Photos © Arabie Saoudite
Sous nos yeux, le Royaume d’Arabie Saoudite se transforme à une vitesse record. Mais méthodiquement. Le pays ne veut plus être cantonné à une pétro-monarchie où tout se mesure et s’analyse à l’aune d’un seul indicateur : le cours fluctuant de l’or noir. Engagé depuis 2016 dans un plan herculéen baptisé « Vision 2030 » en vue de rompre avec une économie basée sur la rente pétrolière, l’Arabie Saoudite s’est fixé l’objectif de révolutionner son modèle pour faire jeu égal avec les nations à la pointe de la modernité. Une ambition qui passe par le ciel. Cap sur Toulouse au siège d’Airbus, où le constructeur européen a accueilli des officiels Saoudiens pour consolider la plus grande commande du pays.
Par Sabah Kaddouri
Quelques chiffres pour comprendre la démesure de cette feuille de route « Vision 2030 ». D’ici cinq ans, l’Arabie Saoudite veut attirer 150 millions de touristes, transporter 330 millions de visiteurs, accueillir 30 millions de pèlerins, ou encore connecter 250 destinations. Autrement dit, devenir une destination incontournable et le premier hub international, surpassant le peloton de tête Dubaï, Heathrow, Atlanta, Istanbul. Ce printemps, une importante délégation saoudienne s’est rendue au siège européen de l’avionneur Airbus à Toulouse en France pour officialiser une annonce : la commande de 20 Airbus A330-900 supplémentaires alloués à la compagnie low-cost étatique Flyadeal (Saudia Group). Cet achat vient sceller la dynamique née de l’accord historique signé en mai 2024 pour l’acquisition de 105 monocouloirs de la famille A320neo (54 pour Saudia et 51 pour Flyadeal).
La première livraison est prévue en2027, avec des réceptions échelonnées jusqu’en 2029. Une centaine de dignitaires saoudiens sont venus passer en revue l’état d’avancement du « deal du siècle » pour le pays au siège d’Airbus. Pour l’occasion, l’ambassadeur du Royaume d’Arabie Saoudite en poste à Paris, son Excellence Fahd bin Mayouf Al-Ruwaili, a fait le déplacement à Toulouse, donnant ainsi une dimension éminemment politique à cette rencontre.
Derrière cette signature, il a bien été question de louer l’excellence des rapports franco-saoudiens qui ont permis d’aboutir à ce contrat record. Benoît de Saint-Exupéry, vice-président exécutif des ventes d’avions commerciaux chez Airbus a déclaré dans son discours inaugural que : « Ce partenariat [soulignait] l’importance stratégique des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Europe, renforçant ainsi les engagements en faveur de la stabilité régionale et de la coopération mondiale. Cette visite [constituait] la pierre angulaire d’échanges culturels et de partenariats éducatifs plus approfondis, renforçant la compréhension mutuelle et favorisant des relations bilatérales à long terme. ».
Le directeur général de Saudia Group, son Excellence Eng. Ibrahim Al-Omar a partagé devant la presse internationale que : « L’accord conclu [marquait] une étape décisive dans notre stratégie ambitieuse de modernisation et d’expansion de notre flotte. Il s’inscrit dans le prolongement de l’accord historique signé l’an dernier avec Airbus pour l’acquisition de 105 appareils. Cette démarche est en parfaite adéquation avec nos objectifs nationaux dans le cadre du plan ‘Saudi Vision 2030’. Cet accord soutient les plans de croissance et d’amélioration des opérations du Groupe Saudia. Il contribue à la modernisation de notre flotte, à l’optimisation de la maintenance des appareils et à l’amélioration globale de notre efficacité opérationnelle. ».
Le Prince héritier Mohammed ben Salmane n’entend pas seulement rattraper le retard de son pays face aux monarchies voisines – le Qatar et les Emirats arabes unis – maîtres des cieux dans la région, mais il compte bien dominer l’espace en offrant tous les choix possibles. Il reviendra à la compagnie nationale Saudia Airlines d’aligner l’une des flottes les plus récentes au monde, de décupler ses dessertes continentales, et de progresser dans les classements aériens mondiaux grâce à son expérience clients portée par une first et une business class parmi les plus prestigieuses. Quant à Flyadeal, la trajectoire est tout aussi tracée, la compagnie à bas coût ne disposait jusqu’ici d’aucun gros-porteur car elle ne s’intéressait qu’à son marché domestique déjà immense. « Notre stratégie va se faire par étape. Pour l’heure, nous restong Gulf-centric en adressant prioritairement la demande exponentielle de la région. Le Moyen-Orient est aujourd’hui un épicentre des affaires, de l’événementiel, de l’innovation et du divertissement. Il y a quelques années, le vol direct Riyad / Dubaï se classait à la dixième place. En 2025, cet itinéraire est devenu numéro 3 mondial… Dans peu de temps, ce sera la première route aérienne. Après le Golfe, nous mettrons le focus en Asie où la Thaïlande, l’Inde, Les Philippines, la Malaisie verront un maillage important. », éclaire le CEO de Flyadeal, Steven Greenway, au Monde Economique.
Quid de l’Europe ? L’entreprise lorgne également sur le Vieux Continent et son marché mature. La silhouette jaune et violacée de la low-cost viendra titiller le Suisse EasyJet sur ses positions en devenant une alternative pour relier les capitales européennes, moyen-orientales et africaines, mais aussi les destinations prisées des vacanciers. Aujourd’hui, seulement 20% des vols Flyadeal couvrent l’international. Prochain cap, atteindre un rapport de 50/50.
Graduellement doté de dix A330 long-courriers valorisés à 1,15 milliard de dollars, l’avionneur ira chercher ces clients désireux de découvrir les nouveaux visages de l’Arabie Saoudite sans s’attarder sur le confort d’un vol aux prestations multiples. Saudia Airlines répondra à ceux qui veulent une expérience premium. « Nous sommes impatients de voir l’A330neo, un appareil polyvalent, voler sous les couleurs de Flyadeal ! Cette commande constitue une étape clé dans la concrétisation de l’ambition du Royaume de développer les marchés long-courriers et d’attirer de nouveaux passagers. », s’est félicitéBenoît de Saint-Exupéry lors de la signature officielle de cette « rallonge ».
Au cœur du réacteur de cette nouvelle ère décennale, Saudia Group via ses 13 filiales (compagnies aériennes, cargo, aviation privée, centre de formation, immobilier…), investit massivement sur tous les segments pour devenir un carrefour global incontestable. Nouveaux aéroports, hubs logistiques, lancement de NEOM Airlines qui sera basée dans la ville éponyme en développement. Une cité futuriste s’étendant sur 170 km de long entre Arabie et Egypte, à cheval entre désert, mer Rouge et montagnes. L’objectif national des 330 millions de passagers à horizon 2030 n’a rien d’un mirage dans l’esprit des Saoudiens.
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