LA RENTREE LITTERAIRE – UN PHENOMENE COMMERCAIL PAS COMME LES AUTRES

15 octobre 2019

LA RENTREE LITTERAIRE – UN PHENOMENE COMMERCAIL PAS COMME LES AUTRES

Par Dessy Damianova

La « rentrée littéraire » est un phénomène spécifique et particulier, très emblématique de cette « République des Lettres » que représentent, dans un certain sens, la France et les autres pays francophones. Dans un espace comme l’Hexagone dont les habitants à 88% se déclarent lecteurs, ladite rentrée a l’air d’être presque aussi importante que la rentrée des récoltes et la rentrée des classes. 

Quelques aprioris battus en brèche.

Il y a certes de quoi confondre les déclinistes qui depuis des années augurent l’extinction de l’intérêt pour la lecture. Contrairement aux prédictions, non seulement la verve livresque ne fléchit pas en « Francophonie » mais les ventes dans ce domaine continuent à être considérables, à la grande satisfaction des éditeurs, des libraires et bien évidemment, des écrivains. 

Les sceptiques croient aussi qu’on choisit rarement un livre pour l’offrir en cadeau et qu’on lui préfère de loin des articles dont la consommation paraît plus immédiate et plus « pratique ». Eh bien, non ! Des études réalisées en France et dont Le Figaro se fait écho, montrent que, contrairement à ce qu’on peut prétendre, le pourcentage des Français qui achètent des livres pour les offrir comme cadeau est de…84% ! Et il ne s’agit pas là, comme d’aucuns encore pourraient l’admettre, de guides pratiques et de volumes de connaissance générale : toujours d’après les résultats de cette enquête, le roman caracole en tête des ventes avec 74% contre 56% pour les livres pratiques. La fiction occupe aussi la troisième position, avec 51% pour les BD/Mangas- Comics.   

Le « bouche- à – oreille » et les « coups de cœur ».

La deuxième moitié de l’année est une période très intense pour le marché du livre en « Francophonie ». Cela commence avec la présentation des nouveaux titres à la rentrée en septembre, s’enchaîne avec le suspense autour des prix littéraires en octobre/novembre et débouche sur la grande effervescence commerciale de Noël, en décembre. Le but est de donner de la visibilité marchande et de la « voix » à cet objet discret et silencieux que représente le livre et qui, lu le plus souvent dans le recueillement et dans l’intimité, a aussi une manière particulière d’atteindre de nouveaux lecteursle « bouche – à – oreille ». L’édition cherche à imiter et à s’approprier ce mode de transmission convivial- confidentiel en opérant sa propre sélection de titres et en suggérant ses propres choix. Les plus grands prix – le Goncourt, le Renaudot, le Femina – ne sont, au fond, qu’autant de « coups de cœur », choisis cette fois par les académiciens et les critiques.

 La manière dont ces distinctions boostent la vente du livre qu’elles entourent de leur prestigieux bandeau est impressionnante. Porter sur sa couverture le ruban vermeil du « Prix Goncourt », le plus célèbre des prix littéraires dans le monde francophone, signifie, pour l’opus ainsi distingué, des ventes de pas moins de 400 000 exemplaires. 

La bataille pour les trophées littéraires de 2019 est déjà engagée. Ses enjeux sont de taille. Si les prestigieuses distinctions contribuent à booster la vente, elles procurent aussi une consécration intellectuelle : au cas où l’on l’aurait oublié, la rentrée littéraire 2019 est là pour le rappeler, elle qui met au centre une auteure qui, choyée depuis vingt ans par le public, vendant ses livres par des centaines de milliers dans tous les coins du globe, n’a jamais eu – pas jusqu’alors en tous les cas – ses véritables lettres de noblesse ! 

On l’a déjà deviné, il s’agit d’Amélie Nothomb. La dame toujours de noir vêtue, l’auteure qui à chaque rentrée sort un nouveau livre, revient maintenant, avec un roman plus qu’ambitieux : une oeuvre sur Jésus intitulée Soif. C’est le second avènement de l’écrivaine belge au fragile firmament des auteurs pressentis pour rafler le Goncourt ; sa première nomination au prix prestigieux, remonte bien …à Adam et Eve. Son « Ni d’Eve, ni d’Adam » était un « goncourable » douze ans en arrière, en 2007. 

 

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