Interview de Jean-François Berger: « Mon maître de peinture, Charles Vogt, prétend que certains de ses pinceaux sont devenus des amis »

13 octobre 2019

Interview de Jean-François Berger: « Mon maître de peinture, Charles Vogt, prétend que certains de ses pinceaux sont devenus des amis »

Interview de Jean-François Berger – Artiste & écrivain (En partenariat avec le site Artistes.ch)

Monde Economique : Jean-François Berger en quelques mots…

Jean-François Berger : Né à Genève en 1952. Marié, trois enfants. Commence à peindre à l’âge de huit ans aux Cours Martenot. Délégué du CICR pendant trente ans. Retour tardif à la peinture à l’aube de la quarantaine.  Une vingtaine d’expositions depuis. Scénariste de films à ses heures.

Monde Economique : C’est en Inde que le déclic de reprendre la peinture s’est fait sentir et vous a ramené à cet amour d’enfance. Après une longue et riche carrière au CICR, peut-on dire que votre âme d’artiste ne vous a jamais quitté ?

Jean-François Berger : Le choc de l’Inde est une expérience unique. J’y ai travaillé deux ans pour le CICR. Ce pays dégage quelque chose qui chamboule nos repères et peut nous faire vaciller. La fragilité de l’existence de tant de gens, le mélange des temps, des bruits, des odeurs et des couleurs se conjuguent en une sorte d’opéra à ciel ouvert où l’explosion de la vie et de la mort est permanente. Je ne sais pas pourquoi je me suis remis à la peinture après une longue éclipse, tout ce que je sais c’est que c’est la peinture qui m’a repris au moment où je découvrais la réalité vertigineuse de l’Inde et de ses mystères. Cette passion n’a pas cessé depuis.  Monde Economique : L’inspiration vient d’un sentiment issu d’une expérience ou d’un souvenir. Comment procédez-vous pour la création d’une toile ?

Jean-François Berger : Cela dépend de l’humeur. L’humeur, c’est quelque chose de très volatile. Mon envie de peindre n’est pas automatique. La sensualité est indissociable de la peinture. Il faut parfois laisser infuser un sujet. Quitte à le perdre de vue, sachant qu’il peut revenir à tout moment…ou jamais !

Lorsque je me lance dans une toile, il m’arrive de la visualiser avant. D’où vient le sujet ? Il peut provenir d’un paysage intérieur, qui émane d’un souvenir, d’un rêve ou de l’imagination. Il peut aussi provenir d’un paysage extérieur -un croquis ou une photo d’où j’extrais un détail, par exemple une silhouette absorbée dans la contemplation d’un livre en vitrine ou un bout de façade avec trois fenêtres à peine éclairées.

Dans certaines de mes toiles, il y a des matrices : une rue de nuit, un café, une salle de spectacle, comme le Victoria-Hall qui m’habite à tel point que c’est une série en cours.  

Se préparer à peindre est une chose. Mais en dépit des préparatifs, rien n’est joué à l’avance. Comme le joueur qui peut être richissime à minuit et avoir tout perdu dans l’heure suivante. Il faut accepter de perdre et de détruire certains trésors éphémères, de flinguer sans sommation ! Ces gestes sont au cœur même de la joie de peindre.

Et puis, il y a la magie de l’accident –l’accident fertile dit Bacon – où tout peut basculer sur un coup de poker et donner soudain à la toile sa propre musique. Ce petit rien qui entre en fraude sur la toile…et qui vous amène ailleurs. Il m’est arrivé de commencer par peindre un tram dans la nuit, lequel est devenu par la suite un foyer de théâtre.

Monde Economique : Une attirance vers le travail de la matière vous a orienté vers la peinture à l’huile et selon les tableaux, vers l’utilisation de matériaux afin de donner un relief, une dimension à vos créations. Quel est votre rapport aux matériaux ?

Jean-François Berger : La peinture à l’huile est d’une richesse somptueuse. Le mélange de ses pigments constitue une expérience visuelle et tactile extraordinaire. On peut triturer la pâte picturale à l’infini. Et explorer l’univers de la couleur, infini lui aussi. On apprend à connaître ses pinceaux. Mon maître de peinture, Charles Vogt, prétend que certains de ses pinceaux sont devenus des amis : c’est très juste, idem pour les spatules !  J’aime aussi peindre avec mes doigts.

Monde Economique : La peinture figurative est le fil rouge de votre génie créateur. Comment trouvez-vous l’équilibre entre réalisme et expressivité dans vos œuvres ?

Jean-François Berger : C’est un grand mystère. Plutôt que d’en dire trop, je tente de suggérer. Une toile peut être d’une grande vitalité sans traiter d’un sujet spectaculaire. Le choix de l’angle, d’une forme et de la couleur donnent à la scène d’une femme à la fenêtre son parfum particulier. Une touche expressionniste peut insuffler cette magie de l’instant non pétrifié. Et donner à voir ou à ressentir une part d’intimité. Une toile peut faire vibrer pour des raisons très différentes. Le défi, c’est d’exprimer quelque chose en laissant de la place au regard du spectateur.

Monde Economique : Depuis plus de 20 ans, vous peignez régulièrement tout en faisant beaucoup d’expositions. Quels sont les souvenirs liés aux expositions qui vous ont marqué ?

Jean-François Berger : Un vernissage est une expérience intense. L’heure qui précède l’ouverture est grisante de suspense.  Puis c’est la déferlante d’amis et d’inconnus, de compliments et de paroles aimables. Tu es là avec tes toiles au centre de l’attention…mais attention à la grosse tête ! Christiane Franquin, fondatrice de la galerie en ligne Artnet m’a bien stimulé afin d’exposer. En 2011, j’ai exposé à la Galerie Ferrero, dans la Vieille Ville, ce fut un gros succès. Et j’ai été très touché de la présence du peintre et ami Dominique Appia.

Interview réalisée par Thierry Dime

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