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Succès romands en Suisse alémanique: deux cas d’école. Par Peter Köppel

Il est des entrepreneurs qui voient surtout les chances quant aux perspectives pour des PME romandes en Suisse alémanique. Parmi ceux-là, les uns y vont parce qu’ils trouvent leur compte sur ce marché même, tandis que d’autres cherchent à profiter de la proximité des centres de décision des multinationales étrangères.

Dans bon nombre de branches, les donneurs d’ordres internationaux s’implantent dans la région de Zurich. Pour décrocher des mandats pour la Romandie, certains Romands y ont donc ouvert des succursales. Exemple: Daniel Fournier, aménagement d’intérieurs, dont le siège principal est à Martigny.

« Je ne suis pas allé à Zurich pour Zurich », me dit en effet Daniel Fournier lors d’un de ses fréquents séjours en Suisse alémanique. « Prenez telle chaîne française, par exemple, avec ses 800 boutiques partout en Europe. Elle veut en créer vingt en Suisse, dont six ou sept en Suisse romande. Pour eux, je ne suis crédible que si je suis présent à Zurich.

Il ne suffit pas d’y venir régulièrement, il faut que j’aie ici des bureaux, avec des collaborateurs alémaniques qualifiés. C’est ainsi que j’ai pu obtenir, de la part de la multinationale mentionnée, l’ordre de réaliser toutes ses boutiques en Suisse ».

Daniel Fournier est formel: « Zurich, c’est la locomotive économique de la Suisse ». Il a recentré toute sa production sur Martigny, soit dans le bois, soit dans le métal, mais il dispose dans la région de Zurich non seulement d’une équipe de vendeurs, mais aussi d’une équipe d’intervention pour les chantiers alémaniques.

Une fois connu pour sa qualité comme pour sa présence tout territoire en Suisse, il s’est vu attribuer des mandats pour la France et l’Allemagne. « Beaucoup d’entreprises internationales considèrent la Suisse comme un marché d’essai ». S’agissant de biens de consommation, l’on teste souvent dans nos régions linguistiques les réactions des Latins et des Germaniques, avant de lancer ces produits en France, en Italie et en Allemagne. Il arrive alors que vous puissiez élargir votre rayon d’activité en suivant le produit que vous avez d’abord aidé à propager en Suisse ».

Il faut, bien sûr, tenir compte des différences de culture entre les Romands et les Alémaniques – et il faut savoir gérer la question linguistique. « Il faut engager des Alémaniques, car à Zurich, la possession du dialecte est primordiale pour toutes sortes de contacts ». Il a fallu du temps pour harmoniser les différentes cultures à l’intérieur de l’entreprise- les Alémaniques étant nettement plus procéduriers que les Romands. « Avec les Alémaniques, il ne suffit pas de prendre oralement des décisions en séance », dit Fournier, même s’ils semblaient tous d’accord. Car après la séance, ils se remettent à discuter entre eux et changent d’avis sans vous informer ».

Depuis lors, le patron fixe toutes les décisions par écrit. « En plus, il ne faut pas engager des cadres allemands, ça ne fonctionne pas du tout. Ce problème de l’acceptation des cadres étrangers, français en l’occurrence, existe aussi en Suisse romande, mais il est moins grave que là-bas ». Et Fournier de me dire sa propre analyse des relations de nos régions linguistiques aux grands voisins qui parlent leur langue: Les Romands constituant une minorité en Suisse – les Français, envers qui on est d’ailleurs assez critique, sont pour eux dans le rôle du grand frère par rapport aux Alémaniques. Le rapport de ces derniers aux Allemands est par contre totalement différent, car se considérant comme les maîtres chez eux en Suisse, la présence de plus puissants qu’eux – et parlant mieux la langue officielle – les agace.

Ces difficultés ne dépassent cependant pas celles que l’on rencontre dans n’importe quelle autre région du monde, au contraire: on a l’avantage d’une même législation, d’un marché du travail commun, et de distances courtes. Ce renforcement de son entreprise en Suisse a permis à Fournier de multiplier ses sièges, en Suisse comme à l’étranger. Il est présent à Paris comme à Hong Kong. Mais c’est toujours une PME, avec 70 employés au total, dont 20 dans la région de Zurich.

Autre cas d’école d’une PME romande œuvrant avec succès en Suisse alémanique: Polyright SA. Fondée en 1997 par l’actuel CEO, Thierry Gattlen et récemment acquise par le groupe américain Identive Group, la plate-forme Polyright permet à ses clients d’augmenter la sécurité, de gérer de manière centrale l’identité des porteurs de carte et les droits physiques et logiques associés.

En 2007, Thierry Gattlen a ouvert des bureaux dans la région de Zurich et, depuis lors, il réalise plus du tiers de son chiffre d’affaires outre Sarine. « Ce n’était pas facile, dit-il, car il fallait commencer dans une sorte de vide relationnel, développer son réseau pas à pas. Le plus dur, c’est le début, car après un an, deux ans, on commence à vous connaître ». La concurrence est forte, pour s’imposer, il faut du personnel qualifié qui parle la langue et connaît les coutumes de la région, même dans un business où l’anglais joue un rôle prédominant. « Difficile à trouver, à cause surtout des autres employeurs attractifs ayant leur siège dans la région même, tandis que nous, on est à Sion, à la périphérie de la Suisse romande. Puis, il faut gérer la différence de culture à l’interne. Il faut qu’on se frotte aux Alémaniques aussi à l’interne, car dans bien des cas, ils fonctionnent de manière un peu différente ».

Partageant en cela l’avis de Daniel Fournier, mon interlocuteur insiste sur le caractère procédurier des Alémaniques là où le Romand sait et aime improviser. Le chemin de A à Z une fois défini, ils ne tolèrent pas d’écart, même si l’objectif est atteint à cent pour cent. L’effort, cependant, en vaut la chandelle, car Polyright a décroché en Suisse alémanique des mandats prestigieux dans tous ses secteurs d’activité: dans l’éducation (Université de Zurich, EPFZ et différents gymnases cantonaux, etc.), dans le secteur des industries et services (FINMA, Vectronix, les Centralschweizerische Kraftwerke, etc.), et dans la santé (l’hôpital universitaire de Zurich, par exemple).

Dr. Peter Köppel, Consultant chez Le Monde Economique et Président du conseil d’administration de Köppel+Partner

 

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