Interview Christian Buschbeck, Fondateur d’IKAARA

3 juillet 2023

Interview Christian Buschbeck, Fondateur d’IKAARA

Photo © IKAARA

Notre stratégie est d’investir les organisations de manière massive pour créer un impact suffisamment durable

Alors que les codes sociétaux et business sont en profonde transformation, les entreprises doivent faire preuve de résilience et se réinventer pour leur permettre de continuer à exister dans les 10 prochaines années. Consciente des difficultés à mobiliser les acteurs clés autour de ces changements en cours, IKAARA propose une approche innovante qui permet de mettre en place de nouvelles conditions cadres pour une transformation intérieure propulsée par les managers et collaborateurs eux-mêmes. Ceci afin d’atteindre les objectifs stratégiques avec davantage d’efficience et de cocréation qui renforce l’engagement. Échange avec Christian Buschbeck, fondateur d’IKAARA.

Monde Économique: Il est régulièrement question de l’évolution des sociétés, à quelles mutations dans leurs pratiques les entreprises doivent-elles faire face aujourd’hui ?

Christian Buschbeck:  L’évolution des codes sociaux et environnementaux a été grandement accélérée par la crise sanitaire des dernières années. Cette période a été un véritable vecteur de prise de conscience des nouvelles habitudes professionnelles et des nouveaux modes collaboratifs. Malheureusement, peu d’entreprises ont su utiliser cette fenêtre d’accélération et d’innovation pour remettre en question leurs pratiques et se poser des questions très fondamentales sur le télétravail, l’organisation interne, la culture, etc. Ainsi, il y a aujourd’hui un décalage entre un mouvement de fond de l’humanité, ou la façon d’approcher le monde, et la manière dont les organisations y répondent. C’est cet écart qui entraine les tensions et crée des frustrations aujourd’hui et le désengagement dans toutes les organisations sous toutes les formes possibles.

Monde Économique:  Quels changements les entreprises doivent-elles implémenter aujourd’hui pour rester compétitives demain ?

Christian Buschbeck:  Une prise de recul en profondeur, en lien avec la théorie U d’Otto Scharmer, est vitale pour prototyper des nouveaux modes collaboratifs et ainsi créer un nouveau modèle d’affaires. Pour Otto Scharmer, il s’agit de mettre en œuvre des innovations de rupture en adéquation avec le besoin d’un futur radicalement différent du passé, qui a engendré les crises sociales et environnementales, sur la base d’un travail intégrant l’introspection individuelle et collective.

Il faut trouver les façons de se réinventer à tous les niveaux, que cela soit la manière de collaborer, de créer les relations de partenariat, d’engager les nouveaux collaborateurs ou de construire le business. L’émergence de moment de déconnection de plus en plus important, sous la forme de retraites par exemple, permet de créer un silence intérieur favorable à la cocréation et ainsi poser un regard nouveau sur l’organisation. Le drame des organisations actuelles est d’essayer de régler un problème de fond avec des aménagements de forme ! En saupoudrant le problème, nous ne l’adressons pas d’une manière suffisamment puissante et impactante pour créer une réaction en chaîne vertueuse et bouleverser la structure dans sa globalité. Le point fondamental dans ce processus est le courage, le courage d’accepter qu’il y ait un disfonctionnement et le courage de créer des vagues organisationnelles, voire des moments de flottement.

Autrement dit, les entreprises d’aujourd’hui doivent montrer du courage pour adresser les changements avec suffisamment d’énergie, d’élan et de détermination. Comme le stipule la théorie du chaos, il faut accepter de perdre le contrôle sur des codes existants pour permettre d’invention des nouveaux codes. Dans une optique de résilience dictée par Boris Cyrulnik, la capacité d’oublier tout l’écho du passé permet de mieux évoluer dans la période VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté).

Monde Économique.: Quelles sont les étapes concrètes de l’intervention IKAARA ?

Christian Buschbeck:  La première phase de la courbe de deuil de Kübler-Ross est le déni, donc en amont de toute intervention, l’entreprise doit prendre conscience des mutations profondes dans le secteur et des changements sociétaux actuels. Comme 50% de la solution vient du problème bien identifié, notre travail débute par une analyse des enjeux et des leviers et un mapping émotionnel. Concrètement, nous avons développé le Transformation check, un outil qui permet de comprendre de manière très rationnelle les freins culturels, organisationnels et de la culture leadership au niveau des employés pour ensuite pouvoir identifier les leviers stratégiques à adresser de manière prioritaire. Ensuite, l’objectif est de travailler avec les équipes de direction, les cadres dirigeants et les managers pour fédérer les éléments moteurs d’une organisation autour d’une vision partagée, tout en développant de nouvelles formes d’intelligence.

Monde Économique:  Vos interventions se déroulent sur 9-10 mois, pourquoi ce choix de durée assez longue ?

Christian Buschbeck:  Un workshop de deux heures pour survoler le sujet de l’intelligence émotionnelle a finalement très peu d’impact, voire saupoudre uniquement le problème. Pour véritablement intégrer les mécanismes d’intelligence émotionnelle ou relationnelle dans une gouvernance d’entreprise et en faire le nouveau point de référence, il faut du temps. Notre stratégie est donc d’investir les organisations de manière suffisamment massive pour créer un impact suffisamment durable. L’autre point important est de s’adapter à l’esprit de l’organisation dans laquelle nous intervenons, tout en installant des modes de collaboration nouveaux et en intégrant une culture qui va finalement devenir leur seconde nature avec le temps.

En travaillant en profondeur sur l’état d’esprit d’une équipe ou d’une entreprise, il devient finalement leur nouvel état d’esprit, donc le besoin d’accompagnement ou de suivi régulier s’arrête tout naturellement. C’est vraiment un changement global, contrairement aux différentes certifications, qui adressent les problématiques d’une façon plutôt technique ou juridique ! La transformation d’une organisation passe toujours par un processus transformateur de l’ensemble des acteurs clés qui la composent.

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