Le prix de la santé en Suisse

8 décembre 2025

Le prix de la santé en Suisse

La Suisse reste mondialement reconnue pour la qualité de son système de santé. Les hôpitaux suisses sont parmi les mieux équipés, les médecins bénéficient d’une formation d’excellence et l’accès aux soins est, en principe, garanti pour tous. Pourtant, derrière cette façade d’efficacité et de modernité se cache une réalité devenue de plus en plus difficile à assumer pour une grande partie de la population : le coût des assurances maladie. Les primes ont atteint un niveau tel que de nombreux citoyens, et en particulier les familles, ne parviennent plus à suivre. Ce qui constituait autrefois une charge lourde mais gérable est aujourd’hui un poids financier qui pèse de manière disproportionnée sur les ménages. Chaque année, l’annonce des nouvelles primes provoque le même sentiment d’angoisse. Les hausses successives sont devenues une forme de fatalité, presque une tradition nationale dont les Suisses se passeraient volontiers. Pour une famille de quatre personnes, il n’est plus rare de devoir consacrer l’équivalent d’un loyer à l’assurance maladie. Les classes moyennes, pourtant censées être le pilier de la stabilité économique du pays, voient une partie croissante de leur revenu absorbée par une obligation légale qu’elles ne peuvent ni contourner ni négocier. Les salaires n’augmentant pas au même rythme que les primes, le décalage devient chaque année plus difficile à supporter.

Face à cette situation, l’État intervient en soutenant financièrement les ménages aux revenus modestes grâce aux subventions cantonales. Ces aides sont devenues indispensables pour éviter que des milliers de personnes ne renoncent au paiement de leurs primes ou ne s’endettent. Toutefois, si ces subventions permettent de soulager certains foyers, elles ne résolvent en rien la problématique centrale : celle d’un modèle dont les coûts augmentent de manière structurelle. En réalité, les pouvoirs publics colmatent une brèche qui s’élargit d’année en année sans jamais pouvoir s’attaquer au mur qui menace de s’effondrer. La question de l’avenir du financement de la santé devient donc incontournable. Peut-on réellement continuer à augmenter les primes indéfiniment sans modifier le fonctionnement de tout l’édifice ? La société suisse commence à en douter.

Le modèle actuel, fondé sur une concurrence entre assureurs censée favoriser l’efficience, montre aujourd’hui ses limites. Cette concurrence porte davantage sur la sélection des assurés que sur la réduction des coûts. Les assureurs investissent dans le marketing, dans la segmentation des risques et dans la fidélisation des clients en bonne santé, plutôt que dans l’innovation destinée à réduire les dépenses de manière durable. Dans ce contexte, les patients les plus fragiles deviennent une charge plutôt qu’une priorité, et la logique de marché entre en tension directe avec la mission sociale de l’assurance maladie. Parallèlement, les dépenses de santé augmentent structurellement. Le vieillissement de la population, les progrès technologiques qui rendent les traitements plus efficaces mais plus onéreux, l’augmentation des maladies chroniques et l’évolution des pratiques médicales contribuent tous à tirer les coûts vers le haut. La Suisse n’est pas isolée : ce phénomène touche de nombreux pays. Mais dans un modèle reposant sur des primes individuelles et obligatoires, ces augmentations se répercutent directement sur les assurés, sans amortisseur collectif suffisant pour en atténuer les effets.

Pourtant, des pistes de réforme existent. La question du rôle de l’assurance de base, celle de la régulation des tarifs, celle de la structure même du financement reviennent régulièrement dans le débat public. Certains défendent l’idée d’un modèle plus centralisé, d’autres prônent une meilleure coordination entre les acteurs de la santé, d’autres encore plaident pour un recentrage sur la prévention afin de réduire, à long terme, les maladies évitables. Mais toutes ces pistes ont un point commun : elles nécessitent une volonté politique forte, capable de dépasser les intérêts particuliers et les rapports de force qui paralysent actuellement toute transformation profonde. Or, c’est peut-être là que réside le principal obstacle. La santé en Suisse représente un secteur puissant, doté de lobbys influents, et toute réforme susceptible de bousculer l’ordre établi suscite immédiatement une résistance intense. Le résultat est une accumulation de petites corrections techniques qui ne changent rien à la trajectoire générale. Pendant ce temps, les primes continuent de grimper et les familles continuent d’étouffer.

Il devient donc urgent de repenser le modèle en profondeur. Le statu quo n’est plus tenable. Continuer sans transformer revient à repousser un problème qui finira par devenir ingérable. La question qui se pose n’est plus seulement économique, mais sociétale : jusqu’à quand les Suisses accepteront-ils de financer un dispositif qui, bien que performant, n’est plus équitable ? La santé est un bien commun. Elle devrait être synonyme de sécurité, non de stress financier. La Suisse se trouve aujourd’hui à un tournant décisif : elle doit choisir entre subir les hausses chaque année ou engager enfin la réforme structurelle que beaucoup appellent de leurs vœux. Sans cela, l’excellence de son système de santé risque de devenir un luxe que de plus en plus de citoyens ne pourront plus se permettre.

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