leviers de croissance. Le réseautage, tel que nous le pratiquons, n’est pas un art de la façade, c’est une ingénierie de la confiance.
Monde Économique: Le BNI Suisse fête ses 20 ans cette année. Quel bilan tirez-vous de cette trajectoire, notamment face aux crises récentes ?
Arnaud Cachin: Le BNI a connu une croissance exponentielle. Les premières années ont été laborieuses pour atteindre les 1 000 membres, mais aujourd’hui, l’accélération est frappante. En six ans seulement, j’ai observé une évolution significative : les entrepreneurs se tournent vers nous en période de turbulence. Durant le Covid, puis avec la guerre en Ukraine, nous avons enregistré des pics d’adhésions. Ces crises ont révélé un besoin criant : celui de s’appuyer sur un réseau solide pour naviguer dans l’incertitude. Les membres cherchent un espace où partager des solutions, mutualiser des contacts et renforcer leur résilience.
Monde Économique: Quelle est la recette du succès du BNI face à cette demande croissante ?
Arnaud Cachin: Notre force réside dans le réseautage structuré. Contrairement à d’autres modèles, nous mixons les secteurs d’activité au sein de groupes de 30 à 50 membres. Pas de silos : un architecte côtoie un expert digital, un consultant RH ou un artisan. Cette diversité enrichit les carnets d’adresses et crée des synergies inattendues.
La clé ? La confiance. Nos membres se voient chaque semaine, apprennent à se connaître, et c’est cette relation approfondie qui permet des recommandations qualifiées. Nous ne sommes pas une plateforme de vente entre membres, mais un écosystème où l’on s’entraide pour accéder à de nouveaux marchés.
Enfin, notre structure rigoureuse, parfois perçue comme contraignante, est un atout. Les obligations de participation et de suivi garantissent un engagement réel. Le BNI est une machine marketing : nous fournissons les outils (formations, digital, etc.), mais c’est aux membres d’y investir leur énergie.
Monde Économique: Justement, comment quantifiez-vous l’impact économique de ce modèle ?
Arnaud Cachin: Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 324 millions de francs de chiffre d’affaires générés cette année pour nos membres en Suisse, grâce à 70 000 recommandations. La différence avec un réseau classique ? La qualité de la mise en relation. Au BNI, une recommandation ne se limite pas à un numéro de téléphone. Par exemple, si un membre cherche un contact chez une entreprise partenaire, je l’appelle personnellement pour présenter son projet et m’assurer de son accueil. Ce système de garantie humaine multiplie les opportunités business.
Le Monde Économique: Le profil type du membre a-t-il évolué depuis 20 ans ?
Arnaud Cachin: Notre cœur cible reste les TPE et PME, actrices du tissu économique local. Mais une tendance émerge : les solopreneurs (indépendants, freelances) nous rejoignent massivement. Le BNI comble leur isolement et leur offre une légitimité collective. Je travaille aussi à attirer des grands groupes. Car notre réseau est local… mais mondial. Un membre suisse peut s’appuyer sur 340 000 contacts à l’étranger. C’est un levier méconnu pour l’export.
Monde Économique: Quelles sont vos ambitions pour les 5 prochaines années ?
Arnaud Cachin: Nous visons à doubler nos effectifs en Suisse romande d’ici 2027, avec un focus particulier sur Genève où nous observons déjà une dynamique exceptionnelle. Cette expansion n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’amplifier la valeur apportée à chaque membre : plus le réseau s’étend, plus les opportunités de collaborations transversales et les passerelles vers de nouveaux marchés se multiplient. Notre objectif va au-delà des chiffres, il s’agit de créer un écosystème où chaque entrepreneur, qu’il soit artisan, consultant ou dirigeant de PME, puisse trouver les connexions stratégiques pour transformer ses ambitions en réalisations concrètes. Cette croissance s’accompagne également d’une volonté d’ouverture à l’international. Avec 340 000 membres dans le monde, le BNI offre déjà une plateforme unique pour l’export, mais nous voulons renforcer cette dimension en facilitant les échanges transfrontaliers entre nos membres suisses et leurs homologues étrangers.
Parallèlement, nous travaillons à densifier notre maillage local, notamment dans les villes secondaires et les zones rurales, pour offrir à tous les entrepreneurs romands un accès égal à ce réseau de confiance. La force du BNI réside dans cette double échelle : à la fois proche du terrain et ouverte sur le monde. Ce qui permet à nos membres de penser global tout en agissant local.
Pour plus d’informations : https://bni.swiss/de-CH/index
Retrouvez l’ensemble de nos Interviews