Sur le fil

22 septembre 2025

Sur le fil

Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier 

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Michel Saugné © LFDE

Le poste de président de banque centrale prend parfois les allures du jongleur perché sur un fil de funambule, un vrai numéro d’équilibriste. 

L’exercice est d’autant plus périlleux lorsqu’il s’agit de pivoter, c’est-à-dire lorsque la banque centrale change la trajectoire de ses taux directeurs. La dernière réunion de la Réserve Fédérale américaine (Fed) des 16 et 17 septembre ressemble à un cas d’école.

Tiraillé entre une inflation incertaine, en raison des droits de douane réhaussés par Donald Trump et dont les effets tardent à se matérialiser, et un marché du travail dont la dégradation s’est accélérée cet été, Jerome Powell a réussi à évoluer dans cet exercice instable sans vaciller. 

En plus d’être écartelé par ces deux objectifs, aujourd’hui antagonistes – hausser les taux pour prévenir une envolée des prix ou les baisser pour éviter qu’une dégradation du marché du travail freine la croissance – le président Powell fait face à des dissensions grandissantes au sein des membres décisionnaires de son conseil. Lors de la précédente réunion déjà, deux membres du FOMC (Federal Open Market Comitee), l’organe de décision de la politique monétaire, s’étaient prononcés en faveur d’une baisse de taux, alors que la majorité avait choisi le statu quo. Cette fois-ci, Stephan Miran, fraîchement nommé au conseil, a marqué son entrée en affichant sa volonté de baisser violemment les taux d’ici la fin d’année : il préconise ainsi encore 5 baisses de taux d’ici décembre, alors que le reste des votants n’en projette que 2 en moyenne, 3 au maximum.

Jerome Powell doit aussi jongler entre les pressions politiques et celle du marché des taux : le président Trump réclame à cor et à cri que la Fed baisse rapidement ses taux dans une ampleur inédite, tandis que le marché anticipait 3 baisses de 25 points de base en 2025 et 3 supplémentaires l’an prochain. 

L’exercice d’équilibriste atteint généralement son paroxysme au moment de la conférence de presse qui suit la décision de la Fed. On se souvient des mots du président Alan Greespan restés célèbres « Si je vous ai semblé excessivement clair, c’est que vous devez avoir mal compris ce que j’ai dit. »  A rebours de son prédécesseurJerome Powell a réussi à clarifier sa décision, la qualifiant de « risk management cut »[1], signe que cette baisse n’est pas forcément le prélude d’un cycle baissier aussi fort que les marchés peuvent l’attendre. Malgré ce pied de nez au marché, la décision de Jerome Powell n’a pas pour autant généré d’instabilité, puisque l’indicateur de volatilité des taux d’intérêts a décru après son intervention et évolue à un niveau de faiblesse inédit depuis début 2022.

Le bon accueil de cette décision par les marchés financiers – taux en baisse, actions en hausse, volatilité en reflux – tient peut-être à l’équilibre du funambule Powell. Il tient aussi peut-être à l’un des enseignements de l’histoire boursière : lorsque la Fed reprend un cycle de baisse de taux après une pause, 6 fois sur 6 le marché actions a progressé un an plus tard. Sur le fil, l’équilibriste avait cet assurage[2]

[1] Une décision de gestion des risques

[2] Ensemble des techniques qui permettent d’éviter les chutes.   

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Opinion rédigée le 19.9.2025

Disclaimer : Les opinions émises dans le document correspondent aux convictions du gérant. Elles ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de LFDE.

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