Interview de Fabrice Ferrer et Adrian Rentsch: « Nous avons tout de suite été séduits par l’idée de soutenir les producteurs de la région »

3 juin 2021

Interview de Fabrice Ferrer et Adrian Rentsch: « Nous avons tout de suite été séduits par l’idée de soutenir les producteurs de la région »

Photo: Adrian Rentsch, CEO Dallmayr Switzerland © Dallmayr Suisse

Dans cet entretien, Fabrice Ferrer, directeur de filiale et responsable de développement de Dallmayr en Suisse Romande et Adrian Rentsch, directeur de Dallmayr Suisse, nous expliquent pourquoi les distributeurs VAUD+ ne sont pas du greenwashing pour les entreprises mais représentent un pas déterminant pour prendre position, et pourquoi le concept a de l’avenir.

D’où vient l’idée des distributeurs régionaux ?

L’idée vient d’une demande de l’EPFL, qui souhaitait créer pour les étudiants un projet alimentaire comprenant un maximum de produits locaux tout en minimisant son impact environnemental. Ils ont présenté ce projet au canton de Vaud qui, avec la label VAUD+, a défini des aliments provenant au moins à 80% de la région vaudoise.

Comment Dallmayr est-il entré en jeu ?

Le concept nécessitait un partenaire expérimenté dans les besoins des consommateurs et pouvant prendre en charge les distributeurs. Nous avons tout de suite été séduits par l’idée de soutenir les producteurs de la région grâce à notre expertise et éventuellement de leur offrir une chance de s’essayer sur un tout nouveau canal de distribution. Nous avons d’abord recherché des producteurs intéressants au sein du réseau de VAUD+, puis nous avons ouvert le champ à d’autres producteurs locaux.

Vous avez un siège d’entreprise à Gland, c’est pour cela que la coopération semblait évidente ?

C’est un engagement qui nous tient à cœur, que de soutenir les gens autour de nous et de raconter leurs histoires. En ces temps de mondialisation, nous considérons qu’il est de notre responsabilité de ne pas oublier les saveurs locales et d’assurer la survie des producteurs de nos régions.

Les produits étaient-ils déjà vendus avant les distributeurs, ou ont-ils été conçus spécialement pour eux ?

Nous avons principalement pioché dans des gammes existantes, seuls certains des fournisseurs les plus importants nous ont proposé des fabrications à façon.

Il est très important pour nous de ne pas avoir trop d’impact sur le cycle de production des producteurs locaux en ayant une influence excessive sur leur chiffre d’affaires. Au final, il nous faut pouvoir adapter notre gamme aux besoins des clients. Nous avons un outil de mesure qui nous permet de voir au quotidien ce qui est vendu dans les distributeurs. Si du jour au lendemain nous étions amenés à ne plus travailler avec un fournisseur, nous serions à même d’arrêter progressivement la collaboration sans impacter la production ni mettre en danger l’entreprise du producteur. Pour nous, cela relève d’une responsabilité sociétale.

Les produits ont-ils un emballage conçu pour les distributeurs automatiques ?

Oui. Pour les automates, nous avons étudié les impacts écologiques des emballages courants en verre, aluminium, PET, airPET et Tetra Pak. Dans le cas d’un emballage de boisson, nous savons qu’un emballage Tetra Pak représente environ 130 ou 140 grammes de CO₂ par litre et serait donc le plus approprié, mais le Tetra Pak n’est pas encore recyclé en Suisse. Nous avons donc choisi de prendre le problème à l’envers : aujourd’hui, tout le monde propose des emballages recyclables, mais l’emballage n’est pas recyclé partout. Nous travaillons non pas avec des professionnels de l’emballage, mais avec des professionnels de la gestion des déchets, notamment Swiss Recycling. Ainsi, nous avons choisi d’utiliser le PET et l’airPET, qui sont très bien traités en Suisse. Les fournisseurs y collent leur étiquette obligatoire avec les ingrédients, et nous apposons le label VAUD+.

Le concept ne repose pas seulement sur les produits régionaux, mais aussi sur une gestion la plus écologique possible. À quoi ressemble la chaîne logistique en arrière-plan ?

La chaîne de livraison a été notre plus grand défi, car les spécificités pour un distributeur automatique local représentent vite une grande charge en CO₂. Dans le domaine de la distribution automatique, la gestion du réapprovisionnement est traditionnellement faite par les fournisseurs. Pour ces distributeurs, nous initions nous-même l’approvisionnement. Au lieu d’y aller tous les jours, nous nous déplaçons une fois par semaine en faisant une tournée générale pour récupérer chez chacun des fabricants les produits commandés. Les distributeurs sont ensuite approvisionnés directement depuis notre dépôt central à Gland. Nous collaborons avec une entreprise qui s’appelle Green Transport pour mettre en place le circuit d’approvisionnement. Pour les commandes, nous faisons des prévisions hebdomadaires, basées sur nos mesures quotidiennes sur les distributeurs. Cela réduit significativement les coûts, l’effort logistique et l’impact environnemental.

Les premiers distributeurs automatiques ont déjà été installés dans divers endroits en Suisse romande. Quels en sont les échos jusqu’à présent ?

Nous avons actuellement 33 distributeurs pilotes, situés à l’EPFL de Lausanne ainsi qu’à divers endroits dans les cantons de Neuchâtel et du Valais. Le concept est clivant : une majorité de personnes comprend l’intérêt de l’économie circulaire et des initiatives pour soutenir une production locale et une alimentation saine. De l’autre côté, il y a des gens qui refusent et qui se disent : « je veux mon coca, je veux mon Kinder Bueno », car ils veulent leurs produits habituels. Le prix aussi, divise : nous avons veillé à ce que les prix ne dépassent pas les trois francs suisses et avons convenu d’appliquer la même marge que les fournisseurs sur chaque produit. Nous sommes ainsi parvenus à obtenir des produits régionaux à des prix très attractifs. Ils restent cependant plus chers que les  produits commercialisés mondialement.

Pensez-vous que ce concept peut s’imposer sur le marché ?

Nous allons nous mettre en lien avec PRPG (Pays romand – Pays gourmand), qui gère tous les labels régionaux comme VAUD+. Notre souhait et notre objectif est de développer ensuite des distributeurs pour les entreprises des cantons de Genève et du Valais. Après cela, nous aimerions également créer en Suisse allemande une gamme intéressante pour les entreprises qui y sont basées. Au lieu de mettre des pommes vaudoises dans un appareil dans le Valais, misons plutôt sur des pommes valaisannes. À Zürich, nous pouvons travailler avec Vivi Kola et d’autres produits locaux. Il existe des producteurs de boissons, des chocolatiers, et des laitiers intéressants dans chaque canton. C’est comme cela que nous pourrons faire quelque chose de fantastique de cette idée, et nous sommes convaincus que celle-ci peut avoir une résonance nationale et internationale. Mais il sera nécessaire de prendre des décisions tranchées : il y a toujours des collaborateurs qui sont totalement pour, et d’autres qui sont totalement contre. Soit je prends la décision en tant qu’entreprise de placer uniquement des distributeurs régionaux chez moi, soit je ne mets pas d’automates régionaux du tout. Faire les deux, ça ne peut pas fonctionner. C’est la conviction personnelle qui est décisive.

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