Les PME suisses face à l’inquiétude d’une pénurie

22 novembre 2011

Les PME suisses face à l’inquiétude d’une pénurie

Les PME suisses semblent se porter bien. L’optimisme est de rigueur, et la conjoncture suisse excellente. Aujourd’hui 60% d’entre elles se disent dans une situation commerciale tout à fait bonne. Seules 5% d’entre elles se déclarent franchement pessimistes pour l’avenir. Douillettes au sein d’un phénomène de micro-climat dont elles semblent bénéficier, les petites et moyennes entreprises de la Confédération défient l’Europe moribonde…

Pourtant plusieurs inquiétudes tendent à s’inscrire sur le long terme. Le secteur est frappé par une pénurie de main d’œuvre qualifiée qui risque de s’aggraver dans les prochaines années. On estime que cette pénurie cause en moyenne chaque année la bagatelle de 4,2 milliards de francs aux PME suisses.

Quelles sont les causes ?

La première de ces causes concerne l’attrait exercé par les grandes entreprises. Dans leur botte figurent deux atouts majeurs :

  • Elles jouissent d’une notoriété qui dépasse quelquefois les frontières helvètes, et captent aisément l’attention des jeunes diplômés qui y voient un effet stimulant pour leur carrière, malgré un stress plus palpable dû à une grande compétitivité, apportant des charges de travail plus lourdes. Les nouveaux diplômés ne rechignent pas à sacrifier leur confort de travail, d’autant plus que l’attachement à l’entreprise peut tourner avec le temps. Au bout de plusieurs années, ils pourront toujours présenter leur candidature ailleurs, tout en ayant bénéficié d’une expérience enrichissante.
  • Les grandes entreprises ont des services de recrutement très performants. Le budget consacré à la recherche de nouveaux collaborateurs est parfois sans limite, au point qu’il s’ensuit aussi chez certaines un phénomène de turnover. Dans la PME, c’est le chef lui-même qui s’y colle, quand il n’a pas la chance de posséder un spécialiste chargé du recrutement.

Une autre cause est à chercher du côté de la démographie. Il existerait tout simplement peu de main d’oeuvre qualifiée en Suisse. Ce dernier argument nous étonne.

Existe-t-il vraiment une pénurie de personnel qualifié ? Peut-être, si on considère que la population suisse vieillit, comme en France ou en Allemagne. Tout le monde en connait les causes : un taux de natalité bas conjugué au phénomène des baby-boomers arrivant à l’âge de la retraite. Le vieillissement de la population semble inéluctable à long terme, mais peu pertinent pour les vingt ou trente prochaines années, puisque nous assisterons vraisemblablement à une croissance (modérée) de la population active.

Le simulacre de l’évolution démographique ne doit pas cacher des raisons quelquefois plus difficiles à percevoir. Car il est certain qu’il manque en Suisse un grand nombre de personnel qualifié dans les secteurs de l’informatique, de l’horlogerie, de la santé, mais aussi dans le secteur bancaire ou l’industrie mécanique. Les cantons suisses manquent d’organes compétents spécialisés dans la formation des ingénieurs, et ont fortement besoin de main d’oeuvre étrangère pour pallier ces déficiences.

Quels sont les remèdes ?

Il n’existe pas de remède parfait. Néanmoins, les petites et moyennes entreprises doivent s’améliorer sur plusieurs aspects :

  • Parvenir à élargir l’activité de l’entreprise en envisageant plus d’offre de formation en interne, faire preuve de créativité.
  • Se rendre plus attractives, rechercher des accords de coopération avec les universités et les écoles. Face à la concurrence des grandes groupes, fusionner, mieux communiquer au sein des cantons, au niveau local comme à l’échelon national, savoir délimiter un savoir-faire et mieux mettre en valeur ce dernier.
  • Le secteur de l’innovation, l’un des fleurons de l’économie suisse, peine à élaborer des attaches solides malgré un secteur qui a le vent en poupe et qui bénéficie d’un taux d’emploi élevé. La Suisse semble à la traîne concernant la coopération entre PME et instituts de recherche.

La Suisse constitue, comme nous l’avons dit, un marché attractif. En terme d’emploi elle n’a rien à envier à ses voisins. Mais elle a tout à transmettre. S’ouvrir davantage à l’Europe, c’est l’opportunité pour elle de mieux faire goûter son savoir-faire, et faire partager sa réussite, c’est, finalement, nous rendre dix fois plus optimistes pour l’avenir.

Ajoutons pour terminer qu’il existe pratiquement 4% de chômeurs en Suisse. Dans la tranche des 20-24 ans et des plus de 50 ans, les catégories d’âge les plus fragilisées, il existe bien quelques talents cachés en réserve…

Faustin Rollinat/rédacteur chez Le Monde Economique

 

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