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Thierry BOLLE – Directeur General Automobiles Caveng
Monde Économique: Dans un contexte où l’industrie automobile est confrontée à une triple pression – réglementaire, technologique et sociétale – quelles sont selon vous les principales tendances qui vont dicter l’évolution du marché dans les prochaines années ?
Thierry Bolle : La question centrale qui va dicter l’évolution du marché automobile dans les prochaines années est : quelle motorisation va propulser nos véhicules ? Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de transition et d’interrogation. Les clients sont tiraillés entre plusieurs options : véhicules électriques, hybrides rechargeables, hybrides thermiques à faible consommation, etc. Toutes les portes sont ouvertes, mais les choix sont complexes. Cette incertitude est amplifiée par les pressions politiques, notamment la volonté d’atteindre le zéro émission de CO2 d’ici 2035. Des villes comme Genève, mais aussi des institutions comme la Commission européenne, imposent des restrictions croissantes sur les motorisations thermiques. Les consommateurs veulent conserver leur liberté de mouvement, mais ils doivent composer avec ces nouvelles contraintes.
En tant que professionnels, notre rôle est crucial : nous devons accompagner nos clients dans cette transition, en les conseillant sur le choix du véhicule qui correspond le mieux à leurs besoins et aux exigences du marché.
Monde Économique: Face à la fragmentation des motorisations et aux pressions réglementaires, comment les acteurs traditionnels de l’automobile, comme Mercedes, peuvent-ils concilier innovation technologique, attentes des consommateurs et rentabilité, tout en anticipant les disruptions potentielles apportées par de nouveaux entrants tels que le chinois BYD ?
Thierry Bolle: C’est une question centrale et complexe. La fragmentation des motorisations reflète une période de transition sans précédent, où les constructeurs doivent jongler entre plusieurs réalités : répondre aux attentes des consommateurs, respecter les réglementations de plus en plus strictes, et rester compétitifs face à des nouveaux entrants agressifs.
Pour Mercedes, la réponse réside dans une stratégie multidimensionnelle. D’abord, il faut continuer à innover sur les motorisations électriques pour améliorer l’autonomie et la rapidité de recharge, deux critères essentiels pour convaincre les clients. En parallèle, nous devons maintenir notre expertise dans les motorisations hybrides et thermiques, car une partie de notre clientèle reste attachée à ces technologies, que ce soit pour des raisons pratiques ou émotionnelles. Ensuite, il est crucial de renforcer notre positionnement premium. Les nouveaux entrants, comme les constructeurs chinois, arrivent avec des prix attractifs, mais ils ne peuvent pas rivaliser avec l’héritage, la qualité de finition et le service que Mercedes propose. Nous devons donc continuer à offrir une expérience client exceptionnelle, en personnalisant nos produits et en garantissant un service après-vente irréprochable. Enfin, nous devons anticiper les disruptions liées à la mobilité partagée et aux véhicules autonomes. Cela passe par des partenariats stratégiques et une réflexion sur de nouveaux modèles économiques, comme la location longue durée ou les services de mobilité intégrés. L’objectif est de rester pertinent dans un marché où la propriété individuelle pourrait diminuer au profit de solutions de mobilité plus flexibles.
Monde Économique: Mercedes mise sur une stratégie de diversification avec des offres électriques, hybrides et thermiques. Cependant, face à l’accélération des réglementations environnementales et à la montée en puissance des constructeurs chinois spécialisés dans l’électrique, comment Mercedes, la marque que vous représentez, s’inscrit-elle dans cette transition énergétique ?
Thierry Bolle : Mercedes a adopté une stratégie diversifiée pour répondre à cette période de transition. Nous proposons aujourd’hui une gamme étendue, avec sept modèles 100 % électriques. Parallèlement, la plupart de nos véhicules traditionnels sont équipés de motorisations hybrides rechargeables. Enfin, nous continuons à développer des motorisations thermiques, car l’automobile reste un objet émotionnel pour de nombreux clients, attachés à la mécanique et à la performance. Le défi pour Mercedes, comme pour l’ensemble du secteur, réside dans l’autonomie et la rapidité de recharge des véhicules électriques. Ces deux critères seront déterminants pour convaincre les clients. Mercedes travaille donc à rendre sa gamme électrique plus efficiente, tout en restant à l’écoute des attentes du marché.
Monde Économique: Face à l’arrivée de nouveaux acteurs, comme les constructeurs chinois (BYD par exemple), comment Mercedes se positionne-t-elle pour maintenir sa compétitivité ?
Thierry Bolle: L’arrivée des constructeurs chinois, tels que BYD, sur le marché européen représente un tournant stratégique pour l’industrie automobile. Ces acteurs débarquent avec des avantages compétitifs significatifs, notamment des coûts de production inférieurs, une maîtrise avancée des technologies électriques et une capacité à proposer des véhicules à des prix très attractifs. Pour Mercedes, cela ne signifie pas une course aux prix, mais plutôt une réaffirmation de notre ADN premium et une consolidation de notre positionnement unique.
Notre réponse repose sur trois piliers stratégiques : l’excellence technologique, où Mercedes ne se contente pas de suivre les tendances mais les anticipe en investissant massivement dans la R&D pour proposer des véhicules électriques alliant performance, autonomie et rapidité de recharge, tout en maintenant des standards de qualité et de finition inégalés ; l’expérience client, qui va au-delà du produit. Chez Mercedes, nous misons sur un service personnalisé et un réseau de concessionnaires haut de gamme qui assurent un accompagnement sur mesure. Les constructeurs chinois, malgré leurs avancées technologiques, ne disposent pas encore de cette culture du service ni de cette proximité avec le client, qui sont des atouts différenciants majeurs ; et la durabilité, avec une stratégie visant à réduire l’empreinte carbone tout au long du cycle de vie des véhicules, répondant ainsi aux attentes croissantes des consommateurs pour des produits alignés sur leurs valeurs.
A travers ces 3 piliers, vous comprenez parfaitement que la clé de notre compétitivité réside dans notre capacité à offrir une valeur ajoutée globale, qui dépasse la simple transaction pour s’inscrire dans une relation de confiance et de fidélité avec nos clients.
Monde Économique: Dans un marché genevois en pleine mutation, marqué par une politique qui n’est pas favorable à la voiture, à l’émergence de nouveaux modèles de mobilité et la concurrence accrue des grands réseaux de distribution, comment Automobiles Caveng parvient-il à préserver sa différenciation ?
Thierry Bolle: La préservation de notre différenciation dans un environnement aussi complexe repose sur une stratégie multidimensionnelle, qui allie ancrage local, adaptation aux nouvelles réalités du marché et renforcement de notre positionnement premium.
Tout d’abord, nous capitalisons sur notre proximité avec la communauté genevoise. Être une PME familiale genevoise nous permet de comprendre les particularités du marché et d’anticiper les attentes de nos clients. Cette relation de confiance, renforcée par une réputation solide et un service personnalisé, est un atout majeur face à des acteurs plus grands mais moins ancrés dans le tissu local. Par ailleurs, nous avons intégré la digitalisation dans notre modèle pour améliorer l’expérience client tout en conservant notre touche humaine. Par exemple, nous utilisons des outils numériques pour simplifier la prise de rendez-vous ou le suivi des véhicules, mais chaque interaction reste personnalisée et chaleureuse. Cela nous permet de rivaliser avec les grands réseaux tout en préservant notre identité. Enfin, notre partenariat avec Mercedes nous offre un avantage concurrentiel significatif. En représentant une marque premium reconnue pour son innovation et sa qualité, nous attirons une clientèle exigeante, prête à investir dans des véhicules haut de gamme et des services premium. Cela nous distingue des nouveaux entrants qui misent principalement sur des prix bas.
Monde Économique: Enfin, comment envisagez-vous l’avenir d’Automobiles Caveng dans les cinq à dix prochaines années ?
Thierry Bolle : Nous entrons dans une phase de consolidation. Notre emplacement géographique limite nos possibilités d’extension, mais nous préférons nous concentrer sur l’optimisation de notre activité actuelle. Notre objectif est de maintenir une entreprise saine et pérenne, capable de garantir les emplois de nos 35 collaborateurs. Le marché genevois évolue, avec une réduction du parc automobile due à l’essor des transports alternatifs (trottinettes, véhicules électriques, etc.). Notre défi est de répondre aux besoins de nos clients tout en restant compétitifs dans ce contexte changeant.
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