QUAND LE SAVOIR- FAIRE LOCAL AIDE A CONSTRUIRE UNE MONDIALISATION A VISAGE HUMAIN

7 novembre 2018

QUAND LE SAVOIR- FAIRE LOCAL AIDE A CONSTRUIRE  UNE MONDIALISATION A VISAGE HUMAIN

Par Dessy Damianova

Dès ses débuts dans les années 90 du siècle passé, la mondialisation/globalisation économique était perçue comme une menace et comme un défi à tout ce qui relevait de l’identité nationale et de la couleur locale. Mais tant d’années après ces débuts, on peut dire que plus le processus de globalisation avance, plus on a la possibilité et le loisir de voir que les choses sont plus complexes et qu’au lieu de l’antagonisme tant redouté, il y a plutôt lieu de parler d’un jeu entre le global et le local, voire d’une interpénétration entre les deux. Aujourd’hui, plus d’un quart de siècle après les premiers pas de la globalisation, la formule « Penser global, agir local » prend tout son sens.

Une plus grande ouverture du marché du savoir- faire local.

Des tendances réconciliatrices ont dans un certain degré réussi à infléchir la globalisation dans le sens d’une « glocalisation », c’est-à-dire d’une interpénétration, d’un côté, de la logique globalisante et de l’autre, de la logique particularisante, celle qui insiste sur la valorisation du contexte local. Il s’agirait là d’une mondialisation à visage humain (donc au rythme humain aussi) qui, respectueuse des spécificités nationales et régionales, contribue à l’affirmation des acquisitions économiques locales et à leur ouverture à un marché de plus en plus large.

En effet, à l’ère de la globalisation, les savoir- faire locaux peuvent bénéficier d’une ouverture qu’ils n’avaient pas auparavant. L’intensification de la mobilité et de l’activité touristique supranationale, ce qui est l’une des marques de la mondialisation, leur a permis de sortir de leur relatif enfermement régional et d’acquérir une meilleure visibilité, voire une meilleure publicité. Et ceci d’autant plus que, bien paradoxalement, c’est dans les décennies de la mondialisation et à une époque où tout tend à s’universaliser, que l’on a vu s’épanouir la passion pour les produits du terroir, de l’artisanat et pour tout ce qui est teinté de couleur locale ou porte la marque de l’authentique.

Certes, la passion pour l’« authentique », le « local », l’« artisanal » et le « bio- écolo » apparaît ces dernières années comme l’apanage d’un groupe socio- culturel bien précis – les « bourgeois- bohèmes » ou les « hipsters ». Ce sociotype quelque peu contradictoire a, dès le début des années 2000, donné le ton pour célébrer les produits du savoir- faire local. Habitant le plus souvent une grande ville, profitant pas mal des avantages de la mondialisation tout en se posant en son ardent critique, le « bobo » détourne son regard de la métropole et se passionne pour la nature et le patrimoine historique et culturel. Le « local » est une partie intégrante et importante de cette « République bobo » dont parlent Laure Watrin et Thomas Legrand dans leur livre éponyme. Le bourgeois- bohème est donc en même temps ce « goûteur de savoir- faire, de beauté, de « choses bien faites » (B.Ibrahima) qui saura apprécier à leur juste valeur les produits du terroir et de l’artisanat et qui, par son exemple personnel, saura également donner aux autres le goût de la consommation éclairée, intelligente et exigeante.

Et si la globalisation se construisait comme une riche mosaïque de savoir- faire locaux ?

Contrepoids à la mondialisation, le développement du savoir- faire local s’ouvre pourtant de plus en plus à la logique globalisante. Le seul fait de s’affirmer définitivement comme une source privilégiée de produits de consommation fait de lui un argument important dans l’échange commercial qui est la base même ainsi que la raison d’être de la mondialisation. Aujourd’hui, le savoir- faire local devient de plus en plus l’affaire de PME performantes qui, disposant le plus souvent du meilleur équipement informatique, en font la publicité et en réalisent la vente (y compris par le biais du commerce électronique), et même l’exportation.

Avec l’ouverture de quasiment tous les pays à la mondialisation, celle-ci, plus qu’un phénomène transnational qui ébranle sur son passage toute spécificité et toute particularité, peut, au contraire, être vue comme une riche mosaïque de savoir- faire nationaux ou régionaux, de connaissances et de pratiques traditionnelles qui ne demandent qu’à être perpétuées dans le temps et connues d’un nombre toujours plus grand d’amateurs et de consommateurs.

Dans la mesure où elle se construit effectivement comme une telle mosaïque, la mondialisation a encore toutes les chances de garder un visage humain et…quelques petites touches locales.

 

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