Le cafard dans la mine

27 octobre 2025

Le cafard dans la mine

Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier 

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Michel Saugné © LFDE

Un « canari dans la mine » selon l’expression consacrée, ou un « cafard » en annonçant bien d’autres, selon les propos du PDG de JPMorgan, Jamie Dimon ? Qu’importe la métaphore, la faillite de Tricolor Holdings a tous les aspects d’un signal d’alerte. La firme fournissait des véhicules d’occasion pour lesquels les financements – sous forme de prêts type subprime – étaient accompagnés de diligences plus que réduites. Une note de crédit voire un simple numéro de sécurité sociale n’étaient même pas exigés dans certains cas. Sa chute, causée par une accumulation de prêts non remboursés, témoigne des difficultés financières auxquelles est confrontée la frange la moins aisée de la population américaine. Elle fait aussi écho aux faillites des fournisseurs de crédits immobiliers subprimes en amont de la crise de 2008.

La comparaison avec la Grande crise financière va plus loin. La faillite de Tricolor Holdings, ainsi que celle du fournisseur de pièces détachées automobiles First Brands, ont éclaboussé plusieurs institutions financières de renom, de JP Morgan à UBS en passant par Barclays et Jefferies, et ravivent le spectre d’une contagion au secteur bancaire. L’analogie avec la crise de 2008 est battue en brèche par beaucoup d’observateurs, mais pas par le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey. Celui-ci alerte en effet particulièrement au sujet de la sphère du financement privé, très active sur des dossiers comme ceux de First Brands ou Tricolor Holdings. Il souligne notamment que les prêteurs privés pratiquent le même type d’ingénierie financière que les banques à l’approche de la crise de 2008, en particulier le découpage des prêts et le regroupement des crédits subprimes

La question de fond est, bien sûr, de savoir si les déboires de ces entreprises se limitent à des erreurs idiosyncrasiques du crédit privé, ou s’ils signalent des fissures structurelles plus profondes du système financier. Si, à ce stade, il semble y avoir consensus sur le caractère idiosyncratique de ces faillites, l’importance prise par le financement privé suscite la prudence de certaines instances internationales, à commencer par le FMI. Sa directrice générale, Kristalina Georgieva, a alerté sur un « transfert très important » du financement vers des fonds de crédit privés peu réglementés. L’institution a par ailleurs rappelé que les banques mondiales détenaient environ 4 500 milliards de dollars d’exposition aux institutions financières non bancaires. Un chiffre suffisamment important pour être qualifié de systémique.

Les chutes de Tricolor Holdings et de First Brands sont-elles des cas isolés, de simples symptômes de fin de cycle, ou révèlent-elles des déséquilibres plus profonds ? Ce débat ne sera pas tranché dans l’immédiat. Et comme une crise ne se répète jamais à l’identique, il y aura pléthores d’arguments tout à fait valables pour considérer que ces évènements n’ont rien à voir avec ceux des périodes précédentes. Pour l’investisseur néanmoins, il est important de ne pas minimiser ces signaux, et de les garder en mémoire, a fortiori dans un contexte de marché très optimiste où les promesses sont fortement récompensées et les alertes le plus souvent ignorées. 

Opinion rédigée le 24.10.2025

Disclaimer : Les opinions émises dans le document correspondent aux convictions du gérant. Elles ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de LFDE.

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