Qui paye l’addition ?

25 août 2025

Qui paye l’addition ?

Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier

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Michel Saugné © LFDE

La question alimente les discussions entre économistes, la spéculation des acteurs de marché, les désaccords entre banquiers centraux et les diatribes de Trump : la hausse des droits de douane américains va-t-elle entraîner l’envolée des prix pour le consommateur ?

A ce jour, le débat est loin d’être tranché et les données d’inflation pour le mois de juillet, publiées mi-août, n’ont fait qu’entretenir le flou. D’un côté, l’inflation des prix à la consommation n’a pas marqué de franche accélération, confortant les partisans d’un impact bénin des droits de douane. De l’autre toutefois, l’inflation des prix à la production a fortement surpris à la hausse, laissant craindre une transmission dans les prix à la consommation au cours des prochains mois.

Pour y répondre de façon pertinente, la question mérite d’être reformulée : qui paye l’addition des tarifs aujourd’hui et qui la paiera demain ? N’en déplaise à Donald Trump, une chose est certaine, la note ne sera pas réglée par les partenaires commerciaux des Etats-Unis. Si certains exportateurs peuvent certes ajuster leurs prix face à l’envolée des droits de douane, la proportion reste modeste. Selon une récente étude de Goldman Sachs, jusqu’au mois de juin 2025, la part des coûts douaniers payée par les exportateurs étrangers était inférieure à 15%. Selon cette même étude, les deux tiers de la facture étaient, jusqu’alors, réglés par les entreprises américaines, via une compression de leurs marges, tandis qu’un petit quart seulement pesait sur les consommateurs.

Une situation qui pourrait drastiquement évoluer au cours du 2e semestre. Goldman Sachs estime ainsi que d’ici le mois d’octobre, deux tiers des coûts douaniers pourraient être supportés par les consommateurs américains. Plusieurs éléments accréditent cette thèse. D’une part, la récente envolée de l’inflation des prix à la production s’explique notamment par une forte hausse de la composante « services commerciaux ». Or, celle-ci mesure, en quelque sorte, la marge des distributeurs et son accélération laisse supposer que les entreprises commencent bel et bien à passer les hausses des coûts liées aux droits de douane dans les prix de vente.

D’autre part, les récentes publications de résultats trimestriels des entreprises de distribution ont généré des commentaires sur l’impact des tarifs douaniers. Le CEO de Walmart a ainsi indiqué que « le coût des droits douane augmente chaque semaine », précisant que « la hausse des prix affecte les consommateurs à faibles et moyens revenus ». Une déclaration qui laisse supposer que l’entreprise passe les hausses de coûts dans ses prix de vente, et qui fait écho à celle du directeur financier d’Home Depot, expliquant que l’entreprise allait procéder à des hausses des prix sur un certain nombre de produits.

Le plus gros de l’impact des droits de douane dans les prix à la consommation pourrait donc être à venir. Une situation qui compliquerait encore davantage la position déjà inconfortable de la Réserve fédérale. Sous la pression de la Maison Blanche et dans un contexte de course à la succession de son président, Jerome Powell, la banque centrale a de fortes chances de baisser ses taux en septembre… et de constater, rapidement après, un redémarrage marqué de l’inflation. Un porte-à-faux particulièrement désagréable pour n’importe quelle banque centrale.  

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Opinion rédigée le 22.8.2025

Disclaimer : Ces informations, données et opinions de LFDE sont fournies uniquement à titre d’information et, de ce fait, ne constituent ni une offre d’achat ou de vente d’un titre ni un conseil en investissement ni une analyse financière. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. 

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