LE PALLADIUM, LA NOUVELLE COQUELUCHE DES INVESTISSEURS ?

19 juin 2019

LE PALLADIUM, LA NOUVELLE COQUELUCHE DES INVESTISSEURS ?

Par Dessy Damianova

Sa vogue a, bien curieusement, commencé avec le Volkswagen-gate. En 2015, le scandale ébranlait le célèbre groupe automobile allemand, accusé d’utiliser des anti- polluants truqués. A la base de ces anti-polluants conçus pour les moteurs diesel du VW, un élément crucial, un métal : le platine. Vite disqualifiée à la suite du scandale, tombée, ensemble avec le diesel, en désuétude et en disgrâce, la précieuse matière a dû être vite remplacée.

Elle le fut par le palladium, son « cousin », un élément de sa propre famille chimique qui garantit une réelle réduction des émissions de CO 2. Utilisé dans les voitures essence et hybrides, répondant aux normes de protection de l’environnement, celui qui hier encore était le parent pauvre du platine, caracole aujourd’hui en tête de liste des matériaux les plus prisés de la planète. Encore en décembre 2018, il a dépassé le prix de l’or pour franchir, il y a seulement un mois, la barre historique des 1600 dollars l’once !

Une demande renforcée et une offre très déficitaire.

La flambée spectaculaire du prix du palladium s’explique par la disproportion entre la demande subitement accrue du métal gris et la pénurie de son offre. Très recherché pour sa capacité de transformer les gaz polluants en gaz inoffensifs, l’élément figurant sous le numéro 46 dans la table de Mendeleïev est en effet une ressource rare dont les gisements sont concentrés au Zimbabwe, en Afrique du Sud et surtout en Russie. Possédant 50% de ses réserves totales, la Russie est également le plus grand producteur du métal tant recherché : la compagnie de Norilsk Nickel (NN) basée près de Krasnoïarsk en réalise ¾ de la production mondiale. 

L’extraction de palladium de ces mines qualifiées par les analystes comme étant pour la plupart vieillissantes restera, d’après le pronostic de Norilsk Nickel, inférieure à la demande au moins jusqu’en 2025. Une demande si forte qu’elle a fait du métal en question la base d’un précieux produit d’investissement. Des fonds indiciels adossés au palladium sont également apparus. D’autre part, la coûteuse ressource figure désormais dans la liste que la Commission Européenne établit tous les trois ans des matières premières jugées « critiques » à cause du « risque particulièrement élevé de pénurie d’approvisionnement » qu’elles présentent dans les  prochaines années ».  

Le palladium restera-t-il longtemps sur son piédestal ?

L’impressionnante hausse du prix du palladium est certes une aubaine pour la Russie, la République de l’Afrique du Sud et le Zimbabwe. Pour tous les autres pays, elle pose quelques sérieux inconvénients. Pour commencer, une dépendance occidentale de l’extraction russe sera plus qu’indésirable dans le contexte actuel de rapports tendus avec Moscou.

Quant à l’industrie automobile qui représente 80% de la demande totale de palladium, contrainte à utiliser le coûteux métal pour répondre aux exigences de protection de l’environnement (celles-ci sont devenues particulièrement strictes dans la zone euro et en Chine) et obligée, de ce fait, à hausser les prix des voitures, elle risque de s’essouffler et de chercher des possibilités de remplacer la très chère matière par quelque autre ressource. Bien sûr, le remplacement ne sera pas aisé et rapide ; même si un tel métal de substitution est trouvé, cela prendra du temps pour qu’il soit mis en application dans les pots catalytiques des voitures. Pour l’instant, on ne voit à l’horizon rien qui puisse voler la vedette au palladium. Au point que les spéculateurs commencent à voir dans l’élément 46 de Mendeleïev un nouveau bitcoin dont on aurait toutes les raisons d’attendre bientôt des gains aussi faciles qu’abondants.

Ce métal précieux qui fait un sale boulot, cette matière noble, à l’éclat pur et argentin, qu’on charge du traitement de gaz polluants, gardera-t-elle encore longtemps sa place au sommet ? Rien n’est moins sûr, affirment, au contraire, les sceptiques qui rappellent que dans le passé, le palladium avait déjà connu une première heure de gloire, mais que – justement ! – cette gloire n’a duré… qu’une heure. Enfin – très peu de temps.

A ces scepticismes, d’autres spécialistes ainsi que de nombreux investisseurs répliquent que, au vu des raisons cette fois très sérieuses (puisque liées, comme on l’a vu, à l’engagement de l’industrie automobile envers les normes très sévères de la protection de l’environnement) de l’actuelle vogue du palladium, celui-ci, très demandé mais en modestes réserves et difficile à être remplacé par une autre ressource, n’est pas près de voir sa valeur diminuer, ni son prix baisser.

 

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