La pénurie de talents : un symptôme d’un changement de paradigme

25 mai 2025

La pénurie de talents : un symptôme d’un changement de paradigme

Par *Ivan Reusse, Directeur Leadership Development chez Grant Alexander

Depuis une vingtaine d’années — et de manière plus récurrente depuis la pandémie de COVID-19 — la notion de « pénurie de talents » revient dans les débats économiques, RH et managériaux. Pourtant, cette pénurie ne résulte pas uniquement d’un manque de candidats qualifiés. Elle est le reflet d’une transformation profonde de notre rapport au travail, de nos attentes, et de la manière dont les entreprises fonctionnent.

Une évolution technologique rapide et des compétences en mutation

Le premier facteur, bien identifié, tient à l’émergence rapide des technologies numériques. En l’espace de quelques années, ces évolutions ont profondément modifié l’environnement professionnel, donnant naissance à de nouveaux métiers, souvent techniques, exigeants, et en constante évolution. Or, le système éducatif et les dispositifs de formation n’ont pas encore pleinement rattrapé cette course, créant un écart grandissant entre les compétences disponibles et celles attendues.

Un bouleversement des mentalités post-pandémie

Mais au-delà des compétences, c’est le rapport au travail qui a été bouleversé, notamment après la crise du COVID-19. La recherche de sens, de flexibilité et de bien-être a pris une place centrale dans les aspirations professionnelles. Le phénomène du quiet quitting ou le départ silencieux de millions d’Américains (près de 50 millions de démissions durant la pandémie) en est une illustration. Cette tendance, également observée en Europe, met en lumière un mal-être croissant face à des environnements de travail jugés trop rigides, peu épanouissants, voire toxiques. L’OMS elle-même tire la sonnette d’alarme face à la fréquence élevée des burn-out et à leurs conséquences.

Des promesses séduisantes, mais souvent déconnectées du réel

Pour attirer les profils rares, nombreuses sont les entreprises qui travaillent leur marque employeur, affichant des promesses de flexibilité, d’autonomie, d’innovation ou de reconnaissance. Mais dans les faits, ces promesses sont parfois en décalage avec la réalité opérationnelle. Les impératifs de production, les cultures hiérarchiques encore très verticales ou les modèles de leadership dépassés laissent peu de place à la créativité et à l’initiative. On attend alors des « talents » qu’ils s’adaptent à la vision de la direction, sans nécessairement pouvoir l’influencer. Résultat : la déception s’installe, et la fidélisation devient difficile.

Un changement de paradigme sociétal

Ce que l’on appelle aujourd’hui « pénurie » traduit en réalité une transformation sociétale majeure : celle d’une génération active qui souhaite redonner du sens à son activité professionnelle. Dans un monde où le travail occupe encore plus de 40 heures par semaine pour beaucoup, il devient essentiel qu’il s’inscrive dans une mission claire, porteuse et alignée avec ses valeurs personnelles.

Parallèlement, une autre tendance s’accentue : la croissance du nombre de travailleurs indépendants, accélérée par la pandémie. Reprendre le contrôle de son temps, de ses décisions, s’extraire d’une hiérarchie parfois pesante, choisir ses projets : autant de raisons qui poussent de plus en plus de professionnels à quitter le salariat.

Repenser le modèle d’entreprise pour répondre aux défis actuels

Face à cette révolution silencieuse, les entreprises doivent adapter leur modèle pour rester attractives et pertinentes. Cela suppose de porter un regard neuf sur plusieurs leviers fondamentaux :

  • Mesurer la satisfaction au travail et avoir le courage d’ajuster les pratiques organisationnelles en conséquence.
  • Faire évoluer les styles de leadership, en misant sur la confiance, l’écoute, et la responsabilisation des équipes.
  • Investir dans les parcours professionnels, la formation continue et la montée en compétences.
  • S’entourer de partenaires RH spécialisés, capables de cerner les attentes des talents et de faciliter un recrutement durable.

Ce n’est plus une question d’image, mais de survie à long terme. Repenser le travail, c’est aussi réconcilier performance et humanité. Un chantier passionnant, ambitieux, et plus que jamais nécessaire.

Et vous, êtes-vous prêts à relever le défi ?

*À propos de l’auteurSociologue et économiste de formation, Ivan Reusse bénéficie d’un parcours de 18 ans au sein de multinationales, où il a dirigé des opérations industrielles dans les secteurs de la parfumerie puis de la pharmaceutique, avec une expertise marquée de la région EMEA. Il s’est ensuite orienté vers le conseil en stratégie, et occupe aujourd’hui le poste de Directeur Suisse du département Leadership Development chez Grant Alexander, un groupe de Conseil et de services RH, qui accompagne les entreprises dans le Recrutement par approche directe, et le Développement du leadership. Animé par une passion profonde pour la complexité du facteur humain et les dynamiques stratégiques des organisations, il accompagne les dirigeants dans le développement de leur leadership et la transformation de leurs structures.

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