Interview avec Le Chef Gabriel Serero: « Je définis ma cuisine comme une recherche d’émotions, de plaisir et de convivialité »

4 novembre 2021

Interview avec Le Chef Gabriel Serero: « Je définis ma cuisine comme une recherche d’émotions, de plaisir et de convivialité »

Photos © Le Chef Gabriel Serero

Rencontre Avec… Le Chef Gabriel Serero – Associé Fondateur Emotion Food Company SA

Monde Economique : « Un délicieux repas, servi chaud, cuisiné avec des produits de saison et partagé avec d’autres », voilà votre credo. Pourtant, dans la réalité, le monde est tout autre, y compris en Suisse où de plus en plus de familles sont dans le besoin. Utopiste ou philanthrope, où vous situez-vous ?

Gabriel Serero : Un peu entre les deux, mais avec un léger penchant vers l’utopie. Je pense qu’il faut de l’utopie pour tendre vers un idéal. L’utopie permet de se rapprocher d’un idéal. Il n’y a pas besoin de l’atteindre pour faire évoluer les choses. Je reste convaincu que le changement commence par des intentions et des actes.

Monde Economique : Votre désir d’une cuisine de qualité et plus en lien avec le social n’est-elle pas dans la lignée du mouvement lancé par le Chef Italien Massimo Bottura avec sa fondation Food for Soul et dont la devise est « Un repas est un geste d’inclusion » ?

Gabriel Serero : Je partage entièrement la démarche de Bottura. C’est non seulement un geste d’inclusion, tout en étant l’une des meilleures manières de considérer l’autre et de lui donner sa place dans la société. N’oublions pas que le co-pain était celui avec qui nous partagions le pain. L’alimentation va bien au-delà de la simple sustentation. Le repas est un ciment social. Toutes ces démarches doivent être soutenues et nous ramener vers un peu de dignité et d’humanisme.

Monde Economique : Bien que diplômé de la très prestigieuse École Hôtelière de Lausanne, pourquoi vous qualifiez-vous d’autodidacte en cuisine ?

Gabriel Serero : À l’Ecole Hôtelière de Lausanne, vous n’apprenez pas la cuisine. Vous apprenez la notion de service, la gestion, le marketing ou la finance. Cette école vous donne une vision globale de la gestion d’entreprise. La cuisine, je l’ai apprise seul, en faisant, en goutant, en effectuant des stages, des expérimentations et en cultivant le goût pour le bon. Apprendre par soi-même vous offre une certaine liberté et une naïveté qu’il est plus difficile d’acquérir lorsque vous êtes formaté. Même lorsque l’on est autodidacte, les bases sont importantes. De ce fait, il faut aussi apprendre à bien maîtriser les bases.

Monde Economique : Les notions d’émotions et de plaisir sont souvent évoquées comme étant l’âme de votre travail. Comment définissez-vous votre cuisine ?

Manger, faire à manger et donner à manger sont avant tout du partage

Gabriel Serero : Je définis ma cuisine comme une recherche d’émotions, de plaisir et de convivialité. Pendant longtemps, on a mis à l’écart ces aspects qui sont finalement l’essence même de la cuisine. On observe d’ailleurs, depuis quelques années, ce même retour dans le secteur de la décoration ou la cuisine n’est plus uniquement l’espace dans lequel on prépare les repas. Elle est désormais une pièce de vie à part entière, agréable, fonctionnelle et conviviale !

Ainsi, quand je suis en cuisine, je veux que mes plats portent en eux une intention de faire plaisir. Et pour moi, avoir un impact sur l’autre avec ma cuisine, permettre de changer la vie des gens l’espace d’un instant, c’est une des raisons pour laquelle j’aime exercer ce métier.

Monde Economique : Vous êtes à la tête de 3 entreprises et vous fourmillez de projets qui ont tous un lien avec la gastronomie. Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?

Gabriel Serero : Je me caractérise avant tout comme un passionné de l’acte de manger. Toutes mes entreprises tournent autour de la gastronomie, car la cuisine est l’un des vecteurs permettant de toucher le cœur des Hommes. Emotion Food Company m’a permis de donner du sens et le sentiment d’avoir un impact social fort sur la qualité de vie de mes clients. Les repas à domicile pour les personnes âgées ou la recherche de nouvelles solutions nutritionnelles me motivent, car ce sont nos problèmes d’aujourd’hui ainsi que ceux de demain. Nous sommes dans un monde impitoyable cerné d’inégalités et d’injustices. J’ai fait le choix de mettre mes compétences au service des personnes fragiles. Ça me nourrit, ça donne du sens à mes actions et j’ai le sentiment d’être utile sur le terrain tout en participant au changement. Ce sentiment-là me fait vibrer.

Je peux développer, inventer, tester, produire, industrialiser, mais tout cela a besoin de ressources pour exister, pour se développer et se déployer là où il y en a besoin. Le financement reste l’élément le plus compliqué dans ce type de projet. Nous recherchons du financement pour donner accès à des solutions concrètes, existantes et qui font leurs preuves à chaque repas. Il y encore tellement de solutions à développer, mais les projets restent en boîte faute de financements. Investir sur des solutions de terrain à fort impact social avec des effets immédiats sur le consommateur, je pense que c’est un investissement qui a du sens et qui permet d’être acteur du changement hic et nunc ! Nous sommes actuellement en recherche de partenaires.

Monde Economique : Quelle est la place de l’humain dans le métier que vous faites ?

Gabriel Serero : L’humain est au centre de ce métier. Non seulement il est une chaîne de valeur vertueuse qui commence par la culture des terres ou l’élevage, mais également par la transformation de la matière brute. Comment devrions-nous faire de l’élevage ? Comment le lait devient-il fromage ? Comment l’affineur sublime-t-il le fromage et comment le cuisinier va-t-il travailler le produit pour l’exhausser vers le plaisir ultime de la dégustation ? Cette succession de passionnés, d’amoureux de leur métier où l’on recherche à donner le meilleur de soi-même sont des caractéristiques profondément humaines. Manger, faire à manger et donner à manger sont avant tout du partage, une dynamique sociale, un acte d’amour. Ce sont des actes pluriels qui demandent à être goutés et à vivre chaque jour.

En savoir plus : www.cutpizza.ch

www.emotionfood.ch

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