Moche et mal fagoté ? Péché de négligence et faute en soi ! Par Myriam Hoffmann

8 novembre 2011

Moche et mal fagoté ? Péché de négligence et faute en soi ! Par Myriam Hoffmann

Pensez-vous que François Hollande aurait été élu pour représenter le PS français aux prochaines élections présidentielles françaises s’il n’avait pas changé de look ? Souvenez-vous également : c’était le conte de fées de l’année 2009. Une écossaise au physique disgracieux a ému la planète en chantant dans un télé-crochet britannique. Sa prestation, qui a fait malheur sur le Net, rappelle que le culte de l’apparence dirige nos sociétés. Napoléon ne disait-il pas déjà : « Quand on veut passionner les foules, il faut avant tout parler à leurs yeux. »

L’apparence est un des facteurs les plus insidieux de discrimination. Pourtant, en France ou en Suisse, la question de l’image reste taboue. D’abord parce qu’on la juge triviale. Ensuite parce qu’elle remet en cause le mythe de l’égalité des chances, l’objectivité des processus de recrutement et l’idéal de la méritocratie. Enfin, parce qu’on la croit difficilement quantifiable et démontrable. Le fait est qu’une plainte n’a jamais été déposée à ce sujet. Quand on songe par exemple que le Larousse nous assène par 280 dictons ou proverbes que les apparences sont trompeuses !

Quand les professionnels du recrutement ou les détracteurs de « L’habit fait le moine » bottent en touche et affirment que la beauté, c’est tout à fait subjectif, on pourrait pourtant répondre que c’est faux. Toutes les études menées sur le sujet le prouvent. Lorsqu’on présente des photos d’individus à des cobayes en leur demandant de les classer du plus séduisant au moins séduisant, les points de vue convergent suffisamment pour qu’on puisse parler de normes et de standards. Les travaux en imagerie cérébrale qui n’en sont qu’à leurs débuts sur le sujet confirment les intuitions des philosophes grecs : nous sommes attirés par la symétrie des traits et l’équilibre des proportions. Ces critères sont perçus comme des signes de jeunesse, de vigueur et de développement harmonieux, autant de labels d’aptitude à la reproduction de l’espèce.

Ce qui est bon est beau. Platon en tête, les philosophes grecs ont irrémédiablement associé la beauté intérieure à la beauté extérieure. Ainsi, lorsqu’un enfant a été regardé comme séduisant, il sera convaincu de ses capacités à séduire. Ce sont les regards valorisants et bienveillants qui construisent l’estime de soi et développent la confiance en soi. Les plus séduisants acquerront plus facilement des compétences relationnelles plus grandes, qui à leur tour conditionneront la suite de leur carrière.

Toutes les études disponibles confirment qu’à productivité ou résultats égaux, un beau salarié est davantage promu. Plus entouré, voire plus recherché par ses collègues, il est repéré par le supérieur hiérarchique. Et si celui-ci cherche quelqu’un capable de fédérer une équipe… On ne s’étonnera donc pas de voir que les cadres sont majoritairement plus grands que la moyenne, comme si la taille leur conférait une autorité naturelle. Ni d’apprendre dans une étude britannique que les moins séduisants perçoivent un salaire 15% inférieur à la moyenne.

Avec la disparition des classes sociales et du collectif, l’apparence ne marque plus l’appartenance au groupe. Elle est devenue expression de soi, dans son intimité la plus profonde. Je suis ce que je montre. Or, dans notre culture du résultat et de la performance, on a intérêt à se montrer sous son meilleur jour. Nous sommes devenus comptables de notre apparence. Et le diktat des apparences se moque des sexes. Et des milieux professionnels. Quand les recruteurs commencent à admettre, ou à justifier, l’impact du physique, ils invoquent systématiquement l’image de l’entreprise et le contact avec la clientèle. C’est bien parce que le secteur tertiaire a explosé que la tyrannie de la beauté a pris une telle ampleur. Aujourd’hui, la crise aidant, elle se généralise : la concurrence est encore plus féroce, et le physique est une arme redoutable. Ainsi, précarisé à l’extrême, on a l’impression que notre apparence est la dernière chose qu’on puisse encore contrôler pour s’en sortir. De fait, en quelques années, le marché de la beauté a explosé.

L’inconscient collectif s’est construit sur ces multiples fondements, alimentés encore par les contes de fées et plus tard, par le cinéma : les héros sont forcément beaux et les méchants monstrueux. Ça s’appelle avoir la gueule de l’emploi. Un quart d’heure d’entretien ne peut pas grand-chose contre des siècles entiers de conditionnement.

Pas plus que l’aptitude au tennis, au piano, à l’informatique ou à la cuisine, le goût n’est en tout cas un don du ciel. Ce n’est pas un câblage différent du cerveau ou une particularité génétique. Non, tout le monde est égal au départ, même si, selon l’expression consacrée, certains sont plus égaux que d’autres…

Alors en attendant de décrocher le job de vos rêves, rappelez-vous du dicton d’Aristote en ces temps de crise : « La beauté est une meilleure recommandation que n’importe quelle lettre »…

Myriam Hoffmann, Chroniqueuse chez Le Monde Economique – Consultante en image et Directrice du cabinet Première Impression

 

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