Interview de Patrick Chalançon: « Chaque perte devra être compensée par des nouvelles opportunités »

17 mai 2020

Interview de Patrick Chalançon: « Chaque perte devra être compensée par des nouvelles opportunités »

Interview de Patrick Chalançon – Directeur General de REMARQ

Le Monde Economique : Vous avez pris la direction de Remarq il y a quelques années. A votre arrivée, vous avez opéré des transformations en profondeur avec notamment un changement de stratégie et une réorganisation des équipes. Conséquence : une belle hausse des ventes. Aujourd’hui, la pandémie signe un coup d’arrêt à cette croissance. Frustré ?

Patrick Chalançon : Oui bien sûr, car nous avons beaucoup investi pour soutenir notre croissance. D’un autre côté, ces investissements sont derrière et cette pose forcée nous permet de consolider notre organisation et nos processus mais aussi d’avancer sur nos projets d’avenir.

Le Monde Economique : Remarq est directement touché par le COVID-19 car une partie de son chiffre d’affaire provient de la réalisation des displays. Avec l’annulation des grands évènements tels que le salon de l’horlogerie ou même le salon de l’auto, comment se présente pour vous la situation actuelle ?

Patrick Chalançon : En avril, notre pire semaine a été de 10% d’entrées de commandes par rapport à l’an passé avec un recours massif aux RHT. Depuis, ce seuil augmente constamment. Nous sommes aidés par la stratégie de diversification mise en place ces dernières années et qui représente presque la moitié de nos ventes aujourd’hui. Ce sont ces segments, dont la signalétique ou la décoration d’intérieur qui redémarrent les plus vite. Nous avons aussi développé en un temps record des solutions pour soutenir la reprise de nos clients. Nous construisons dans nos ateliers des dispensaires à gel désinfectant, des systèmes d’isolement hygiénique pour les comptoirs et les bureaux mais aussi les taxis. Nous utilisons entre autre l’impression 3D.

Le Monde Economique Parallèlement à votre casquette de chef d’entreprise, vous êtes très connu pour votre expertise autour du management agile. Le COVID-19 n’est-il pas un bon cas d’école pour vous ?

Patrick Chalançon : Cela fait plus de dix ans que je prêche et pousse les entreprises à transformer leur organisation pour être plus agile. Aujourd’hui, la messe est dite ! Le COVID-19, ou plutôt la réaction du monde face ce virus, a simplement accéléré des phonèmes de mutation déjà en place. Celles qui ont fait ces changements disposent d’un avantage et vont mieux tirer leur épingle du jeu. Les autres vont effectivement plus souffrir et vont apprendre sur le tas.

Le Monde Economique Qu’est-ce que les méthodes agiles peuvent-elles nous apporter dans cette période de grande incertitude ?

Patrick Chalançon : D’abord de la sérénité ! Lorsqu’une équipe de voile est bien exercée et qu’une tempête arrive, le capitaine est serein. Il sait que son équipe va réagir et s’adapter automatiquement aux éléments, car ils sont entrainés à le faire. Je prends le cas de Remarq, la moitié du chiffre d’affaires de ces dernières semaines est issu de produits et services que nous avons récemment créés! C’est l’art de pivoter face à une nouvelle donne.

Le Monde Economique Face au COVID-19, toutes les entreprises sont confrontées à cette situation particulière et voient leur fonctionnement totalement bouleversé. Comment les chefs d’entreprises peuvent-ils s’y prendre ?

Patrick Chalançon : Il y a pléthore de discussions sur les aspects humains. Ce sont les plus importants, point barre ! Je n’y reviens pas. Je citerais deux aspects parmi la foultitude de paramètres à gérer. Prenons le télétravail. Les multinationales travaillent dans ce mode depuis de nombreuses années. Elles savent monitorer de manière systémique la performance des collaborateurs en télétravail. C’est sur cet aspect précis que les patrons des PME doivent se concentrer. Car cette tendance est lourde et va devenir une normalité pour les PME. Un autre, très délicat, c’est comment gérer l’efficience en sous-charge fluctuante. En clair, comment faire en sorte que l’utilisation des RHT soit en stricte proportion de la perte de charge. Là, c’est toute la panoplie du manager qui doit être déployée. Un suivi personnel, des plannings collaboratifs mis à jour en temps réel, du management visuel digital, des rituels journaliers pour pousser la communication et garantir des prises de décisions courtes et consensuelles.

Le Monde Economique Quelles perspectives pour Remarq après le COVID-19 ?

Patrick Chalançon : Nous avons étudié notre écosystème marché et évalué la situation segment par segment en se focalisant sur les clients finaux, car de leur santé dépend toute la chaine B2B. Nous avons fait des exercices de visualisation en recoupant les analyses d’évolution des métiers secteur par secteur. Cette simulation nous donne un modèle de reprise pour notre budget glissant jalonné. Mais elle liste aussi toutes les nouvelles opportunités marché liées à l’accélération des mutations de nos clients. En résumé, sans doute une perte de CA sur 12 mois, mais chaque perte devra être compensée par des nouvelles opportunités. J’ai entrainé l’organisation dans cet état d’esprit. Une croissance externe durant cette période n’est pas exclue car elle fait naturellement partie des opportunités lorsque l’on est solide.

Interview réalisée par Thierry Dime

 

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