Interview du Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: « Il ne faut pas penser que l’emprise de la finance s’étiolera »

12 juillet 2020

Interview du  Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: « Il ne faut pas penser que l’emprise de la finance s’étiolera »

Interview du Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher, Directeur pédagogique de  l’IMSG

Le Monde Economique: Aussi bien sur le plan professionnel que personnel, comment avez-vous abordé cette période de crise ?

Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: Je ne vous cache pas que cela nous a demandé de relever un certain défi, celui de poursuivre une activité, qui, généralement, demande de la proximité, le tout à distance. Nous avons organisé, la première semaine, une « War Room » depuis laquelle nous avons continué à piloter l’activité tout en impulsant le changement nécessaire à la « survie » de notre Business Model (formation des professeurs à l’outil online, nouvelle offre de produit avec nos parcours augmentés, conférences sous format de regards croisés d’experts…). Sur le plan personnel, je dois avouer que cela a été épuisant. Aucun temps mort entre les différentes réunions, entretiens de recrutements, cours et une élasticité du temps qui s’installe. Il convient également de noter l’émergence d’une forme de culpabilité sous-jacente et inconciente due, sans doute, au fait de ne pas être « au bureau ». Nous payons un peu nos éducations judéo-chrétiennes où le plaisir d’être avec ses enfants et chez soi a encore beaucoup de difficulté à rimer avec activité professionnelle.

Le Monde Economique: Les « grandes transformations » ne sont plus désormais un secret pour personne, même si nous sommes un peu lents à les accepter. Et depuis le début de cette pandémie, on parle de plus en plus du « monde d’après COVID-19 ». Vous y croyez-vous ? Justifiez votre réponse.

Photo: Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher

Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: Le Monde de l’après COVID est sans doute un monde vers lequel nous nous serions dirigés, certes beaucoup moins rapidement. Je pense très sincèrement que cet épisode de pandémie aura été (et est encore) un catalyseur. Malheureusement, je crains que bon nombre d’entreprises qui n’avaient pas la trésorerie suffisante vont rencontrer de sérieuses difficultés pour rouvrir, que celles qui en disposaient vont être contraintes de revoir leurs stratégies. Une chose est sûre, les prochaines années vont être difficiles pour tout le monde. Comme le rappelait mon ami le Grand Rabbin Korsia, « nous allons rebondir, mais ailleurs », charge à nous de créer cet « ailleurs ».

Le Monde Economique: Le professeur Dani Rodrik de l’université d’Harvard affirme que cette crise, plutôt que « d’orienter le monde sur une trajectoire significativement nouvelle, intensifiera et consolidera en réalité les tendances existantes ». Partagez-vous ce point de vue.

Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher:Je demeure persuadé que certains réflexes persisteront. Il ne faut pas penser que l’emprise de la finance s’étiolera, preuve en est quand on constate que les cinq plus grandes fortunes mondiales ont vu leur fortune augmenter de 75 milliards de dollars durant ces dernières semaines. Une chose se profile, c’est le durcissement des relations internationales et des échanges tout comme la poursuite voire le renforcement des règles que nous dictent les chinois et que nous appliquons …cette crise en est une parfaite démonstration.

Le Monde Economique: N’avez-vous pas l’impression que l’illusion d’un « monde d’après », permet à chacun de placer ses propres modèles mentaux et de récupérer l’événement pour le mettre au service de sa propre cause ?

Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: Peut-être, après cela m’importe peu si cela fait également avancer le bien commun, ce qui a toujours et sera toujours pour moi un aspect crucial de mon engagement envers la cité. En cela, nous avons également profité de cette situation pour développer de nouveaux produits, de nouveaux modes de fonctionnement, n’oublions pas que crise et opportunité ont le même idéogramme chez les chinois, ce n’est pas le produit du hasard.

Le Monde Economique: Quelle peut être la contribution des milieux académiques ?

Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: Face à ces situations anxiogènes certains  peuvent vite être tentés d’adpoter des postures de repli. Le monde académique est le garant de l’ouverture, de la réflexion, de la continuité dans la création du savoir, ce que l’on pourrait nommer l’épistémologie. En cela, il doit nous permettre de prendre le recul nécessaire et à ne pas céder aux instincts hérités des reptiliens…

Le Monde Economique: Est-ce dans cette optique que l’IMSGeneva organise depuis quelques semaines des tables rondes digitales ?

Prof.Dr. Richard Delaye-Habermacher: Oui, tout à fait, nous avons eu l’idée de créer ces débats numériques afin de continuer à délivrer une information en lien avec l’IMSG et il nous a semblé pertinent d’y associer le Cercle des Dirigeants d’Entreprises qui cherchait un canal de communication original pour reprendre ses activités. C’est donc tout naturellement que ces Débats d’I-D, croisant les regards de trois experts (un politique, un scientifique et un acteur économique) ont pu être lancés avec une audience d’environ 140 participants pour chaque rencontre. Impacts durables sur le management, résilience, avenir de l’aviation, libertés, générations, cybercriminalité….des thèmes  abordées sous le prisme de la Covid-19.

Interview réalisée par Thierry Dime

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