« Je veux juste être moi » – Entretien avec Zhao Mengge

10 juillet 2025

« Je veux juste être moi » – Entretien avec Zhao Mengge

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Originaire d’un village rural de Chine, Zhao Mengge s’est imposée comme une voix singulière de la scène artistique contemporaine. À travers ses œuvres puissantes, elle exprime une vision intime du monde, nourrie de son vécu, de ses voyages et de sa sensibilité profonde. Rencontre avec une femme entière, passionnée, et libre. Zhao Mengge incarne cette génération d’artistes pour qui l’art n’est pas un simple métier, mais une vocation viscérale. Chez elle, chaque tableau est un dialogue entre l’âme et le monde, entre l’intuition et la technique. Aujourd’hui, ses œuvres s’exposent en Chine comme à l’étranger, notamment à Art Basel, où elle sera présente du 20 au 22 juin.

Zhao Mengge ne cherche ni à plaire ni à imiter. Elle avance avec patience, sincérité et exigence, construisant une œuvre cohérente et profonde. Un nom à suivre de près sur la scène internationale.

Le Monde Économique : Vous avez commencé à dessiner très jeune. Racontez-nous vos débuts ?

Zhao Mengge : Tout a commencé à l’école primaire. Je dessinais dans mes cahiers : mes professeurs, mes camarades… Je vivais à la campagne, alors je peignais aussi beaucoup de plantes, des cultures agricoles, des fleurs des champs. C’était instinctif, un besoin d’expression.

Le Monde Économique : Vous avez ensuite rejoint les bancs d’une école d’art prestigieuse ?

Zhao Mengge : Oui, j’ai eu la chance d’être acceptée à l’Académie centrale des Beaux-Arts de Pékin, la plus prestigieuse école d’art en Chine. C’est là que j’ai appris à affiner mon trait, à aiguiser mon regard, et à puiser dans des inspirations variées qui, peu à peu, m’ont guidée vers mon propre style. Une fois diplômée, j’ai fait le choix — exigeant mais essentiel — de devenir artiste indépendante. Un chemin difficile, certes, mais qui me permet de rester libre

Le Monde Économique : Avez-vous travaillé avec des modèles dans votre formation ? Est-ce encore le cas aujourd’hui ?

Zhao Mengge : Oui, à l’école, c’était une pratique courante. On dessinait souvent d’après modèle — c’était essentiel pour apprendre et structurer le regard. Mais aujourd’hui, je n’en ressens plus le besoin. Mon inspiration vient de l’intérieur, de la mémoire, des émotions. Je préfère peindre ce que je ressens plutôt que ce que je vois.

Le Monde Économique : Est-ce difficile d’être artiste indépendante en Chine ?

Zhao Mengge : Incarner sa vocation, en vivre, et rester fidèle à soi-même est un défi universel — mais en Chine, ce chemin est souvent plus escarpé encore. La reconnaissance ne se décrète pas. Vivre selon la vérité de son cœur exige une force intérieure, une forme d’endurance silencieuse. J’ai eu cette chance rare : celle de pouvoir consacrer ma vie à ce que j’aime. L’art, c’est ce qui me permet respirer. Ce qui me rend libre. C’est une nécessité, bien plus qu’un choix

Le Monde Économique : Votre œuvre est empreinte d’une grande sensibilité. Quelles sont les sources profondes de votre inspiration ?

Zhao Mengge : L’inspiration ne vient jamais d’une seule source. Elle naît d’un regard, d’un silence, d’un souvenir ou d’un paysage. Mes voyages, mes lectures, les films que je vois, la musique que j’écoute… tout entre en résonance avec mon monde intérieur. Parfois, un détail anodin déclenche une émotion, un écho, qui devient le point de départ d’une création. Ce que je vis, ressens et perçois devient une matière vivante que je transpose sur la toile.

Le Monde Économique : Votre style est très personnel. A-t-il mis du temps à émerger ?

Zhao Mengge : Oh oui. Trouver sa voie est un long voyage, souvent solitaire. Il faut se perdre pour se retrouver. J’ai tâtonné, douté, recommencé. Mon objectif a toujours été que l’on reconnaisse une de mes œuvres dès premier regard. Non par vanité, mais parce qu’elle porte en elle une empreinte singulière : la mienne

Le Monde Économique : Avez-vous été influencée par des artistes majeurs ?

Zhao Mengge : J’ai étudié l’histoire de l’art en profondeur, aussi bien chinoise qu’occidentale. J’ai absorbé ce qui pouvait nourrir mon regard, sans jamais chercher à copier. Je n’ai pas de modèle figé. Je ne veux pas être “la nouvelle Picasso” ou “la Matisse chinoise”. Je veux simplement être moi.

Le Monde Économique : Et demain ? Où vous voyez-vous dans quelques années ?

Zhao Mengge : Je continuerai à peindre, à explorer, à raconter le monde avec mes couleurs. Je ne poursuis pas la célébrité, mais la sincérité. Exposer à Art Basel est un rêve magnifique, bien sûr. Mais je préfère avancer à mon rythme, tisser des liens en Europe et laisser les choses se faire avec patience et sincérité.

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Le Monde Économique : Vous semblez entièrement dévouée à votre art. Diriez-vous que vous avez tout sacrifié pour cela ?

Zhao Mengge : L’art, c’est toute ma vie. Je lui ai tout donné, sans hésiter. Ce n’est pas un choix rationnel, c’est une évidence. Je ne sais pas vivre autrement. Créer, pour moi, c’est une nécessité — comme respirer.

Le Monde Économique : Que souhaitez-vous transmettre à celles et ceux qui découvrent vos œuvres à l’étranger ?

Zhao Mengge : J’aimerais que mes toiles parlent sans bruit, mais avec force. Qu’elles atteignent le cœur sans détour, sans artifice. Qu’on les regarde et qu’on ressente quelque chose de vrai, de profond. J’aimerais qu’on puisse dire simplement : « C’est elle. » Et que cela suffise..

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