Les Suisses romands, plus épanouis et moins stressés au travail. Par Chantal VANDER VORST

25 juin 2012

Les Suisses romands, plus épanouis et moins stressés au travail. Par Chantal VANDER VORST

Dans le contexte actuel de crise économique mondiale, il est plus que jamais nécessaire d’actionner tous les leviers de la performance globale. Passer de l’« efficacité » à l’« efficience durable » suppose d’abord de sortir d’une vision « courtermiste » et focalisée sur les seuls aspects économiques pour prendre de la hauteur en intégrant les aspects environnementaux et socio-organisationnels. Il s’agit ensuite d’évaluer le niveau et les facteurs du stress au travail car plus le stress augmente, plus la performance diminue : 90 % des études menées en ¼ de siècle[1] montrent en effet que le stress, même à faible dose, n’a pas d’effet positif sur la performance.

Pour tenter d’identifier les leviers et les freins de la Performance Sociale et Organisationnelle dans ses 3 dimensions que sont l’Individu, le Management et l’Organisation[2], l’IME a mené l’ESTIME (www.estime-stress.com), une étude internationale en partenariat avec l’Institute of NeuroCognitivism (INC) & TNS Sofres, auprès de 7 025 répondants (représentatifs des actifs occupés) en France, Belgique francophone et néerlandophone, Suisse romande et au Québec.

Au-delà des éléments descriptifs au cœur de la plupart des enquêtes, cette étude apporte surtout des réponses quant aux facteurs explicatifs du stress et du moral au travail, essentiels pour permettre aux coachs, managers et dirigeants d’apporter des réponses efficientes et durables. Les actifs de la Suisse romande apparaissent, avec ceux du Québec, comme les plus satisfaits (78 % vs 74 % en moyenne) et les plus épanouis (65 % vs 57% en moyenne) au travail mais aussi semblent globalement moins touchés que les autres par le stress au travail (30 % vs 34 % en moyenne) et ses conséquences somatiques (dégradation de la santé : 18 % vs 25%). Cependant, bien que le nombre d’actifs satisfaits / épanouis / stressés / (dé)motivés / etc. varie plus ou moins selon les pays et régions, l’ESTIME révèle que les facteurs explicatifs de ces vécus au travail sont sensiblement les mêmes, quelque soit la culture ou l’environnement économique des populations étudiées :

1er facteur, l’hyperinvestissement émotionnel au travail, qui touche plus de 40 % des actifs

2ème facteur, la démotivation liée au manque de résultat et de reconnaissance, qui affecte 1 actif sur 4

3ème facteur, l’organisation non « biocompatible » (incompatible avec le fonctionnement humain) qui impacte également 1 actif sur 4

4ème facteur, un manque d’esprit d’équipe et une communication managériale inadaptée, qui concernent 22 % des actifs

En regardant de plus près les résultats de la Suisse romande, il apparaît deux bonnes et deux mauvaises nouvelles. La première bonne nouvelle est que, de tous les répondants de l’ESTIME, ce sont les actifs romands qui s’appuient le plus (64 % vs 58 % en moyenne) sur des motivations durables, spontanées et inconditionnelles : travail vécu comme une passion ou « vocation » professionnelle. Ils manifestent aussi moins d’hyperinvestissement émotionnel[3] (un peu moins de 40%) et de démotivation liée au manque de résultat ou de reconnaissance (1 actif romand sur 5).

De plus, face à un problème difficile et qui leur résiste au travail, les Suisses sont, de tous les répondants de l’ESTIME, ceux qui font le plus preuve de curiosité au travail (64 %), prennent le plus de recul (72 %), et assument le mieux leur opinion personnelle (76 %). Ils sont, avec les Québécois, ceux qui savent le mieux avoir une vision nuancée des problèmes (Suisses : 73 % & Québécois : 74 %) et prendre le temps de la réflexion (Suisses : 78 % & Québécois : 79 %).

Cette adaptabilité est la seconde bonne nouvelle car l’ESTIME montre que, à conditions organisationnelles ou managériales égales, le stress est d’autant plus faible que l’on sollicite davantage son « Intelligence Adaptative ». Mais si les leviers individuels de la performance socio-organisationnelle sont meilleurs que dans d’autres pays, les dimensions organisationnelles et managériales semblent moins efficientes. En effet, les Suisses sont davantage confrontés à des situations organisationnelles « toxiques » que la moyenne des répondants (28 % des Suisses vs 24 % en moyenne). En Suisse romande, plus d’un actif sur 3 occupe un poste ou des fonctions non « biocompatibles » :

Incohérences entre pouvoirs décisionnels et responsabilités : 14 % des Suisses vs 16 % en moyenne

Problèmes de Circulation de l’Information : 25 % des Suisses vs 24 % en moyenne

Cœur de Fonction mal définis/assumés : 46 % des Suisses vs 30 % en moyenne

Enfin, dernière mauvaise nouvelle Les managers suisses semblent avoir légèrement plus de difficulté (25%) que les autres (24 % en moyenne) à communiquer de façon « ouverte » (être à l’écoute) et « ouvrante » (susciter l’ouverture d’esprit chez leurs collaborateurs). En effet, les actifs en Suisse romande estiment que :

49 % des managers suisses (vs 27 % en moyenne) ne savent pas créer un climat de dialogue ouvert dans l’équipe, surtout quand ils ne sont pas d’accord avec ce qui est dit.

49 % des managers suisses (vs 26 % en moyenne) ne parviennent pas à apaiser les situations de tension et aboutir à un accord constructif partagé par tous.

46 % des managers suisses (vs 23 % en moyenne) mettent la pression ou sanctionnent quand un collaborateur n’est pas assez efficace à leurs yeux.

Les managers ont aussi plus de mal à gérer les rapports de force (27 % des suisses vs 24 % en moyenne). En particulier, 51 % des managers suisses (vs 18 % en moyenne) semblent déstabilisés face à une personne de mauvaise foi. Les priorités d’action sociales et organisationnelles qui découlent des résultats de l’ESTIME sont donc les suivantes :

plutôt qu’un management par les résultats et la reconnaissance, développer un management centrés sur les motivations durables (ce en quoi les managers romands sont meilleurs que les autres : 54 % vs 40 % en moyenne),

repenser les cœurs de fonction selon les compétences et les motivations durables, déléguer réellement les pouvoirs décisionnels correspondant aux responsabilités confiées,

transposer au niveau managérial les ressources d’Intelligence Adaptative individuelle, en adoptant une communication plus souple, et enfin, former les manager à repérer et gérer sereinement les rapports de force et de mauvaise foi.

Le retour sur investissement des actions de prévention du stress et des risques pour la santé[4] atteignant en moyenne 220% par an et par salarié, il ne fait aucun doute que mettre en place les actions adéquates améliorera rapidement la Performance Sociale et Organisationnelle, facteur clé d’une réussite durable. Les entrepreneurs suisses sauront-ils réagir plus vite que les autres et en faire un avantage concurrentiel ? Retrouvez les résultats de l’ESTIME sur www.estime-stress.com

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[1] Cf. Méta-analyse de 52 études (1980-2006) sur l’impact du stress sur la performance par le Pr Eric Gosselin.

[2] Dimensions individuelle (adaptabilité, motivations, confiance en soi et en autrui, hyperinvestissement émotionnel…), managériale (communication managériale, sens du travail, esprit d’équipe), organisationnelle (pouvoirs décisionnels/responsabilités, circulation de l’information, centrage sur le cœur de fonction).

[3] L’hyperinvestissement émotionnel au travail prend différentes formes, plus ou moins graves : « intense désir de réussir et peur excessive d’échouer, sans qu’il y ait forcément de grands enjeux », « sentiment de déception ou de frustration même si les résultats sont bons et reconnus comme tels », comportement de « work addict » pouvant aboutir au « burnout », traumatisme, amertume…

[4] Cf. Rapport de recherche « Rendement de la prévention : Calcul du ratio coût-bénéfices de l’investissement dans la sécurité et la santé en entreprise » (Association internationale de la sécurité sociale, Genève, 2011, www.issa.int).

 

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